Dette du Ghana : la Chine va pouvoir se payer en électricité et revenus miniers

Ghana Chine revenus miniers
 

Selon des données rendues publiques par le Fonds monétaire international (FMI), le Ghana, englué dans une crise économique majeure, pourrait perdre une partie de ses revenus miniers, ainsi que de ses ventes d’électricité à venir, si elle ne parvient pas à honorer quatre prêts garantis contractés auprès de la Chine, celle-ci pouvant alors se payer directement en puisant dans les fonds ghanéens.

Gravement endetté, le Ghana doit actuellement plus de 30 milliards de dollars correspondant à différentes sortes de prêts, parmi lesquels au moins huit ont été consentis par la Chine contre des garanties adossées sur la production de cacao, de pétrole et de bauxite pour l’exportation.

La dette totale du Ghana à l’égard de la Chine représentait, à la fin de 2022, 1,9 milliard de dollars (sur 5,4 milliards dus à des Etats étrangers), dont 619 millions de dollars de prêts garantis – les seuls de ce type sur l’enveloppe totale de 30 milliards. C’est à cette même date qu’Accra a cessé de payer la plupart de ses dettes externes.

 

Le Ghana a concédé l’accès de le Chine à certains revenus miniers

Si tout emprunt expose le débiteur à des conséquences néfastes en cas de défaut de paiement, les prêts garantis font courir le risque du siphonage automatique des revenus alors même qu’un pays se trouve en grande difficulté.

Le Ghana, en l’occurrence, a amplement emprunté pour financer des infrastructures pour les communications, le réseau routier et les pêcheries. Mais il risque de voir sa situation s’aggraver au fur et à mesure de son développement placé entre les mains du géant asiatique.

L’histoire des liens entre les deux pays – la Chine est aujourd’hui le principal partenaire économique du pays – montrent qu’elle ne fait pas précisément œuvre de bienfaisance. Entre 2006 et 2014, 50.000 travailleurs chinois faisaient leur entrée au Ghana pour faire fonctionner le secteur de l’extraction minière à petite échelle (small-scale mining) qui représente une des principales ressources du pays, apportant avec eux méthodes et engins industriels qui ont complètement bouleversé les méthodes artisanales utilisées localement, notamment pour les mines d’or.

S’il y a eu un boom de revenus, les répercussions sur l’environnement et la qualité des eaux de rivières, sans compter une perte massive d’emplois chez les autochtones, ont été perçues comme négatives par la population – rixes avec les Chinois à la clef.

 

La prétendue « civilisation écologiques » de la Chine ne traverse pas l’océan

En 2021, Xi Jinping vantait la « civilisation écologique » à l’occasion du dévoilement du nouveau plan quinquennal en Chine. Dans le même temps, la Chine négociait le développement d’une mine intégrée de bauxite-aluminium dans une réserve forestière au moyen d’un nouveau prêt garanti, d’autant plus alléchant pour la Chine que celle-ci est à la recherche de cette ressource. Un prêt de ce type de 2 milliards de dollars consenti en 2018 par la société d’Etat chinoise Sinohydro au gouvernement du Ghana était assorti au profit de la Chine d’un accès à 5 % des réserves de bauxite, du droit de construire une raffinerie de bauxite (avec des ouvriers chinois ?) et de faire déposer les revenus d’exportation sur un compte séquestre offshore pour le remboursement de la dette, dont les actifs pourront être saisis en totalité en « prépaiement » de la dette en cas de défaut de paiement. L’Atewa Home Forest Reserve est riche en eau et en espèces végétales et animales, mais cela n’en fait pas un lieu qui mérite les soins de la Chine en matière de « civilisation écologique ». Peut-on parler d’externalisation des activités polluantes ?

 

Restructuration de la dette du Ghana par la Chine… peut-être

Le Ghana, lui, vient tout de même d’obtenir un accord de principe pour se faire prêter encore 3 milliards de dollars par le FMI alors que ses créanciers, parmi lesquels la Chine, acceptaient de faire un geste. La Chine donnait la semaine dernière quelques assurances quant à la restructuration de ses créances tandis que le FMI exigeait du Ghana hausse des taxes sur sa population et réduction des dépenses publiques, sans que l’on puisse prévoir la conclusion des négociations avant le troisième trimestre de cette année. Mais tous ont en mémoire une promesse similaire faite par la Chine à la Zambie après sa défaillance de 2020, promesse non concrétisée et qui bloque actuellement le transfert de fonds par le FMI.

L’affaire est compliquée par le manque de transparence de la Chine, dont les engagements en Afrique et ailleurs se révèlent volontiers plus importants que ce qui apparaissait sur les comptes publics.

Dans le même temps, la dette chinoise, dettes locales et régionales incluses, est estimée par Goldman Sachs à 23.000 milliards de dollars (dont 13.2 milliards de dette nationale).

 

Anne Dolhein