Andrea Grillo dénonce l’attachement de Carlo Acutis aux miracles eucharistiques : une charge révélatrice

Grillo Acutis miracles eucharistiques
 

La canonisation prochaine, début septembre, de Carlo Acutis, mort d’une leucémie fulgurante à l’âge de 15 ans après une courte vie entièrement centrée sur la Sainte Eucharistie, irrite au plus haut point le professeur de liturgie Andrea Grillo, connu pour son opposition militante à l’égard de la messe latine traditionnelle. Il vient de publier un long blog résumant sa colère devant l’idée de donner en exemple cet adolescent qui a communiqué une « théologie eucharistique aussi ancienne, aussi pesante, obsessionnelle, concentrée sur l’accessoire et négligeant tant l’essentiel ». Il en veut au « geek de Dieu » – et bien plus encore à ceux qui l’ont formé – d’avoir répandu des informations sur les miracles eucharistiques. Carlo Acutis, en effet, a consacré beaucoup de temps à créer et alimenter un site Internet sur des miracles reconnus, avec l’objectif d’évangéliser et de faire grandir l’amour à l’égard de Jésus-Hostie.

Cette exposition virtuelle est aujourd’hui visible sous forme de panneaux dans de nombreuses églises en France notamment. Elle montre en particulier des événements où une hostie s’est mise à saigner, ou s’est transformée visiblement en chair humaine, et même en tissu cardiaque, attirant ainsi de manière sensible l’attention des fidèles que trop souvent gagne la tiédeur sur l’amour incommensurable qui a poussé le Christ à verser jusqu’à la dernière goutte de son sang pour lever la sentence de mort qui sanctionna le péché originel, et racheter les pécheurs.

 

La violente charge d’Andrea Grillo contre le bienheureux Carlo Acutis

On sait la prudence avec laquelle l’Eglise aborde ces phénomènes extraordinaires, et les approuve le cas échéant. Ceux qui sont bien réels et reconnus interpellent l’humanité tout entière : ils ne résultent pas de l’hallucination d’un individu mais permettent en quelque sorte d’observer le miracle eucharistique jusque sous le microscope (comme l’expliquait le cardiologue Franco Serafini dans l’interview qu’il a donnée à RITV il y a deux mois).

Fadaises que tout cela, s’il faut en croire Andrea Grillo. Le liturgiste idéologue donné pour être le concepteur de Traditionis custodes en dit finalement beaucoup sur les réformes qui ont eu lieu depuis ces « 70 dernières années », liées comme il le dit à la « compréhension de la valeur ecclésiale de l’Eucharistie et de sa célébration ».

Lex orandi, lex credendi : l’adage est exact et les réformateurs de la liturgie en sont profondément convaincus. On comprend mieux qu’un cardinal Roche, préfet du Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements, ait pu dire lors d’un entretien avec la BBC : « Vous savez, la théologie de l’Eglise a changé. Alors qu’auparavant le prêtre représentait, à distance, toutes les personnes – celles-ci étaient pour ainsi dire canalisées par cette personne qui était la seule à célébrer la messe – ce n’est pas seulement le prêtre qui célèbre la liturgie, mais aussi ceux qui sont baptisés avec lui. Il s’agit là d’une affirmation très forte. »

Très forte – et totalement réductrice à l’égard du prêtre qui seul a le pouvoir par l’onction sainte de prononcer efficacement les paroles de la consécration, et qui agit in persona Christi, sans avoir besoin de quiconque d’autre pour « prêter » ses mains à Jésus.

 

Carlo Acutis n’a rien compris à l’Eucharistie… mais il est mort en donnant sa vie

En ce qui concerne le bienheureux Carlo Acutis, Grillo se demande comment l’enseignement de l’Eglise sur l’Eucharistie a pu être « communiqué de manière si déformée à ce jeune communicateur passionné, au point de lui suggérer une compréhension si lacunaire, si déficiente, si unilatérale ».

Grillo se réfère d’une certaine manière au véritable miracle de l’Eucharistie (mais sans évoquer le mot « transsubstantiation » qui le définit), qui est effectivement le plus grand miracle accompli par le Christ. Rendre ce miracle visible en changeant l’aspect de l’hostie afin que les accidents de la substance soient modifiés n’y ajoute rien d’essentiel. Mais cela vient soutenir tout de même notre foi, ou appeler à croire ceux qui n’adhèrent pas au dogme de la Présence réelle…

Aller jusqu’à qualifier de « petit scandale » le fait de s’intéresser à ses miracles néglige toute la pédagogie divine et interdit au fond au Christ de se manifester comme Il le veut…

Grillo a analysé à sa façon trois textes de présentation sur la page d’accueil du site de Carlo Acutis, en commençant par celui du cardinal Comastri dans lequel celui-ci se rappelait combien il avait « beaucoup souffert », à la suite d’une recherche sur les miracles eucharistiques qu’il avait réalisée, du fait d’une lettre affirmant que les « “saignements” eucharistiques était le fruit d’une époque naïve et facilement encline à inventer des prodiges ».

Grillo trouve l’affirmation « inutilement personnelle et hors de propos » et même « un tant soit peu déplacée et sans pertinence véritable par rapport au sujet ». On comprend que lui aussi juge l’intérêt pour ces miracles comme relevant d’une naïveté d’un autre temps ?

 

Andrea Grillo explique que la théologie de l’Eucharistie a changé

Le deuxième texte est la présentation signée par Mgr Raffaello Martinelli, qui rappelait à juste titre que les miracles eucharistiques ne sont pas « un objet de foi ». Grillo se serait bien contenté de cela, mais voici que le prélat a aussi rappelé qu’ils peuvent « constituer une aide utile et fructueuse à notre foi » :

« Précisément parce qu’il est reconnu comme un fait extraordinaire, le miracle eucharistique ne trouve pas d’explication dans les faits et les raisonnements scientifiques, il dépasse la raison humaine et interpelle l’homme en l’exhortant à “aller au-delà” du sensible, du visible, de l’humain, c’est-à-dire à admettre qu’il existe quelque chose qui est incompréhensible, inexplicable humainement par la seule raison humaine, scientifiquement indémontrable. Offrir l’occasion de parler, dans la catéchèse, de la Révélation publique et de son importance pour l’Eglise et le chrétien. »

Là, Andrea Grillo s’étouffe quasiment d’indignation : « Je demande au lecteur : mais quel genre de raisonnement est-ce là ? Les miracles seraient-ils des “occasions” de parler d’autre chose ? »

Eh bien oui !

Toute la Judée résonnait des miracles accomplis par Notre Seigneur, puis par les Apôtres : en parler était un outil d’évangélisation évident, une porte d’entrée dans les cœurs que Jésus Christ lui-même encourageait ses disciples à utiliser. Ce moyen choisi pour s’attirer les âmes ne convient pas aux liturgistes les plus modernes de la trempe de Grillo qui déplore que « le discours sur l’Eucharistie dans sa valeur ecclésiale reste totalement en dehors du texte ». Et c’est ainsi que les raisonnements de théologiens, de préférence progressistes, finissent par prendre le pas sur ce que les petites gens peuvent voir et contempler ; c’est ainsi que la « valeur ecclésiale » devient plus importante que la réalité ineffable de la transsubstantiation.

 

Andrea Grillo ne veut pas de la spécificité du prêtre

La « cerise sur le gâteau », selon Andrea Grillo, est cette phrase du troisième présentateur ecclésiastique du site du jeune bienheureux, le père dominicain Roberto Coggi. Celui-ci a osé écrire : « Nous connaissons la doctrine catholique concernant la présence réelle. Par les paroles de la consécration : “Ceci est mon Corps”, “Ceci est mon Sang”, la substance du pain devient le Corps du Christ, et la substance du vin son Sang. »

Ici, Grillo s’emporte :

« Peut-être quelqu’un aurait-il dû informer le père dominicain que la réforme du Missel de 1970 a modifié ce dont il est convaincu qu’il s’agit de la “doctrine catholique”, mais qui relève seulement de sa fantaisie. Les paroles de la “formule” ne sont pas seulement celles qu’il cite, mais en comprennent beaucoup d’autres : “Prenez-en et mangez-en tous : ceci est mon corps offert en sacrifice pour vous”, puis “Prenez et buvez-en tous, ceci est la coupe de mon sang, l’alliance nouvelle et éternelle, versé pour vous et pour tous, pour le pardon des péchés. Faites ceci en mémoire de moi”. Il n’est pas du tout surprenant qu’une culture des miracles eucharistiques, oublieuse du seul “miracle”, soit liée à une lecture minimaliste, sèche et dépassée tant de la consécration que de la célébration eucharistique. Il est utile que, immédiatement après, le père Coggi répète correctement la théorie de Thomas d’Aquin sur les miracles eucharistiques. Mais cette théorie élimine justement toute possibilité de “miracle” : le corps et le sang ne sont que des “apparences” du pain et du vin. Cela devrait exclure la valorisation du miracle, en montrant surtout sa limite. Surtout lorsqu’il s’agit d’un adolescent de 14 ans ! »

Saint Thomas disait en substance que les miracles eucharistiques montrent le Corps et le Sang du Christ sous d’autres espèces que celle du pain et du vin, ni plus ni moins. Ils sont donc réellement présents ; mais sous l’apparence d’espèces.

Pourquoi donc faudrait-il ne pas « valoriser » un tel miracle, comme l’affirme Grillo ? Ne croirait-il donc pas fondamentalement en la transsubstantiation ? Grillo ne connaît qu’un miracle eucharistique, celui de la « communion ecclésiale » comme il le répète : « le véritable cœur de l’Eucharistie c’est l’unité entre le corps sacramentel et le corps ecclésial » affirme-t-il en oubliant qu’il est « annulé et oublié » dans les présentations de Carlo Acutis.

Il ne parle pas du Corps du Christ, présent en son corps et son sang, son âme et sa divinité, auquel sont incorporés les personnes en état de grâce qui font partie de son Corps Mystique qu’est l’Eglise. Sous-jacente dans les remarques de Grillo est bien la théologie du peuple de Dieu qui édulcore et dilue le sacrifice de la croix renouvelé lors de chaque messe, en modifiant la perspective pour la centrer sur les fidèles, pour en faire un miracle communautaire…

C’est pourquoi Grillo parle de « faux maîtres », de « reconstruction », d’« intérêt déséquilibré et malsain », de « mauvaise éducation eucharistique »… Au point de dire qu’il faudrait peut-être reconnaître Carlo Acutis comme saint « malgré sa fixation déformée sur les miracles eucharistiques ».

 

Carlo Acutis a nourri sa course vers la sainteté par les sacrements

C’est à la fois méchant et malhonnête. Oui, le jeune Italien était passionné par ces miracles, mais il était surtout passionné par le Christ lui-même, entraînant avec lui ses propres parents et beaucoup de jeunes dans son amour du Saint-Sacrement. Dès sa première communion à l’âge de 7 ans, il s’est efforcé de communier quotidiennement quand cela était possible, de passer de nombreuses heures en adoration, prenant peu à peu l’habitude de se confesser toutes les semaines ; tout cela pour grandir dans la foi, l’espérance et la charité à travers les grâces reçues par les sacrements.

Il disait : « Les personnes sont comme endormies dans leur conscience. Ils vont à la messe sans se rendre compte que Jésus est vraiment présent ; si nous avions la foi en l’Eucharistie, les églises seraient pleines ! »

Il disait encore : « L’Eucharistie c’est l’autoroute vers le Ciel », et aussi : « Plus nous communierons, plus nous deviendrons semblables à Jésus et, déjà sur cette terre, nous aurons un avant-goût du paradis. »

Sa vie et sa foi sont bouleversantes – pour tout catholique qui ne se reconnaît pas dans la théologie liturgico-progressiste d’un Andrea Grillo.

 

Jeanne Smits