Comme Labourbourax, le gendarme de Courteline, Cédric Marteau, directeur général de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), est sans pitié, et comme lui insensible au bon sens, à l’humanité et à ce qui fait le sel de l’existence. En somme Cédric Marteau est de ces gens sérieux dont ont besoin les procès, les assemblées générales, les associations militantes, les camps de redressement. Il vient de montrer l’étendue de son talent en faisant appel dans le jugement qui frappe Didier Ronat, berger de son état. Gardant son troupeau de brebis sur son causse un soir de décembre 2022 avant dîner, celui-ci voit plusieurs dizaines de rapaces fondre sur lui et tire pour protéger ses animaux, deux oiseaux tombent, un vautour moine et un gypaète barbu : un an plus tard le tribunal de Valence lui infligeait 4 mois de prison avec sursis, avec confiscation du fusil et retrait du permis pour deux ans et 30.000 euros de réparation au titre des préjudices moraux et matériels au profit d’une dizaine d’associations parties civiles qui ne réclamaient pas moins de 400.000 (quatre cent mille) euros. Surprenant tout le monde, Cédric Marteau a fait appel au nom de la LPO, estimant ce jugement trop clément.
Pour Marteau, tuer un gypaète c’est pire qu’une émeute
Cela fait trente ans que Didier Ronat fait le métier de berger. Son capital, c’est son troupeau, d’une valeur de 30.000 euros à peu près, juste ce qu’on lui demande de verser aux parties civiles. Il n’a jamais eu affaire à la justice mais souvent aux prédateurs de brebis, dont le plus classique, le loup, depuis qu’il a été réintroduit. Ils compliquent sa vie de berger, ce qui explique qu’il ait fini par tirer. Il a tout de suite reconnu les faits. Il n’en a pas moins été menotté comme un vulgaire Dominique Strauss-Kahn. Perquisitionné. Gardé à vue. Ses deux grandes filles sont en pleurs en le voyant ainsi traité comme un malfaiteur. On n’en fait pas autant pour beaucoup de voleurs, de casseurs. Un émeutier, un caillasseur de pompiers, un lyncheur de policiers s’en tire mieux qu’un berger qui tue un gypaète et un vautour moine. Pour Cédric Marteau, c’est normal et souhaitable. Dans les années soixante du siècle dernier, les éclaireurs de la révolution arc-en-ciel ont détruit avec méthode la morale existante et l’échelle des peines judiciaires qui allait avec : aujourd’hui ils défendent avec le même acharnement la nouvelle morale et les nouvelles lois qu’ils ont installées. Voler à l’étalage n’est rien mais faire subir un « préjudice écologique » dont ils sont seuls juges est gravissime. Voilà pourquoi Cédric Marteau est implacable. Ni l’humiliation de la famille ni le fait que c’est la première faute du délinquant ne l’entament. La loi, c’est la loi, il faut la respecter en toute occasion et pour cela il a interjeté appel.
Vautours autours d’un troupeau, dîner de c…
« Rien n’autorisait ce berger à se mettre dans l’illégalité », affirme-t-il ! Pardi, t’as bien raison, Marteau : d’une manière générale, rien n’autorise personne à se mettre dans l’illégalité, c’est la définition même de l’illégalité ! Et notre vengeur d’ajouter : « Nous avons calculé suivant un barème précis que le préjudice écologique de cet acte de malveillance sur le patrimoine naturel s’élève à 168.000 euros. » Génial ! Tu pourras nous la refaire, Marteau ? 168.000 euros, pas un centime de moins ! Le coup du « barème précis » est grandiose. Aussi joli que, disons au doigt mouillé, l’élévation de la température globale de 4,5 degrés d’ici à 2087. Adorables barèmes précis et modèles aléatoires ! « L’acte de malveillance » n’est pas mal non plus : le vautour pique sur tes brebis, tu tires, c’est un acte de malveillance ! La certitude de détenir le bien et le pouvoir rend ce brave Marteau totalement insensible aux sottises qu’il profère. Il faut en profiter pour faire une teuf à tout casser. Mercredi en huit, j’organise un dîner fantastique à la maison, il y aura des spécialistes du boomerang et de la maquette, des cadres de LFI, des amoureux des éoliennes, mais j’ai besoin d’une vedette charismatique, d’un vrai champion. On t’attend, Cédric Marteau. Le code, c’est commelalune tout attaché. Vers 20.30, si ça t’est possible.