Une enquête du Mail on Sunday publiée dimanche révèle que des hôpitaux du système de santé étatisé du Royaume-Uni donnent la priorité aux patients qui ont besoin d’un interprète, reléguant les Britanniques « natifs » en bout de file d’attente pour y… patienter, c’est le cas de le dire. Cette procédure a été délibérément adoptée par l’Imperial College Healthcare qui gère cinq établissements dans les quartiers nord-ouest de Londres, dans l’objectif de comprimer les coûts des services d’interprétariat. Ceux qui trinquent sont les « de souche », mais la NHS n’y est pas de sa poche.
Robert Jenrick, actuellement en lice pour devenir le nouveau leader du parti conservateur, a commenté l’information en tant qu’ancien ministre de l’Immigration en termes sévères : « Les Britanniques attendent déjà trop longtemps les soins dont ils ont besoin. Il ne faudrait pas non plus, ce serait un comble, les soumettre à l’indignité de se voir repoussés au bout de la file d’attente. »
Etre anglophone dans certains hôpitaux britanniques est un handicap
A l’heure où, pour la première fois depuis 2016, les Britanniques considèrent l’immigration comme la question politique la plus urgente, l’ancien ministre d’Etat du gouvernement Sunak multiplie les déclarations critiques sur l’arrivée massive d’immigrés, qu’ils soient légaux ou clandestins, en dénonçant le prétendu « consensus économique » sur les bienfaits des migrations de masse. Il a lui-même pris l’initiative de démissionner de son portefeuille l’an dernier au motif que les mesures prises pour gérer la crise des demandeurs d’asiles étaient « insuffisantes ». Voilà qui correspond en tout cas au sentiment populaire chez les Tories…
Evoquant la manière dont les non-anglophones sont privilégiés à l’hôpital, Jenrick a déclaré : « Voilà une preuve de plus de la pression subie par nos services publics du fait de la migration de masse, et des difficultés qu’il y a à intégrer un nombre sans précédent de nouveaux arrivants. Les non-anglophones ne devraient pas se voir offrir des coupe-files. »
Concrètement, le système fonctionne ainsi : en cas de retard dans la grille des rendez-vous, un patient ayant besoin d’un interprète qui aura été convoqué pour l’heure initialement prévue sera vu au moment le plus proche possible de celle-ci, quitte à faire attendre plus longtemps ceux qui avaient rendez-vous avant lui, de manière à ne pas faire facturer le temps d’attente par le service d’interprétariat.
Coupe-file pour ceux qui ne parlent pas anglais
Le système a notamment été mis en place dans la plus ancienne maternité de Londres, Queen Charlotte’s and Chelsea Hospital, dans ses services de suivi anténatal. Il sévit également dans les services de l’Imperial College dotés d’un système de tickets pour recevoir les patients selon leur ordre d’arrivée.
L’un de ces « recalés » pour cause de maîtrise de la langue de Shakespeare a témoigné pour le Mail on Sunday : « C’est une clinique, ce qui fait qu’en entrant vous vous attendez à devoir attendre quelque temps, mais quand une personne qui était derrière moi dans la queue a pu voir le médecin avant moi, j’ai demandé à l’accueil de me dire pourquoi ; on m’a dit que les personnes ayant un interprète sont priorisés parce qu’ils ne peuvent pas attendre plus d’une heure. »
Les besoins cliniques des patients passent évidemment au second plan, mais ce n’est pas tout. Comme le signale une femme médecins du NHS, Catja Schmitgen, les retards liés aux questions de traduction sont devenus un « problème majeur », spécialement dans les zones urbaines. Les consultations avec les non-anglophones prennent deux fois plus longtemps parce qu’ils ont besoin de se faire détailler les informations « lettre à lettre » ou par le relais d’interprètes, ce qui aboutit à ce qu’il y ait moins de temps pour les patients qui parlent anglais.
Des interprètes pour les anglophones ?
Modèle de langue de bois, un responsable de la communication de l’Imperial College Healthcare NHS Trust a commenté : « Nous sommes résolus à répondre aux besoins spécifiques formulés par n’importe lequel de nos patients – et chaque patient a le droit de bénéficier des services d’un interprète professionnel. »
Voilà peut-être une piste à suivre au nom de l’égalité : un interprète pour chaque patient, et le problème serait réglé ! D’autant qu’en 2022, confronté à un manque de 40.000 infirmiers et infirmières, la NHS a revu à la baisse les critères de recrutement pour les candidats venus d’Inde ou des Philippines, ou encore du Népal : outre que les exigences de capacité de « pensée critique » ont été diminuées en ce qui les concerne, le niveau d’anglais requis a également baissé. A quand des interprètes pour parler avec les médecins et infirmières d’origine exotique dont on ne comprend pas le sabir ? Ce pourrait être une idée pour la France aussi…