En commandant un rapport d’experts scientifiques sur le changement de climat, l’effet des émissions de CO2 et celui des politiques visant à les supprimer, RDS, la société mère de Shell, accusée devant le tribunal de district de La Haye par un groupe d’ONG écologistes emmenées par MilieuDefensie de constituer un danger, inverse l’accusation. Elle met en cause la validité scientifique des reproches qui lui sont faits. En démontrant que le CO2 ne nuit ni au climat ni à l’homme, le rapport pose clairement la question de l’autorité de la science dans le débat public. Ses trois auteurs estiment que la notion de « consensus scientifique » n’est pas valide dans l’étude du climat et entendent soumettre la question à la « méthode scientifique » par un va-et-vient contradictoire entre modélisation et observations. Ils dénoncent en outre la confusion entre autorité de la science et publications du GIEC, rappelant que celui-ci est une institution intergouvernementale, donc politique et non scientifique. Leurs adversaires, eux, mettent en cause leur compétence en matière de climat, donc l’autorité et la sincérité de leur témoignage.
Le Climat, affaire trop complexe pour que nous comprenions ?
Que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, l’argument est toujours le même : l’étude du climat est une chose si complexe, où entrent tant de paramètres (c’est exact) que le vulgum pecus, ou même le décideur politique, doit s’en remettre à un petit nombre de spécialistes, dénommés climatologues pour l’occasion. Pour progresser, la science se spécialise toujours plus, avec pour corollaire que les discussions dites pointues deviennent absconses pour les quidams que nous sommes vous et moi. Aussi devrions-nous nous en remettre à l’opinion des sachants, i.e. au consensus scientifique exprimé par les climatologues : c’est ainsi qu’en pratique se terminent tous les débats. L’expression de ce consensus s’expose aux yeux du grand public par les rapports du GIEC, leurs résumés, et les publications de presse qui en sont tirés. Ainsi des méta-études affirment-elles que 95 ou 97 % des publications scientifiques disent que le réchauffement est majoritairement causé par l’homme. On a vu ici que ces méta-études ne sont pas toujours très sûres, mais cela ne pèse pas dans le débat public. Le poids des publications du GIEC est déterminant, et le tribunal de La Haye s’y est référé comme à un commun savoir qui justifiait tacitement l’obligation faite à Shell de réduire ses émissions.
Le GIEC, autorité politique, non scientifique
Voici le commentaire du rapport d’experts sur ce point :
« En première instance, la Cour a assimilé l’état de la science du climat aux rapports du GIEC. Or, comme son nom l’indique clairement, il s’agit du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. (Il) est contrôlé par les gouvernements et ne fournit donc que des avis gouvernementaux, et non des données scientifiques. Par conséquent, le GIEC ne fournit aucune base scientifique à l’avis de la Cour.
« Plus précisément, les gouvernements du GIEC, et non les scientifiques, se réunissent à huis clos et décident ce qui est publié dans les résumés à l’intention des décideurs (“SPM”), qui décident ce qui est publié́ dans les rapports complets. »
La fiche d’information du GIEC le confirme : « L’approbation est le processus utilisé pour les résumés à l’intention des décideurs (SPM) du GIEC. L’approbation signifie que le document a fait l’objet d’une discussion détaillée, ligne par ligne, qui a abouti à un accord entre les pays membres du GIEC participants, en consultation avec les scientifiques responsables de la rédaction du rapport. »
Comment le GIEC a caviardé des études scientifiques
Une autre fiche d’information du GIEC stipule que les sous-rapports qui forment le rapport pluriannuel du GIEC sont soumis à un processus d’acceptation analogue et soumis à des modifications « pour assurer la cohérence à l’intention des décideurs ». Le politique, les gouvernements, influent donc directement non seulement sur le résumé à l’intention des décideurs, mais sur les rapports eux-mêmes. En est donné un exemple frappant. Un projet de scientifiques indépendants pour le chapitre 8 du rapport du GIEC 1995 portait en conclusion : « Aucune étude à ce jour n’a attribué positivement tout ou partie (du réchauffement climatique observé) à des causes (humaines). » Cela donnait lieu dans le Wall Street Journal en juin 1996 à une recension sous la plume de Frederick Seitz, intitulée « A major deception on climate warming ». Cela n’a pas empêché le SPM de 1995 réservé aux décideurs d’écrire noir sur blanc, page 4 : « L’ensemble des preuves suggère une influence humaine perceptible sur le climat mondial. » En application de la règle donnée par les fiches d’information, le projet des scientifiques indépendants a été récrit pour être compatible. A la page 439 du rapport scientifique 1995 : « L’ensemble des preuves statistiques du chapitre 8… pointe maintenant vers une influence humaine discernable sur le climat mondial. »
Malgré les scientifiques qui y concourent, le GIEC exprime une opinion politique
On approuvera donc le rapport d’experts : « En ce qui concerne les rapports complets du GIEC, des centaines de scientifiques de renommée mondiale ont rédigé d’excellents documents scientifiques. Les rapports du GIEC doivent-ils être considérés comme de la science ? Non. Il faut présumer que tout ce qui figure dans les rapports du GIEC est une opinion gouvernementale qui n’a aucune valeur scientifique fiable, à moins d’être vérifiée de manière indépendante par la méthode scientifique. » A l’idée répandue par les COP, notamment par Christiana Figueres qui organisa celle de Paris, que les « politiques écoutent la science », le rapport d’experts invite à opposer la méthode scientifique aux injonctions politiques, et à se méfier du GIEC, organisme où la politique viole la science : « En conclusion, aucun des GPP, modèles, scénarios et autres conclusions du GIEC affirmant qu’un réchauffement climatique dangereux est causé par les émissions humaines de CO2 et de GES et par les combustibles fossiles n’est une science fiable, ce sont simplement les opinions des gouvernements du GIEC. Par conséquent (…) aucun de ces documents ne peut être utilisé comme preuve scientifique à l’appui de l’avis de la Cour. »
Le consensus scientifique, de Ptolémée à Lyssenko
Après avoir démoli l’autorité abusive du GIEC, les trois auteurs du rapport d’experts affirment que la notion de consensus scientifique n’a rien à faire dans le débat sur le climat. Ce ne sont pas des philosophes. Ils ne dissertent pas pour savoir si le consensus scientifique, entendu comme la représentation mentale d’une époque : par exemple de la fin du 17e siècle au début du 20e, le consensus scientifique a été newtonien. En quelque sorte, c’est l’hypothèse dominante et féconde d’une période. Ce consensus scientifique n’est pas la « vérité » ni ne définit obligatoirement la « réalité ». Parfois il dit juste, parfois il se trompe. Depuis Ptolémée, au troisième siècle, le consensus scientifique est que la terre est « ronde », mais, jusqu’à Keppler, il était que la terre était le centre de l’univers autour duquel tournaient le soleil et les étoiles. Copernic puis Galilée l’avaient combattu avec raison sans pourtant apporter les preuves formelles que le système héliocentrique était le bon. L’un des consensus scientifiques qui a le plus marqué les auteurs du rapport d’experts est celui qui régnait du temps de Staline et Lyssenko, l’homme qui avait « rectifié » la génétique pour l’accorder au marxisme.
Pas de consensus, la bonne vieille méthode empirique
Ils craignent que la chose ne se répète aujourd’hui à l’échelle du monde et rappellent cette évidence du grand physicien américain Richard Feynman : « Aucun gouvernement n’a le droit de décider de la véracité des principes scientifiques. » Aucune assemblée non plus, fût-elle composée d’esprits éminents, selon eux. Ce ne sont pas des épistémologues anarchistes de type Feyerabend mais des physiciens archi-primés et récompensés, de sages enseignants empiristes : « Une science fiable repose sur la validation des prédictions théoriques par des observations, et non sur le consensus, l’examen par les pairs, l’opinion des gouvernements ou des données triées sur le volet ou falsifiées. » Ils revendiquent la « méthode scientifique » dont ils reprennent la définition donnée, toujours, par Richard Feynman :
« Nous comparons le résultat du calcul [d’une théorie] à la nature, […] nous le comparons directement aux observations, pour voir s’il fonctionne. S’il est en désaccord avec l’expérience, il est faux. C’est dans ce simple énoncé que se trouve la clef de la science », The Character of Physical Law (1965), p. 150.
Plus c’est complexe, moins il faut se fier au consensus dit scientifique
Pour en terminer avec cette opposition fondamentale qu’ils établissent entre « méthode » et « consensus » scientifique, ils écrivent encore : « Ce qui est correct en science n’est pas déterminé́ par un consensus, mais par des expériences et des observations. (…) L’accord avec les observations est la mesure de la vérité scientifique. (…) Il est stupéfiant que l’une des questions les plus complexes de la physique (à savoir le comportement d’un fluide multiphasique, radiativement actif et turbulent) soit fixé par un consensus d’origine politique de sorte que les sceptiques sont réduits au silence. Les modèles qui soutiennent le récit de la crise climatique font des prédictions qui ne correspondent absolument pas aux observations de ce qu’ils sont censés prédire. Cet échec signifie qu’en science, ils devraient ne jamais être utilisés. » Il restera, dans les prochains articles, à examiner les données et l’interprétation du rapport d’experts sur les faits incriminés eux-mêmes, émissions de CO2, effet sur la terre et sur l’homme, réchauffement du climat par celui-ci.