Le président colombien, Gustavo Petro, vient de déclarer la guerre à l’intelligence artificielle, en demandant que l’IA fasse l’objet d’un contrôle étatique à l’échelle globale. Il s’exprimait au Sommet mondial des gouvernements créé en 2013 par le pouvoir émirati et organisé chaque année depuis lors à Dubaï. Cette année, le Sommet réunit 30 chefs d’Etat et de gouvernement, plus de 400 ministres, 80 organisations internationales, 140 délégations gouvernementales et plus 6.000 participants. Un « machin » comparable au Forum économique mondial ? Oui, et celui-ci est présent, mais axé sur l’évolution de la gouvernance des Etats en induisant des « changements radicaux » face aux problèmes globaux, toujours les mêmes : réchauffement climatique, les « mutations de la santé mondiale » : « Le sommet permet aux nations, aux industries et aux sociétés de faire face à l’incertitude et de façonner un avenir plus résilient et plus équitable pour tous », résume l’AFP en citant le communiqué officiel de l’événement.
Un prix mondial de « l’excellence gouvernementale » est même remis à cette occasion…
Parmi les nombreux « orateurs notables » (le PDG de Google, le président d’Alibaba, Kristalina Georgieva qui dirige le FMI, les PDG d’Astra Zeneca, SAP, Hewlett Packard, CNN, Dow Jones, Vodafone et bien d’autres), on remarque la présence de Tucker Carlson, celui qui était allé interviewer Poutine à Moscou…
Gustavo Petro oppose l’IA à la gouvernance « verte » et au socialisme
Le président Gustavo Petro est intervenu en appelant de ses vœux une intervention accrue des pouvoirs publics face à la menace de l’IA, et pour lui il ne suffit pas que les Etats souverains affrontent le problème chacun de son côté. C’est bien le socialisme qu’il promeut, mais la montée en puissance de l’IA en fait tout autant, en favorisant la prise en charge des êtres humains privés d’emploi par l’Etat-Providence…
Prenant prétexte de sa politique « verte » extrême, note Panampost, le président colombien prône un gouvernement mondial qui imposerait des régulations et des impôts mondiaux pour sauver la planète de la « catastrophe » qu’entraînera, dit-il, les avancées techniques les plus récentes du système « capitaliste ».
Gustavo Petro a jugé « indispensable » de créer un « pouvoir public mondial, global, multilatéral, au sens qu’il admettra la diversité des civilisations ».
« Le sujet de la réglementation visant à assurer l’existence de la vie sur la planète et la coexistence pacifique de l’humanité et son développement n’est plus un [sujet de] gouvernement en soi », affirme-t-il d’une manière un peu obscure. Assurant que « l’intelligence artificielle provoquera un effondrement social mondial s’il existe une réglementation libre de marché », Petro pense que « le concept de nation, né il y a quelques siècles », a atteint un point où « il commence à perdre son sens ». Le « chaos » provoqué par l’intelligence artificielle sert ainsi de menace pour imposer le recours à un gouvernement mondial, puisque les gouvernements individuels « ne sont pas à la hauteur ».
Le gouvernement mondial, panacée pour toutes les crises ?
L’IA est ainsi présentée comme un de ces problèmes systémiques globaux qu’il faut régler ensemble – pourquoi pas en passant les rênes à l’ONU ? – de manière à ce que ce monstre créé par l’homme ne le détruise pas.
Petro y ajoute son point de vue socialiste en dénonçant le « capitalisme » comme raison de la menace de l’IA. Outre que le capitalisme, ou l’« hyper-libéralisme », est moins partagé qu’on ne veut nous le faire penser, en ce sens que l’emprise des Etats sur la vie des gens est déjà extrêmement lourde dans les pays développés à travers l’impôt et la réglementation de la vie des gens ordinaires sur tous les plans, il serait faux de penser que l’IA sous « contrôle » socialiste soit moins lourd de menaces. Big Brother y verrait son pouvoir décuplé, comme le montre l’expérience chinoise déjà assistée par l’IA.
L’IA représente-t-elle un problème systémique global qui requiert une réponse globale ? A l’inverse du « réchauffement climatique » et de la « lutte contre le CO2 », oui, sans aucun doute. Elle menace la société humaine, le travail, l’intelligence humaine elle-même en se substituant à elle. Et de fait, c’est un danger – fabriqué par l’homme – qui ne peut être réglé qu’au niveau global, puisque l’IA donnera une avance technique inimaginable à ceux qui s’en servent.
Mais on voit le triple problème lié à cette réaction à la menace annoncée : d’une part, la progression vers un gouvernement mondial tous azimuts, si ce contrôle mondial était mis en œuvre ; les limites du contrôle de l’IA qui tiennent à sa nature même ; et enfin l’impossibilité de forcer la main à tous les pays – on imagine mal la Chine, par exemple, s’imposer des limites alors qu’elle pourrait compter sur l’IA pour un avantage concurrentiel.
Le problème, c’est l’IA en elle-même. Quand on lâche une telle bête, on ne la retient plus.