Quoi qu’en puissent penser certains analystes au lendemain du G20, Vladimir Poutine n’a pas faibli. Moscou vient ainsi de décider d’expulser plusieurs diplomates polonais et une collaboratrice de l’ambassade d’Allemagne, au motif, combien classique à l’heure où l’on reparle de « guerre froide », d’espionnage – enfin, plus précisément d’« activités incompatibles avec leur statut ». Signe d’une tension qui ne cesse de s’exacerber entre l’Est et l’Ouest, ces expulsions diplomatiques (autrement dit, d’espions) ne sont pas cependant un mouvement d’humeur unilatéral, mais bien un jeu croisé.
Il y a un mois en effet, à Varsovie, un lieutenant-colonel, travaillant au ministère polonais de la Défense, et un juriste possédant la double nationalité polono-russe, manifestement très intéressé par l’industrie énergétique, ont été interpellés et accusés d’être des espions travaillant pour les services russes de renseignement militaire. Quelques temps plus tard, la Pologne a discrètement expulsé quatre diplomates russes. Si discrètement qu’on ne l’a appris que par Moscou qui a expliqué que les expulsions auxquelles elle procédait n’était, en réalité, qu’« une rétorsion » à la décision similaire prise par Varsovie – et qualifiée par le ministère russe des Affaires étrangères de « mesure inamicale et infondée ». Sans oublier, au passage, le retrait de son accréditation à un journaliste russe en poste à Varsovie à la demande la sécurité intérieure. Tout cela constituant donc la réponse du berger à la bergère, en quelque sorte…
La Russie et l’Europe s’expulsent mutuellement
Même chose en ce qui concerne la collaboratrice de l’ambassade d’Allemagne à Moscou. Son expulsion constitue la réponse russe au renvoi récent, mais également discret, d’un diplomate russe du consulat de Bonn. Pour faire bonne mesure, il faut y ajouter l’expulsion, annoncée dimanche par la presse russe, de l’ancien député letton Alexeï Kholostov, lui aussi accusé d’espionnage.
Bref, cette valse des espions est révélatrice : alors que les Occidentaux s’interrogent sur la nécessité de nouvelles sanctions face à ce que Berlin qualifie de stratégie diplomatique agressive de Moscou dans les Balkans (avec notamment la question du gaz que l’approche de l’hiver rend plus inquiétante), la Russie n’entend pas se laisser marcher sur les pieds. Ses diplomates accusent même l’OTAN d’attiser, chez ses voisins, les « sentiments anti-russe », par le biais d’« élucubrations », tout cela afin de justifier la présence de ses troupes aux portes de leur pays.
La guerre froide et les espions : pourquoi ?
« Qui aurait cru que vingt-cinq ans après la fin de la guerre froide, après la fin de la division de l’Europe (…) une telle chose pouvait se passer au cœur même de l’Europe ? », s’est interrogée, avec une naïveté touchante, Angela Merkel.
La réalité – c’est-à-dire la réponse à cette question – est évidemment complexe, d’autant que, à côté de ces manifestations hostiles, les relations entre l’Est et l’Ouest sont loin d’être coupées, tant sur le plan diplomatique qu’économique.
Il va de soi que ce dernier point est particulièrement important pour les Occidentaux. Comme le prouvent tous les jours nos politiques, on peut faire toutes les déclarations que l’on veut dans le domaine des droits de l’homme, la seule chose qui compte, la seule chose sérieuse demeure l’argent.
Du côté de Vladimir Poutine, la situation est différente. Le président russe demeure un véritable chef d’Etat – en comparaison avec nos hommes politiques suspendus au bon vouloir de Bruxelles. De ce fait, il ne peut se permettre, devant son peuple ou ses alliés, de passer pour un fantoche. Il lui faut être ferme – d’autant que la situation est, de fait, extrêmement délicate.