Depuis l’époque même de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) on a multiplié les films consacrés au conflit, exaltant l’héroïsme des combattants. Assez logiquement, il n’existe, la plupart du temps, que des films à la gloire des vainqueurs. Un des meilleurs dernièrement a été Fury (2014), évoquant l’invasion américaine en Allemagne du nord en avril 1945. Le contexte de la Seconde Guerre mondiale est aussi exploité dans le cadre de films centrés sur la Shoah, parfois utilisés pour attaquer l’Eglise et le pape Pie XII, comme Amen (2002). Cette année 2015 voit une grande nouveauté, l’invention du film de guerre pro-homosexualité et athée militant, avec la sortie de Imitation Game, ou Jeu de l’Imitation, qui a bénéficié d’une forte promotion, du fait notamment de la renommée des acteurs principaux Benedict Cumberbacht et Keira Knightley. Par contre, le réalisateur Morten Tyldum, Norvégien, est parfaitement inconnu, même des cinéphiles, et a été à peu près absent des publicités.
Comment a été construite une manipulation de l’Histoire au profit de la doctrine LGBT et de l’athéisme ?
Le rôle essentiel de la bataille du secret des communications, 1939-1945
Imitation Game s’intéresse à un aspect essentiel de la deuxième guerre, assez peu évoqué jusque là : la lutte pour le décryptage des communications adverses. Le film sait compléter les scènes de travail sur table des experts du chiffre, peu visuelles, par des images relatant la Bataille de l’Atlantique, avec de belles reconstitutions en 3D, même si elles présentent de bien trop fortes densités de navires de guerre ou civils britanniques, tout comme de sous-marins allemands, pour une reconstitution réaliste. Elles n’en sont pas moins marquantes pour un public réceptif.
La Bataille de l’Atlantique est en effet une lutte essentielle, menée surtout de l’été 1940 au printemps 1943, par les sous-marins, et dans une moindre mesure les navires de surface et avions allemands, pour couper les voies de ravitaillement maritime de l’Angleterre, en coulant ses cargos. La Grande-Bretagne souffre en effet d’une insuffisance de production agricole, au point, même avec le rationnement le plus strict, de ne pouvoir nourrir la population. Les cargos et leurs escorteurs localisent difficilement les sous-marins ennemis. Et, entre le printemps 1941 et le printemps 1943, la marine allemande se trouve donc à plusieurs reprises fort près de couper cette voie de ravitaillement vitale.
Heureusement, s’ils sont difficiles à localiser, les navires allemands entretiennent un trafic radio considérable, facile, lui, à capter par les Britanniques. Le problème réside dans le code de ces messages, réputé incassable, et lié à une machine appelée Enigma. Tout le jeu consiste donc à casser les codes, afin de connaître la conduite des armées ennemies, concentrer les forces navales aux endroits et moments stratégiques, couler efficacement les sous-marins allemands, et assurer ainsi la libre traversée de l’Atlantique. Et permettre, au final, de préparer le Débarquement.
Réussir à vaincre l’Enigma
Le film possède le mérite de rappeler cette vérité historique. En effet des équipes d’analystes anglais, militaires et civils, réussissent finalement à casser ces codes allemands, de manière plus ou moins complète. D’où la victoire dans la Bataille de l’Atlantique au printemps 1943, et le Débarquement. Les Etats-Unis aboutissent aussi, de leur côté, au déchiffrage des codes d’Enigma. Convaincue de sa supériorité, la Wehrmacht n’envisagera que trop tard les failles de son système de codage, à l’été 1944. Remarquons que, curieusement, Anglais et Américains ont négligé le codage de leurs propres communications, facilement lues par les Allemands ; toutefois, ils ont su tromper l’ennemi par des opérations très réussies de désinformation, comme le faux débarquement dans le Pas-de-Calais à l’été 1944.
Le mathématicien Alan Tuning (1912-1954), interprété dans le film par l’acteur-vedette Benedict Cumberbacht, a participé à cet effort collectif. Il a eu un rôle significatif dans ce travail de décryptage, et mérité sa médaille. Mais ce rôle est néanmoins très exagéré dans le film, où il est également qualifié d’inventeur de l’ordinateur, invention à laquelle il n’a fait que participer parmi bien d’autres.
L’homosexuel au cœur d’un film de guerre
Les homosexuels n’avaient a priori guère leur place dans les films de guerre, exaltant plutôt la virilité, que ce soit sur le front ou à l’arrière – et les relations avec des dames. A l’occasion toutefois, cette tendance peut être perceptible dans certains de ces films, généralement chez certains personnages détestables, comme le capitaine fanfaron, lâche et odieux Slansky, dans Croix-de-Fer (1977), ou dans des parodies, comme le coiffeur à l’identité secrète de Super-Résistant dans Papy fait de la résistance (1983).
Rappelons que les homosexuels étaient exclus des forces armées, et ce jusque dans les années 1990, y compris dans des pays comme la France ou les Etats-Unis.
Imitation Game innove donc de manière considérable dans le genre guerrier en proposant un héros homosexuel. Le scénario insiste d’ailleurs explicitement sur l’importance de la sexualité du héros. Centré sur la période de la guerre, le film fait un retour à l’adolescence, dans un pensionnat britannique, et évoque ensuite la fin de vie du personnage, dix ans après la guerre.
L’homosexualité est plus évidente dans la période du collège, où, sans rien montrer de charnel, est étalée la tendre passion de Turing pour un condisciple, Christopher, mort jeune, et qui tient lieu ici de Laure de Pétrarque… Devenu quadragénaire, Turing est poursuivi pour avoir bénéficié de prestations tarifées de prostitués masculins. Malgré tout, la mise en scène fait preuve d’une pudeur remarquable, et qu’on aimerait retrouver dans beaucoup d’autres films.
Alan Turing a donc finalement été condamné selon la législation de l’époque réprimant les actes homosexuels. A posteriori, on peut déplorer le dangereux scientisme encore présent dans les années 1950, prétendant soigner l’homosexuel à l’aide d’une thérapie hormonale imposée sous peine de prison. Car l’approche purement médicale en vient à nier la responsabilité du pécheur, qui ne serait que la victime d’un dérèglement physique ou psychique. En outre, les doses hormonales massives administrées au patient Turing ont eu des effets secondaires terribles, compromettant lourdement son équilibre physique et psychique, d’où son suicide. Ce meurtre de soi-même, selon la juste et simple définition de saint Augustin, s’inscrit en complète opposition avec le respect de la vie exigé par le christianisme. Et, en admettant que le discernement de Turing au moment de son suicide ait été altéré, il correspond nonobstant à ses « croyances » profondes.
Un athéisme essentiel
Dans le film, Alan Turing ne cache nullement son franc athéisme. La construction d’une figure de héros sans tache tend à faire de cette négation grave de Dieu, une voie à imiter. Le film est composé comme une hagiographie, se terminant par une mort construite comme un récit de martyr chrétien médiéval, pour en infirmer complètement le sens. La réhabilitation posthume de 2013 par la reine Elisabeth est à comparer avec l’élévation des saints sur les autels. Ainsi, le parallèle est-il parfait de bout en bout, sans que ce soit à mettre sur le compte d’un hasard, ou d’une quelconque licence artistique bizarre, mais bien d’une véritable entreprise idéologique.
Les professions d’athéisme de Turing, vraisemblablement authentiques, sont multipliées au cours du film. Il se moque très explicitement plusieurs fois des croyances chrétiennes. L’ironie fonctionne à des degrés multiples, visant certainement le christianisme, et jouant sur le peu d’intérêt du personnage pour les jeunes filles.
Cet athéisme débouche sur une fascination pour les machines, le rêve d’ordinateurs comme intelligences autonomes, capables de suppléer, remplacer les humains. Ces aspirations prométhéennes matérialistes prennent des résonnances plus actuelles que jamais, avec le projet transhumaniste à la mode.
Cet athéisme est central. Car s’il n’y a pas de sacré, alors, selon la formule célèbre de Dostoïevski, tout serait permis. Y compris l’homosexualité. Le problème est que s’il devient impossible de discerner le bien du mal dans la morale sexuelle personnelle, il n’y a plus lieu d’en fixer nulle part, qu’il s’agisse d’éthique financière, ou de respect de la vie… L’athéisme débouche donc logiquement sur l’avortement et la recherche embryonnaire. Mais, à perdre ainsi tout repère, pourquoi dénoncer, en 1939-1945, l’Axe comme le mal ? Il n’y a donc plus de logique mais un théorème gratuit selon lequel, comme Alan Turing appartenait au camp du bien, il demeurerait un modèle imitable en tout – et il n’y aurait pas à en sortir.
Dans la même logique, un franc soutien à l’URSS, située dans ce supposé camp du bien, est manifeste. Il semble que, historiquement, le MI6 avait parfaitement identifié l’espion soviétique infiltré dans l’équipe de Turing, et l’a cependant laissé agir en toute connaissance de cause, malgré les préventions du Premier ministre Churchill. Les crimes de Staline ? Nulle mention. Le pacte germano-soviétique d’août 1939 ? Oublié aussi. Le communisme athée participe, à ce titre, au camp du bien, et tout le reste serait littérature…
Imitation Game : un film dangereux
Imitation Game est un film dangereux, car il est cinématographiquement réussi. Il n’ennuie pas, renvoie à des épisodes réels de la guerre, aménage certes les réalités historiques, sans pour autant s’en éloigner trop. Les acteurs jouent très bien. Même pour un public prévenu, Benedict Cumberbacht réussit quelque peu à émouvoir en mathématicien génial, mais demi-autiste, incapable de s’intégrer à la société.
Le public contemporain, largement ignorant, a pu être attiré par la bande annonce, évoquant le contexte de la Seconde Guerre mondiale, et laissant espérer une histoire des plus classiques sur le plan amoureux entre Tuning et son assistante Joan Clarke, interprétée par Keira Knightley. Elle est la plus connue mondialement des belles actrices anglaises actuelles. Découvrant les mœurs particulières de Tuning (sans jamais subir d’images choquantes), le public est néanmoins pris par l’impression d’une forme d’ingratitude nationale, voire de persécution contre le héros. La manipulation culmine avec la volonté de transmettre l’idée d’avoir découvert le véritable vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, qui aurait, selon le commentaire final, « abrégé la guerre de deux ans et sauvé quatorze millions de vies ». Avec le conditionnel, on peut facilement tout avancer.
Tout cela relève donc de la manipulation désinformatrice, afin de promouvoir l’homosexualité, les revendications des LGBT, et l’athéisme.