Le CO2 aurait coûté un peu moins de cent milliards d’euros en 2023 à l’économie française, selon notre confrère Les Echos. C’est ébouriffant et c’est le fruit d’une manipulation intellectuelle qui frise l’imposture. Le grand quotidien des milieux d’affaires est aujourd’hui l’un des fleurons de l’arc-en-ciel. Suivons son raisonnement pour en montrer le vice. Il pose d’abord : « L’INSEE publie pour la première fois une série d’indicateurs destinés à mieux évaluer l’impact du changement climatique sur le PIB. » Le directeur général de l’INSEE Jean-Luc Tavernier est venu en personne présenter les résultats de ce que l’INSEE appelle « les premiers comptes nationaux augmentés », afin de « repousser les frontières de la comptabilité nationale ». Comprendre : il va falloir nous y habituer, la statistique française va désormais reprendre dans ses décomptes les lubies vertes. Afin de mieux manipuler l’opinion publique.
L’INSEE intègre dans l’empreinte carbone française le CO2 du charbon chinois
« A cet effet, poursuit notre confrère, l’INSEE publie une mesure rénovée de l’empreinte carbone de la France. Il s’agit d’intégrer aux émissions dites “résidentes” (donc provenant de la production nationale et de l’activité des ménages sur le territoire) les émissions importées résultant des biens fabriqués à l’étranger et consommés en France. » Autrement dit, quand on parle désormais de l’empreinte carbone de la France, on y inclut le CO2 qu’il a fallu émettre pour produire les t-shirts et les portables fabriqués en Chine que nous achetons. Dit autrement encore, avec notre énergie nucléaire et nos usines propres (ou notre absence d’usines), nous continuons à faire partie des gros méchants pollueurs. Sans doute constate-t-on que les pays dont on importe les produits réduisent eux aussi leurs émissions, mais moins que nous : de sorte que plus nous sommes propres plus nous salissons par exportateurs interposés.
Derrière le CO2 les riches et leurs milliards sont la cible
C’est ce que notre autre confrère Le Monde appelle : « Les émissions de gaz à effet de serre importées, angle mort de l’impact climatique des pays riches. » Le vrai pollueur, ce n’est pas la Chine ou l’Inde qui brûle le charbon à la va-que-veux-tu, c’est le riche occidental qui achète. Ici apparaît l’objectif commun de la politique environnementale et des comptes nationaux augmentés : désigner les pays développés comme coupables et les faire payer. Cela ne cessera que lorsque nous serons devenus trop pauvres pour importer des produits et les émissions de carbones qui s’y trouvent liés. C’est cela qui compte, et non les détails chiffrés : Les Echos multiplient par mégarde l’empreinte carbone d’un Français par un million mais ce n’est pas grave, on comprend le raisonnement.
L’INSEE, son PINA et ses sophismes
Mais, pour en mesurer toute la nocivité, il faut découvrir un peu plus l’époustouflante inventivité verte de l’INSEE. Citons à nouveau notre éminent confrère : « L’institut s’est par ailleurs appliqué à valoriser les coûts implicites des émissions de gaz à effet de serre, à savoir le coût des dommages induits par le réchauffement climatique (inondations, sécheresses…) et les coûts de décarbonation. Du fait des émissions induites par les activités économiques, la création nette de valeur [le produit intérieur net] est plus faible qu’ordinairement mesuré. » Ce produit intérieur brut « ajusté » est appelé PINA, et il est, nous assure-t-on, « inférieur de 4,3 % en 2023 au produit intérieur net usuel, soit une perte de près de 100 milliards d’euros (94 milliards précisément) par rapport à ce que la France aurait pu créer l’an dernier comme richesse si elle n’avait pas eu à faire face aux coûts du dérèglement climatique et de la décarbonation ». Tant d’art dans le sophisme laisse pantois : nous aurions été plus riches de 94 milliards si nous n’avions pas dû payer pour le « dérèglement climatique et la décarbonation ».
Imposture : ce n’est pas le CO2 qui coûte 100 milliards, c’est le net zéro
Question pour un champion : où peut-on se procurer le détail de ce que coûtent l’un et l’autre ? On ne saurait évaluer ce que nous coûte le « dérèglement climatique » car il faudrait d’abord le constater et le définir. Ce qui est en revanche parfaitement mesurable, c’est ce que nous coûte la politique de décarbonation, le green deal et l’objectif net zéro. C’est à dire qu’à l’inverse de ce qu’affirme Les Echos, ce qui coûte cent milliards à l’économie française chaque année, c’est la politique environnementale qu’on lui impose ! A sa décharge, notre confrère concède que le « prix du carbone » est « difficile à évaluer », mais cela ne détourne pas l’INSEE de chercher de nouvelles façons de comptabiliser les prétendus crimes de lèse-Gaïa, comme le montre Jean-Luc Tavernier : « Sans compter qu’il n’y a pas que le réchauffement climatique mais aussi la bio- diversité, l’eau ou encore la qualité de l’air dont il faudrait tenir compte, qui sont encore plus compliqués à évaluer. » On ne le lui fait pas dire.