Délit de pensée ! Les travaillistes l’avaient promis, le voilà. La nouvelle législation est entrée en vigueur le mois dernier en Ecosse et une similaire suivra fin octobre en Angleterre et au Pays de Galles. La prière, même silencieuse, même sur une propriété privée, même à l’intérieur d’une habitation, pourra être considérée comme une infraction pénale si elle est effectuée dans les zones dites « d’accès sécurisé » de 200 mètres établies autour de toutes les cliniques d’avortement.
Depuis que ces zones tampons ont été introduites par la loi sur l’ordre public (Public Spaces Protection Order) en 2023, la prière silencieuse est l’objet de tous les débats : pour les uns, c’est l’ultime outil de contrôle des anti-avortement haïs, pour les autres, c’est un cliquet majeur dans l’ingérence étatique et la violation des droits humains.
On argue que l’on vise ainsi tout ce qui « pourrait provoquer le sentiment d’être harcelé, de la peur ou de la détresse » chez le personnel et les patientes de ces cliniques. Mais c’est la liberté de pensée et de religion qu’on attaque, sans compter la vraie liberté de ces femmes qu’on empêche, ainsi, de savoir. Ce ne sont pas elles qui sont défendues, mais la culture de mort.
Le fait de se trouver sur une propriété privée ne constitue pas un obstacle aux poursuites
En Ecosse, les résidents d’une « zone d’accès sécurisé » d’Edimbourg ont eu la surprise de recevoir dans leur boîte aux lettres une missive du gouvernement, consultée par The Telegraph, les avertissant qu’ils pourraient même faire l’objet de poursuites pénales pour des actions menées à domicile.
Elle indique : « En général, il s’agit d’infractions dans les lieux publics au sein des zones d’accès sécurisé. Cependant, les activités dans un lieu privé (comme une maison) dans la zone entre les locaux protégés et la limite d’une zone peuvent constituer une infraction si elles peuvent être vues ou entendues dans la zone et sont effectuées intentionnellement ou imprudemment. » Elle précise que si les infractions les moins graves encourent des amendes allant jusqu’à 10.000 livres, les amendes s’appliquant aux plus graves peuvent être d’un montant illimité.
Et si vous priez tout le temps, comme l’a déclaré cette jeune femme d’Edimbourg, chrétienne et très pieuse, au Telegraph ? Il faut croire que cela pourrait poser problème… Sauf si on ne comprend pas que vous priez. Et encore, ce n’est même pas certain : la bénévole chrétienne Isabel Vaughan-Spruce a été arrêtée à deux reprises en 2022 et 2023 pour une simple station debout à proximité d’un avortoir. Les nouvelles directives le précisent bien : les forces de l’ordre seront désormais en mesure de juger « l’intention » d’une « veillée silencieuse », même si elle est opérée dans une habitation privée.
On se croirait en dictature communiste. Le directeur de la Society for the Protection of Unborn Children a déclaré : « Cette directive sinistre et profondément orwellienne laisse penser que la législation sur la zone tampon pourrait être utilisée pour contrôler et réguler l’activité religieuse au sein d’une propriété privée. »
La prière autour des cliniques d’avortements est fondamentalement interdite
En Angleterre et au Pays de Galles, ce sera du même acabit, dès le 31 octobre. La législation anglaise va criminaliser, « dans n’importe quel endroit » dans un rayon de 150 mètres des prestataires d’avortement, les activités qui pourraient dissuader ou perturber le personnel et les patientes, si ces activités sont « visibles depuis une voie publique, un espace ouvert auquel le public a accès, ou l’enceinte d’une clinique d’avortement ».
Pourtant le précédent gouvernement conservateur avait émis, en décembre, des directives affirmant que la prière silencieuse devrait être autorisée à l’intérieur des nouvelles « zones d’accès sécurisé », tout comme la communication « consensuelle ». On y pouvait lire : « La prière silencieuse, qui est l’engagement de l’esprit et de la pensée dans la prière envers Dieu, est protégée en tant que droit absolu en vertu de la loi sur les droits de l’homme de 1998 et ne doit pas, en soi, être considérée comme une infraction en aucune circonstance. »
Mais ces directives n’ont pas été publiées avant les élections de juillet. Des pressions avaient déjà lieu, notamment sous l’égide de Dame Diana Johnson, la nouvelle ministre de la Police qui avait signalé son mécontentement au ministre de l’Intérieur, alors qu’elle n’est absolument pas personnellement responsable de cette législation. L’ONG Marie Stopes International qui promeut la « santé sexuelle et reproductive », avait aussi parlé de « failles majeures ».
Et lorsque le nouveau gouvernement travailliste est arrivé au pouvoir début juillet, les directives ont été rapidement balayées, le projet de loi radicalisé, et la mise en œuvre accélérée.
En Grande Bretagne, on criminalise les pensées de l’esprit
Sûrement trop de victoires juridiques avaient été remportées par des personnes injustement arrêtées pour avoir prié à proximité de cliniques d’avortement. Il y a seulement quelques semaines, la chrétienne Isabel Vaughan-Spruce s’est vue fournir des excuses par la police des West Midlands et verser 13.000 livres de dédommagement. Et c’était en toute logique, car jusque-là la prière silencieuse ne pouvait constituer un délit, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Suella Braverman, l’avait bien rappelé, notait Jeanne Smits.
Il n’en sera sans doute plus de même. Le « délit de pensée » qu’Isabel Vaughan-Spruce avait dénoncé pourra devenir un argument recevable, alors même que la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale avait inclus son arrestation dans sa liste annuelle des violations de la liberté religieuse dans le monde. L’Etat veut s’ingérer toujours plus loin – jusque dans nos maisons. Non seulement personne ne doit être en capacité d’influencer ceux qui se soumettent à la culture de mort, mais personne ne doit prier pour eux. Double peine.
C’est ouvrir la voie à d’évidents abus de pouvoir. Et que fera-t-on du cas de Adam Smith-Connor, ce vétéran de l’armée qui, en 2022, est allé prier debout, derrière un arbre, dans un espace vert public près de la clinique de Bournemouth, pour son fils mort, avorté il y a 24 ans ? Au tribunal d’instance, fin septembre, il a répondu à la magistrate qui l’accusait de se livrer « à un acte de désapprobation du travail de la clinique d’avortement » : « Je prie dans mon esprit et je ne m’approche de personne. J’ai le droit de prier en silence pour mon fils mort dans un pays libre. »
Et que fera-t-on du chapelet du soir, récité paisiblement dans le jardin ? Du crucifix accroché au mur du salon, visible depuis la rue ? De la statue de saint Joseph ornant le seuil de la maison ? Nous sommes passés par-delà la liberté d’expression, au-delà de la liberté tout court. La tyrannie ne se masque plus.