La Hongrie ferme sa frontière avec la Serbie

Hongrie frontiere Serbie
 
On évoque souvent les migrants qui, par mer, se précipitent, à un rythme de plus en plus rapide, vers les côtes italiennes. Mais il existe d’autres voies, par terre, où se jettent également, par dizaines de milliers, de pauvres gens cherchant à fuir des pays en proie à la guerre ou au désordre. L’une des plus fréquentées passe à travers la Serbie pour atteindre la Hongrie. Depuis le mois de janvier, ce sont quelque 50.000 demandeurs d’asile que ce pays a été contraint d’accueillir, soit vingt fois plus qu’au cours de toute l’année 2013. A l’occasion de la conférence internationale Globsec sur la sécurité, qui s’est tenue ces jours derniers à Bratislava, capitale de la Slovaquie, le premier ministre hongrois a fait part de sa lassitude à faire face, seul, à ce flux, et annoncé son intention de renforcer sa frontière avec la Serbie en construisant un mur entre les deux pays.
 
L’annonce spécifique en avait été faite quelques jours plus tôt par le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó : « Le gouvernement hongrois a ordonné au ministère de l’Intérieur de fermer physiquement la frontière avec la Serbie. (…) La Hongrie prévoit la construction d’une clôture de quatre mètres de haut sur les 175 kilomètres de tracé frontalier entre les deux pays. »
 

La Hongrie va construire un mur-frontière avec la Serbie

 
De fait, juste après la Suède, la Hongrie est le deuxième pays de l’Union européenne qui accueille le plus grand nombre de réfugiés proportionnellement à sa population. « De tous les pays de l’Union européenne, la Hongrie est celui qui subit la plus forte pression migratoire, a déclaré le ministre. Une réponse commune de l’Union européenne à ce défi prend trop de temps, et la Hongrie ne peut plus attendre. Elle doit agir ! »
 
Les trois quarts de ces réfugiés viennent de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, en passant par la route des Balkans, jugée moins dangereuse que la traversée de la Méditerranée.
 
« Cette décision, poursuit le ministre, ne contrevient à aucun traité international ; d’autres pays ont opté pour la même solution. »
 
Quant à Viktor Orbán, il a mis les pieds dans le plat. « Je trouve que le fait que les Serbes laissent passer les réfugiés chez nous est choquant. J’estime qu’il faut arrêter ces gens alors qu’ils sont encore en Serbie. »
 

L’incompréhension de Belgrade

 
Côté serbe, on a évidemment mal pris la chose. « Je suis surpris et choqué, nous allons parler de cette décision avec nos collègues hongrois. (…) La solution n’est pas de dresser des murs. La Serbie ne peut pas être responsable de la situation créée par les migrants, nous ne sommes qu’un pays de transit. La Serbie est-elle responsable de la crise en Syrie ? », a déclaré le premier ministre Aleksandar Vucic, qui rejoint cependant son homologue hongrois pour s’étonner que l’Union européenne soit incapable de régler ce problème.
 
Mais, loin de répondre sur le fond, la Commission européenne a préféré, comme la plupart des politiques européens, faire part de ses réticences sur le projet hongrois. « La Commission encourage les Etats-membres à utiliser des mesures de remplacement », a déclaré l’un de ses porte-parole, Natasha Bertaud. « Nous n’avons abattu que récemment des murs en Europe, nous ne devrions pas nous mettre à en construire de nouveaux. »
 

« L’avenir de nos enfants est en jeu ! »

 
Pas plus à Bruxelles qu’à Bratislava on a donc envisagé de répondre sur le fond à cette question de plus en plus vive pour nos pays. On préfère dresser, face à Viktor Orbán, un mur de réprobation. Notamment quand il affirme que seuls des dirigeants forts, et non des institutions, pourront rétablir la stabilité en Europe.
 
Pourtant, nos politiques devraient tenir compte d’une autre protestation : celle de ces milliers de Slovaques qui, samedi, ont manifesté à proximité des locaux où se tenait la conférence internationale. Une manifestation qui a tourné à l’aigre, au point que 140 personnes ont finalement été interpellées pour trouble à l’ordre public.
 
Mais là n’est pas encore le fond du problème. Pour l’entrevoir, il conviendrait que Bruxelles et les différents chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne répondent à cette observation d’une jeune mère de famille qui participait, samedi, à la manifestation : « On ne veut pas que des musulmans détruisent notre pays. L’avenir de nos enfants est en jeu ! »
 
Pour l’heure, c’est évidemment silence radio…
 

François le Luc