On n’y pense pas toujours, mais le boom mondial de l’informatique engendre une consommation toujours croissante d’énergie, notamment pour les centres de stockages de donnés, généralement situés dans des régions nordiques naturellement réfrigérées. Et, selon Elon Musk, cela peut mener si l’on ne prend pas garde à un effondrement du système d’approvisionnement énergétique à cause de l’entrée en ligne industrielle de l’intelligence artificielle. Selon les estimations du Forum économique mondial de Davos, une question posée à une intelligence artificielle consomme trente-trois fois plus d’énergie qu’une requête google. On ne voit que le gain de productivité, on ne pense pas au coût en énergie. Ce risque d’effondrement énergétique serait « l’éléphant dans le couloir » qu’on refuse de voir aujourd’hui à propos de l’intelligence artificielle. C’est peut-être vrai, mais, à ce compte, il y en a d’autres bien plus importants. Et en la matière, comme pour les poupées russes, un éléphant dans le couloir peut en cacher un autre.
L’intelligence artificielle révolutionne l’économie
Le premier de ces éléphants est économique. Le progrès de l’intelligence artificielle est si rapide que nous vivons aujourd’hui la science-fiction d’hier : de même que l’industrie et l’agriculture ont été révolutionnées par les machines, de même l’ensemble des professions, sans exception, va être l’objet d’un grand remplacement général. L’intelligence artificielle va remplacer la plupart des avocats, des médecins, des journalistes. C’est techniquement possible, c’est inéluctable, ce n’est plus qu’une question de communication pour y adapter les humains. Même les policiers et les militaires y viendront, c’est déjà commencé, les drônes remplissent une bonne part des missions aériennes.
L’intelligence artificielle change la société, politique comprise
Cela aura pour conséquence dans un premier temps un gigantesque chômage, structurel, qui justifiera dans un deuxième temps une décroissance démographique. Et induira deux choses, une croissance exponentielle de l’industrie de distraction (sous toutes ses formes, sports, musique, jeux, vidéos, réalité augmentée), déjà commencée. Et une généralisation du revenu universel. C’est là que gît le quatrième éléphant dans le couloir, avec la question immanquable : qui donnera ce revenu, à qui, sur quels critères ? Réponse non moins immanquable : une sorte d’Etat mondial socialiste qui décidera de l’éligibilité du citoyen selon un système de bons points analogue au crédit social expérimenté aujourd’hui en Chine communiste.
Le plus gros des éléphants dans le couloir est spirituel
Le dernier éléphant dans le couloir est mental et spirituel. L’intelligence artificielle remplacera aussi la plupart des politiciens, des philosophes, des gourous, des imams et des prêtres. Les individus y puiseront leurs certitudes sur eux-mêmes et sur l’univers. Mais se pose alors une question bien plus angoissante que les autres : qui va nourrir ces cerveaux imbattables et tout puissants ? Quelles seront leurs règles, leurs convictions ? Nous sommes en train de nous faire des machines, esclaves aux performances sans limites, nos futurs maîtres, nous sommes même en train d’en faire notre Dieu, infaillible et indiscutable : mais qui sera le maître de ce Dieu de substitution ? Cela aussi, peut-être, est un éléphant dans le couloir : on sait très bien, depuis le début, qui s’efforce de s’arroger la puissance de Dieu.