L’Iran est frappé par de violentes inondations après une opération d’ensemencement des nuages

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« Confronté à sa pire sécheresse depuis des décennies, l’Iran tente de provoquer la pluie en répandant des agents d’ensemencement dans les nuages, mais cette technique n’aura probablement que des effets modestes. » Ça, c’est ce que disait le New Scientist, il y a quelques jours. Aujourd’hui, on voit des rues iraniennes traversées par de violentes inondations, emportant les voitures. Que s’est-il passé entre-temps ? Devant le danger imminent du manque radical d’eau, le gouvernement a décidé, le 15 septembre, une opération coûteuse d’ensemencement des nuages. Mais on ne joue pas impunément avec les éléments…

Le pire, c’est que dans le cas de l’Iran, cette tentative de manipulation par le « cloud-seeding », cette méthode qu’on qualifiait dans les années 1980 de « risque éthique et environnemental inacceptable », rejoint celle qui a cours depuis des années concernant le gaspillage et le pompage effréné des ressources hydriques du pays. Résultat : des inondations dommageables pour les populations, qui ne vont même pas régler le problème initial – l’Iran boira la tasse malgré tout.

 

Les précipitations moyennes, en Iran, restent inférieures de plus de 80 % à la normale

Téhéran qui compte 10 millions d’habitants pourrait être évacuée faute d’eau potable, a annoncé le président Masoud Pezeshkian. Des archéologues ont même averti que la nappe phréatique sous Persépolis est tellement épuisée que la cité antique pourrait bientôt s’effondrer. Depuis le début de l’année, il est tombé seulement 1 mm de pluie sur la capitale. La situation est désormais « plus que critique », a affirmé l’ancien directeur adjoint du ministère iranien de l’Environnement. Les réserves d’eau des réservoirs de montagne, alimentées par les pluies et les nappes phréatiques, sont à sec, vidées par six années consécutives de sécheresse. On parle d’un pays « en faillite d’eau ». Peut-être la catastrophe est-elle surestimée (ou a-t-elle été sous-estimée) à des fins politiques – ce ne serait pas inédit.

« Peut-être les services de renseignement iraniens ont-ils raison de soupçonner leurs ennemis d’avoir remarqué cette vulnérabilité. Cet été, Benjamin Netanyahu a utilisé au moins deux fois l’eau à des fins de propagande, promettant aux Iraniens la technologie israélienne de recyclage de l’eau “dès que (leur) pays serait libre”, une allusion claire à un changement de régime », note le Telegraph.

Le gouvernement iranien a voulu jouer son ultime carte en ces jours comptés : l’ensemencement des nuages. L’opération a été effectuée notamment au-dessus du bassin du lac d’Ourmia, aujourd’hui presque entièrement asséché. Une augmentation des précipitations a rapidement été observée dans l’ouest et le nord-ouest de l’Iran, ainsi que quelques chutes de neige dans les montagnes. Et puis, de fil en aiguille, des violentes inondations sont survenues. Les images sont à peine croyables pour un pays en sécheresse, mais pourtant bien explicables : une terre desséchée, fragilisée par la sécheresse, ne peut supporter un apport si soudain d’humidité.

Six provinces ont été mises sous alerte. Et le pire, c’est que la quantité d’eau produite est loin d’être suffisante ! L’efficacité du « cloud-seeding » est donc toute relative, surtout lorsqu’on s’avise de son coût.

 

Pour les JO de 2008, Pékin avait utilisé l’ensemencement des nuages

Cet épisode fait penser aux pluies diluviennes survenues à Dubaï, l’année dernière, dont Anne Dolhein avait parlé sur Ritv : conjugué au phénomène météorologique exceptionnel El Niño, l’ensemencement des nuages réalisé par le gouvernement avait probablement aussi contribué aux graves inondations. Parce que l’ensemencement ne se fait que s’il y a des nuages ! Et l’issue finale n’est en rien contrôlée : si ces derniers sont excessivement lourds d’humides promesses, c’est le drame… C’est exactement l’Apprenti Sorcier dans le film Fantasia.

Pourtant la technique est largement employée, et depuis longtemps, par plusieurs pays, à commencer par la Chine, mais aussi les Etats-Unis, l’Inde, la Fédération de Russie, la Thaïlande, les Emirats arabes unis, et maintenant la Malaisie. Et c’est étonnant d’ailleurs : si d’autres formes de géo-ingénierie (comme la « Solar Radiation Modification » ou SRM) ont suscité davantage de controverses, il n’y a quasiment pas de débat politique sur l’ensemencement des nuages. Alors même qu’on envoie dans l’atmosphère de l’iodure d’argent et autres produits chimiques ! Ces derniers vont servir de noyaux de condensation autour desquels pourront se former les gouttelettes d’eau, provoquant ainsi les précipitations.

Seulement, on n’en connaît pas les effets à long terme. Ces produits chimiques peuvent se retrouver dans l’air, l’eau et le sol, entraînant des problèmes de santé potentiels, créant des dommages environnementaux. Et les cycles météorologiques naturels en seront mécaniquement perturbés : crues soudaines, glissements de terrain, sécheresse dans les régions avoisinantes… Les répercussions politiques suivront nécessairement.

 

L’Iran, un pays en faillite hydrique (malgré les inondations)

Or donc, on présente aujourd’hui l’ensemencement des nuages comme une façon d’atténuer le changement climatique, alors qu’il est en réalité violemment anti-écologique ! Et puis, concernant l’Iran, c’est une parade des plus tristes. Si cet automne est le plus sec qu’ait connu le pays depuis cinquante ans, c’est en grande partie à cause de la politique irresponsable menée par le gouvernement depuis des décennies.

Dans un article paru dans Forbes, le scientifique environnemental Kaveh Madani, de l’Institut de l’eau, de l’environnement et de la santé de l’Université des Nations unies n’y a pas été par quatre chemins : « Pendant des décennies, les décideurs iraniens ont considéré l’eau comme une ressource illimitée et les droits environnementaux comme négociables. L’agriculture irriguée, grande consommatrice d’eau, a été encouragée dans certaines des régions les plus arides du globe au nom de l’autosuffisance alimentaire, de la sécurité alimentaire et de la “résistance” aux pressions étrangères. L’eau et l’électricité, fortement subventionnées, ont incité au gaspillage et au pompage excessif des eaux souterraines. La construction de barrages et les transferts interbassins sont devenus des symboles de fierté et de puissance nationale. »

Cet acharnement à utiliser chaque goutte d’eau disponible sous couvert de nécessité patriotique, commence à se payer. D’autant qu’aucune réforme n’a jamais été engagée. Et le gouvernement refuse de le reconnaître, invoquant perpétuellement une main ennemie, ou même dénonçant un châtiment divin parce que les femmes ne portent pas toutes le hijab ! Hypocrite… tout comme il était hypocrite d’agiter un ensemencement magique.

 

Clémentine Jallais