Il existe désormais en Chine des « usines sombres » qui fonctionnent dans le noir complet. C’est le cas d’une vaste unité de fabrication massive de téléphones portables où les processus de fabrication ont été à ce point automatisés qu’on s’y passe d’éclairage. Cette usine, visitée récemment par des industriels britanniques, où les ouvriers ont été remplacés par l’IA et les robots, n’a besoin que de quelques agents humains pour surveiller ses unités de production. Et comme un robot n’a pas besoin de voir ce qu’il fait, pourquoi payer des néons ?
Le Daily Telegraph publiait dimanche un reportage sur des industriels occidentaux qui se sont récemment rendus en Chine et qui, chacun à sa façon, reviennent terrifiés par ce qu’ils ont vu. Entre robotisation et innovation, grâce aux avancées de l’IA, la Chine est en train de se moderniser en menant à plein régime la « quatrième révolution industrielle », celle où les machines finissent de remplacer les hommes.
Farley a pu constater que la qualité de la production de véhicules électriques a fait un bond en Chine. Depuis les logiciels de conduite automatisée et la reconnaissance faciale embarquée, l’IA est partout. « Nous sommes au centre d’une compétition globale avec la Chine – et ce ne sont pas seulement les véhicules électriques. Si nous perdons, il n’y aura plus d’avenir pour Ford », déclarait-il en juillet.
En Chine, l’IA et les robots remplacent les humains
Ce boom est notamment alimenté par la « transition verte » qui joue décidément en faveur de la Chine sur tous les plans. Tout en profitant d’objectifs décalés en matière de décarbonation, qui lui permettent de continuer d’augmenter son utilisation de centrales thermiques face à un Occident contraint sur tous les plans au nom du « climat », la Chine automatise à grande vitesse la production de véhicules – deux fois plus vite par unité que dans les usines occidentales – et autres éoliennes, avec un minimum de main-d’œuvre.
Andrew Forrest, le milliardaire australien fondateur du géant minier Fortescue, qui investit massivement dans l’énergie verte, a déclaré que ses visites en Chine l’ont convaincu qu’il fallait abandonner toute tentative de produire les groupes motopropulseurs de véhicules électriques dans les usines de sa société.
« Je peux vous emmener dans des usines [en Chine] où vous vous retrouverez à côté d’un grand convoyeur et où les machines sortent du sol et commencent à assembler des pièces », explique-t-il. « Vous marchez à côté de ce convoyeur et, après environ 800 ou 900 mètres, un camion sort. Il n’y a personne, tout est robotisé. »
La marche forcée vers la robotisation a été voulue et encouragée par le Parti communiste au pouvoir, qui est au sommet de toute hiérarchie civile, économique ou militaire dans le pays. Elle a été fortement subventionnée par l’Etat et par les autorités locales. Résultat, le nombre de robots industriels déployés dans le pays est passé de 189.000 en 2014 à plus de 2 millions en 2020, allant des robots les plus puissants aux plus capables de réaliser des tâches de précision.
La Chine s’équipe en robots à marches forcées
Pour la seule année 2024, 295.000 robots sont entrés en service contre 27.000 en Allemagne, 34.000 aux Etats-Unis et 2.500 au Royaume-Uni, précise le Telegraph. Ce n’est pas seulement une question de disparité démographique : aujourd’hui, la Chine compte 567 robots industriels pour 10.000 ouvriers de fabrication, contre 449 en Allemagne, 307 aux Etats-Unis et 104 au Royaume-Uni.
On souligne combien cet état de choses favorise la productivité de la Chine et lui donne l’avantage sur le plan militaire. Mais s’y ajoute la volonté de Pékin compenser le vieillissement de la population dans un contexte de forte dénatalité. Il s’agit bel et bien de remplacer les hommes qui commencent à faire défaut, dans un pays qui a largement profité de son avantage démographique antérieur et de la modicité des salaires par le passé.
La Chine ne s’en cache pas d’ailleurs. « Dans le cadre de son programme “Made in China”, les autorités locales ont proposé d’importants allégements fiscaux qui remboursent aux entreprises un cinquième de leurs dépenses en robots industriels. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une politique appelée “jiqi huanren”, qui signifie “remplacer les humains par des machines” », explique le Telegraph.
L’Occident encouragé à remplacer les humains par l’IA et les robots
Sans véritable surprise, la réponse des industriels occidentaux et des membre de think tanks est qu’il faut imiter la Chine pour conserver ou plutôt atteindre une productivité capable de concurrencer la sienne.
La solution serait donc d’augmenter et de subventionner, par des politiques publiques, la robotisation dans nos pays. Ainsi, Sander Tordoir, économiste en chef du Centre for European Reform, y voit la condition de survie pour l’industrie manufacturière européenne – en particulier en raison du vieillissement des populations, problèmes que nos pays partagent à divers degrés avec la Chine. Mais il assure également que cette révolution est urgente en raison des retombées de l’avancée de la robotique pour le secteur militaire. Il s’agirait donc d’une question de sécurité.
Et alors même que l’Europe ne s’engage pas rapidement dans cette direction, au Royaume-Uni, le nombre de robots ajoutés en 2024 a chuté de 35 % par rapport à l’année précédente.
Rian Whitton de Bismarck Analysis – « consultant d’entreprises » qui prétend aider « les sociétés, les gouvernements, les philanthropes et les investisseurs à remplir leur rôle vital de maintien et d’avancement de notre civilisation », excusez du peu ! – déplore que les gouvernements dépensent des milliards de livres chaque année pour des énergies hypothétiques, l’hydrogène vert ou pour remplir les contrats de mise en place d’énergies renouvelables. « Pourquoi ne pas accorder 5 milliards de subventions par an pour l’équipement ? », demande-t-il. L’équipement en robots et IA, bien entendu, histoire de mieux se passer des hommes…
Whitton souligne ainsi que les pays les plus automatisés au moment du premier « choc chinois » des années 2000, qui ont vu le monde submergé de produits bon marché, ont réussi à sauvegarder une proportion plus importante d’emplois industriels. « On parle beaucoup de la manière dont l’automatisation entraînera des pertes d’emplois. Mais en fait, les pertes d’emplois se verront atteindre des niveaux disproportionnés dans les pays où l’automatisation ne se fait pas », assure-t-il.
Mais cette remarque ne tient pas compte du fait que l’automatisation, aujourd’hui, n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’elle a pu être jusqu’ici. L’exemple des usines sombres devrait nous alerter : l’homme devient de plus en plus superflu. On va vers son « grand remplacement ».











