Notre interview exclusive avec le cardinal Burke sur sa neuvaine à Notre Dame de Guadalupe (retranscription intégrale)

 

La neuvaine de neuf mois organisée par le cardinal Burke pour supplier Notre Dame de Guadalupe d’intercéder en faveur d’une intervention divine dans notre monde si troublé s’achève. Il ne manque plus que quelques jours avant le 12 décembre, fête liturgique commémorant les apparitions de la Vierge à saint Juan Diego en 1531 – et le prodigieux miracle de son image laissée sur la tilma de l’humble converti indigène. Le cardinal Burke a bien voulu répondre à mes questions à ce sujet, depuis l’autre côté de l’Atlantique, depuis le sanctuaire de Notre-Dame-de-Guadalupe qu’il a fondé en 1995 dans le diocèse de La Crosse dans le Wisconscin, pour inviter les « ouvriers de la dernière heure » à rejoindre son initiative, et il a même accepté de prendre la parole en français afin de toucher pour la première fois « en direct » les francophones à ce sujet.

L’interview – d’une grande gravité mais pleine d’espérance – est en ligne ici.

Nous en publions également la retranscription intégrale ci-dessous. – J.S.

 

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Une interview exclusive avec le cardinal Raymond Burke

 

– Eminence, vous avez organisé une neuvaine de neuf mois à Notre-Dame de Guadalupe qui s’achèvera le 12 décembre prochain, jour de sa fête liturgique : pourquoi avez-vous choisi de faire cela maintenant, en 2024 ?

– Le monde est en proie à une obscurité morale qui va croissant, et qui se traduit par de violentes attaques contre l’inviolabilité de la vie humaine innocente et sans défense, contre l’intégrité du mariage et de son fruit, la famille, et même contre la liberté d’adorer Dieu comme Il nous le demande. Elle a atteint un degré que certains, non sans raison, qualifient d’apocalyptique. On se demande comment Dieu peut retenir sa main face à cette rébellion ouverte et flagrante envers lui et contre sa loi divine.

Qui plus est, l’Eglise, appelée à porter au monde le Christ, qui est la Lumière, souffre gravement de confusion et d’erreur, et de leur fruit, la division, qui l’empêchent, au grand émoi de beaucoup, de mener à bien sa mission dans le monde. Beaucoup de catholiques fidèles et d’autres personnes de bonne volonté en éprouvent une certaine impuissance et sont tentés par le découragement, se demandent à juste titre : « Que pouvons-nous faire ? »

La situation du monde d’aujourd’hui ressemble beaucoup à celle où se trouvait l’Eglise en 1531. Des conflits civils dévastateurs et des guerres sévissaient dans diverses parties du monde, et la révolte protestante, avec sa tendance inhérente à multiplier la confusion, l’erreur et la division, ne cessait de s’étendre.

Face à la situation de l’Eglise et du monde, le premier évêque du Mexique, Mgr Juan de Zumárraga, déclarait : « Seule une intervention de Dieu peut nous sauver. » Il exhorta les fidèles à invoquer l’aide de Dieu, et Dieu le Père envoya la Vierge Mère de Jésus, Dieu le Fils incarné, sur la colline de Tepeyac. Elle y est apparue à saint Juan Diego, un Amérindien qui avait embrassé de tout cœur la foi catholique. Les apparitions de la Vierge Marie sur la colline de Tepeyac et son message ont marqué le début d’une conversion miraculeuse, de nombreuses personnes tournant alors leur vie vers le Christ, aussi bien parmi les fidèles que parmi les Amérindiens qui ne Le connaissaient pas encore. Ainsi, au cours des dix années qui ont suivi ces apparitions, neuf millions d’Amérindiens se sont convertis à la foi catholique et ont été baptisés. En même temps, les Amérindiens et les explorateurs et colons espagnols ont formé un seul peuple avec une Mère céleste commune, Notre Dame de Guadalupe.

Que pouvons-nous faire aujourd’hui, nous les fidèles, face à la situation apparemment apocalyptique dans laquelle nous nous trouvons ? Il nous faut avant tout, par l’intercession de Notre Dame de Guadalupe, invoquer l’aide de Dieu. Compte tenu de la gravité alarmante de la situation, j’ai proposé une neuvaine de neuf mois – et pas seulement une neuvaine de neuf jours – pour implorer l’aide de Dieu. La neuvaine de neuf mois se terminera par une consécration personnelle à Notre Dame de Guadalupe, pour unir nos cœurs au sien et, avec elle, donner nos cœurs au Cœur glorieux et transpercé de Jésus. La consécration à Notre Dame de Guadalupe est un événement unique qui sera renouvelé chaque jour par la prière quotidienne de ceux qui feront la consécration.

 

– Les prières de ceux qui participent à la neuvaine mentionnent en particulier le fait de ramener les âmes au Christ, qu’elles se soient éloignées de Lui ou qu’elles ne Le connaissent pas du tout. Devons-nous nous tourner tout particulièrement vers Notre Dame de Guadalupe pour obtenir cela aujourd’hui encore, et pourquoi ?

– En 1531, dans ce qui est aujourd’hui le Mexique, les explorateurs et les colons espagnols avaient grand besoin de se convertir au Christ, en particulier dans leurs rapports avec les Amérindiens. La plupart des Amérindiens ne connaissaient pas encore le Christ. Leur religion avait été diaboliquement corrompue pour justifier la pratique de sacrifices humains constants et massifs.

Comme elle l’a déclaré lors de la première de ses cinq apparitions, Notre Dame de Guadalupe est apparue sur la colline de Tepeyac pour montrer le Christ, la Divine Miséricorde incarnée, à tous ses enfants de la région et du monde entier. De plus, et cela ne s’est jamais produit dans aucune autre apparition, Dieu nous a miraculeusement donné l’image de Notre Dame sur la tilma de saint Juan Diego, de sorte qu’elle reste avec nous, nous attirant à elle pour nous attirer à Notre Seigneur Jésus Christ, qui seul est notre salut.

 

– N’est-il pas particulièrement difficile pour les futurs convertis de rejoindre l’Eglise catholique en cette période de confusion à tous les niveaux, et que diriez-vous à ceux qui hésitent à devenir catholiques ?

– La situation de confusion, d’erreur et de division dans l’Eglise incite les membres de l’Eglise à la quitter et rend difficile pour ceux qui ne sont pas encore membres de l’Eglise d’entendre l’appel du Christ à vivre en Lui au sein de l’Eglise qui est son Corps mystique. Ce que nous ne devons jamais oublier, c’est que le Christ demeure toujours vivant dans l’Eglise pour le salut de toute l’humanité jusqu’au jour de sa venue finale, comme il l’a promis avant de s’élever à la droite du Père après sa Résurrection. J’exhorte les catholiques qui ont des difficultés avec leur foi et ceux qui ont du mal à comprendre l’Eglise et à embrasser la foi, à fixer leurs yeux sur le Christ, sur son enseignement qui ne change jamais, sur sa présence active dans les sacrements, en particulier sa présence réelle dans la Sainte Eucharistie, et sur son ministère pastoral exercé par des prêtres bons et fidèles. L’Eglise connaît actuellement de graves souffrances, mais le Christ est avec nous, et nous devons nous tourner vers Lui et rester avec Lui dans l’Eglise. C’est pourquoi, au milieu des souffrances actuelles de l’Eglise et du monde, je me dis et je dis aux autres : « Ayons bon courage ! »

 

– Alors que de nombreuses personnes ont rejoint la neuvaine depuis le début (combien), votre Eminence a proposé que d’autres – « les ouvriers de la dernière heure » – la rejoignent au cours des neuf derniers jours. Comment les encouragez-vous à s’y prendre ?

– Le nombre de visiteurs sur le site de la neuvaine est de 1.032.915. Le nombre de personnes qui se sont inscrites à la neuvaine est de 193.231. Je ne pourrais vous dire combien de personnes de diverses parties du monde m’ont dit qu’elles suivaient la neuvaine des neuf mois, même si elles ne s’y étaient pas officiellement inscrites.

La neuvaine à Notre Dame de Guadalupe
pour les ouvriers de la dernière heure

Comme Notre Seigneur l’a si bien enseigné dans la parabole des ouvriers de la vigne au chapitre 20 de l’Evangile selon Matthieu, Il est constamment à la recherche de coopérateurs de la vérité, et Il récompense de Sa grâce tous ceux qui sont Ses coopérateurs, même s’ils viennent Le rejoindre à la « onzième heure ». En participant maintenant aux neuf derniers jours, à la neuvaine de neuf jours qui conclut la neuvaine de neuf mois, les fidèles peuvent être sûrs que leurs prières, unies à celles des fidèles qui ont suivi la neuvaine pendant toute la durée des neuf mois, obtiendront l’aide de la Mère de Dieu en ces temps si éprouvants.

 

– Nous vivons en effet une époque très troublée et il semble qu’un certain nombre de fidèles traditionnels recourent au sédévacantisme ou quittent l’Eglise catholique. Qu’est-ce qui doit les retenir ?

– La promesse faite par le Christ avant son ascension vers le Père : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Le Christ a fait cette promesse dans le contexte de l’instruction donnée aux disciples d’aller vers toutes les nations, d’enseigner et de baptiser, et d’établir ainsi l’Eglise dans le monde entier. Le Christ ne ment pas. Le Christ est toujours fidèle à ses promesses. Oui, les catholiques fidèles souffrent beaucoup, mais ce n’est pas une raison pour abandonner Notre Seigneur dans l’Eglise. Au contraire, nous devons rester avec Lui. Nous devons persévérer, selon les mots de saint Paul, en menant « le bon combat », en achevant « la course » et en gardant « la foi » (cf. 2 Tm 4, 7).

 

– L’histoire des apparitions de Guadalupe montre saint Juan Diego déjà bien versé dans la doctrine catholique et désireux d’approfondir sa foi. En même temps, sa relation avec Notre-Dame, la Vierge Mère de Dieu, est particulièrement enfantine et affectueuse. Que devons-nous en retenir ?

– Les apparitions de Notre-Dame de Guadalupe, si riches de signification pour nous, nous enseignent de manière prééminente que notre foi nous place dans une relation intime avec Notre Seigneur Jésus par l’intermédiaire de sa Mère virginale. Le Christ vit en nous par le baptême et la confirmation, par l’effusion du septuple don du Saint-Esprit dans nos âmes, et Il descend sur les autels de nos églises et chapelles pour rendre sacramentellement présent son sacrifice sur le Calvaire, nourrissant le don de sa vie du Pain céleste de son vrai corps, de son sang, de son âme et de sa divinité. De même, il agit par l’intermédiaire du prêtre dans le sacrement de la pénitence pour nous pardonner nos péchés et pour restaurer et fortifier sa vie en nous.

Ainsi, comme Il nous l’a Lui-même enseigné et comme sainte Thérèse de Lisieux l’a si profondément compris, il nous faut avoir une confiance d’enfant qui attend tout de ses parents : tout ce dont nous avons besoin pour notre bonheur, maintenant et dans l’éternité. Nous avons raison de nous adresser à Notre Seigneur et à Notre Sainte Mère, comme l’a fait saint Juan Diego, avec une grande intimité, avec une simplicité d’enfant.

 

– Y a-t-il là un message particulier pour les catholiques désorientés ?

– Il est tout à fait compréhensible que de nombreux catholiques se sentent désorientés. La situation actuelle de l’Eglise, d’un point de vue humain, est très déroutante. Mais nous ne pouvons pas nous attarder sur notre confusion ou l’aggraver par la rumination et l’exaspération. Au contraire, tentés par la confusion, nous devons donner nos cœurs de plus en plus pleinement au Cœur glorieux et transpercé de Jésus, comme l’a fait Notre Dame et comme elle est toujours prête à nous aider à le faire. Nous devons prier, nous devons partir en pèlerinage, ne serait-ce qu’un jour, pour aller à la rencontre du Christ avec nous. Il opère déjà de nombreux signes de sa grâce dans l’Eglise. Il en fera de même dans nos vies, si seulement nous lui faisons confiance et lui donnons notre cœur. Se perdre dans la confusion conduit au péché et à la mort. Se perdre dans le Sacré-Cœur de Jésus conduit à la vertu et à la vie.

 

Propos recueillis par Jeanne Smits