Impact de l’IA sur le monde du travail : Microsoft supprime 9.000 emplois

 

En février dernier, The Telegraph titrait : « L’IA risque de provoquer un bain de sang dans les emplois de la tech. » Il semble que le grand chamboulement se mette en place. Microsoft vient d’annoncer la suppression de 9.000 emplois : ses dirigeants ont aussi demandé à leurs employés de déléguer davantage de tâches à l’intelligence artificielle (IA). Une énième procédure depuis ce début d’année 2025, où un certain nombre de grosses entreprises ont fait le pas – à commencer par les « Big Four », les quatre plus grands cabinets d’audit mondiaux.

Comment s’étonner : Mark Zuckerberg, PDG de Meta, a bien déclaré que l’IA effectuerait le travail d’un « bon ingénieur de niveau intermédiaire » pour cette année 2025 et que ces outils pourraient se généraliser d’ici à 2026. Ce n’est donc que le début.

De toutes parts, on assure que l’IA ne réduit pas l’emploi, qu’elle le redéfinit. N’empêche que les suppressions d’emplois ont bien lieu, que le nombre d’offres diminue nettement, en particulier pour les jeunes diplômés, et que personne ne sait trop rien du temps d’ajustement qui sera nécessaire – ni du temps après l’IA, à vrai dire.

 

En deux mois, Microsoft supprime environ 7 % de ses effectifs

Le géant technologique va donc supprimer 4 % de ses effectifs, soit 9.000 emplois, juste après la série de licenciements qui avait déjà eu lieu au mois de mai et touché 6.000 personnes dont des centaines de cadres intermédiaires et d’ingénieurs.

« Nous continuons de mettre en œuvre les changements organisationnels nécessaires pour positionner au mieux l’entreprise et ses équipes sur un marché dynamique », a déclaré un porte-parole de Microsoft, cité par The Telegraph. Il faut dire que son PDG, Satya Nadellan a déclaré que jusqu’à 30 % du code de l’entreprise était désormais écrit par des robots IA…

Et tout le monde doit maintenant composer avec l’IA : selon Business Insider, celle qui dirige la division développeurs de Microsoft a récemment conseillé aux managers de vérifier si leurs employés utilisaient suffisamment l’IA dans le cadre de leurs évaluations de performance. « L’utilisation de l’IA n’est plus facultative. (…) Elle doit faire partie intégrante de votre réflexion globale sur la performance et l’impact d’un individu. » Les dirigeants exigent de plus en plus que les programmeurs complètent seulement leurs fonctions avec des robots d’IA capables de générer eux-mêmes du code.

 

L’essor des chatbots IA entraîne la disparition de postes peu rémunérés et de jeunes diplômés

Des postes disparaissent donc bien du marché du travail, confirmant les craintes que les emplois des débutants et ceux d’ingénierie ne soient remplacés. Car les bots IA dits « génératifs », tels que ChatGPT d’OpenAI ou Claude d’Anthropic, permettent de rédiger des courriels ou des rapports en langage clair, de générer du code ou de créer des graphiques et des images. Autant de tâches qui sont d’ordinaire dévolues aux jeunes. Certains dirigeants d’entreprises technologiques ont même suggéré aux étudiants d’abandonner complètement le codage, tant Monsieur Tout-le-Monde peut devenir programmeur.

De fait, la chute est évidente depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022 : les emplois de débutants, par exemple, au Royaume-Uni, ont diminué d’un tiers, comme le notait il y a quelques jours The Telegraph. Cette baisse est supérieure au nombre total de postes vacants, qui n’a été que de 21 %, sur la même période.

Même chose dans la City. Les recrutements de jeunes diplômés y ont également chuté de manière spectaculaire. Les données du site d’emploi Indeed indiquent que les quatre plus grands cabinets comptables britanniques, à savoir Deloitte, Ernst and Young (EY), PricewaterhouseCoopers (PwC) et KPMG, ont publié 44 % d’offres d’emploi en moins pour les jeunes diplômés cette année par rapport à 2023. Alors que la baisse de tous les emplois de diplômés est de 33 % et celle toutes les offres d’emploi en général, de 20 %. « Reproduire le travail des juniors de manière plus rentable » grâce à l’IA, tel est l’objectif désormais déclaré des Big Four qui comptent pourtant parmi les plus importants recruteurs de diplômés du pays.

Le cofondateur du métamoteur de recherche d’emploi Adzuna a déclaré que 2025 serait l’une des années les plus difficiles que nous ayons jamais connues pour les jeunes de 18 à 25 ans en recherche d’emploi. Il a invoqué l’incertitude économique, la stagnation de la croissance et la persistance de l’inflation, mais également l’impact de l’IA sur le recrutement.

 

Impact sur les emplois : du potentiel perturbateur de l’IA sur le marché du travail

On affirme aujourd’hui que l’IA s’impose comme un levier stratégique de croissance. Il faut reconnaître, ainsi que le notait un article de PWC, que dans les secteurs les plus exposés à l’IA – comme les services financiers ou l’édition de logiciels – la productivité a presque quadruplé entre 2018 et 2024, passant de 7 % à 27 %. L’institut mondial McKinsey affirme que l’IA pourrait générer une activité économique mondiale supplémentaire d’environ 13.000 milliards de dollars d’ici à 2030, soit une augmentation d’environ 16 % du PIB cumulé par rapport à aujourd’hui, soit encore une croissance supplémentaire du PIB de 1,2 % par an.

Et c’est la raison pour laquelle les géants du secteur prennent tous part à cette course effrénée : Microsoft va investir, cette année, 80 milliards de dollars dans d’immenses centres de données pour développer son infrastructure IA.

Seulement, qu’en est-il des hommes ? Anthropic, entreprise d’IA fondée par d’anciens membres d’OpenAI, a annoncé il y a quelques mois la création d’un conseil consultatif composé d’un groupe d’« économistes éminents » pour évaluer l’impact de l’IA sur les marchés du travail, la croissance économique et le système socio-économique au sens large. Signe que les effets sont déjà là.

C’est répété partout, et en particulier sur RiTV : l’intelligence artificielle devrait transformer fondamentalement la main-d’œuvre mondiale d’ici à 2050. Goldman Sachs prévoit que jusqu’à 50 % des emplois pourraient être entièrement automatisés d’ici à 2045, grâce à l’IA générative et à la robotique et que 300 millions d’emplois pourraient être perdus, affectant 25 % du marché du travail mondial.

Souvenez-vous des mots de Bill Gates, en février : « Les humains ne seront plus nécessaires pour la plupart des choses. » Ou de ceux d’Elon Musk, l’année dernière. Où l’homme trouvera-t-il le sens de sa vie ?

 

Clémentine Jallais