Abrogation du 8e amendement : les trois facteurs qui ont précipité le vote pro-avortement en Irlande

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Voici bientôt trois mois que les Irlandais ont abrogé par leur vote pro-avortement le 8e amendement de la Constitution de l’Irlande. C’était le 25 mai et les défenseurs de la vie tentent toujours de comprendre pourquoi ce pays catholique en est arrivé là. Comment tant de citoyens opposés à l’avortement libre ont-ils rejeté le principe de protection de l’enfant à naître ? Pourquoi tant de gens ont-ils répondu aux militants d’un camp ou d’un autre qu’ils étaient pro-vie mais ont finalement voté oui à l’abrogation ? Qu’est-ce que les militants pro-vie ont pu oublier ou négliger pour que le corps électoral délivre une victoire aussi massive aux avorteurs ? Quelques réponses à ces questions commencent à se dessiner.
 

L’abrogation du 8e amendement a été ratifiée par 66 % des exprimés

 
Alors que les sondages affirmaient tous qu’environ un tiers de l’électorat se déclarait « pro-choix », l’abrogation du 8e amendement a été ratifiée par 66 % des exprimés. Ce vote a été acquis alors que les militants pro-vie ont largement prévenu la population ce que signifierait une victoire du « oui ». Life Institute, une des nombreuses organisations membres de la « Coalition pour sauver le 8e amendement » vient de publier un rapport qui cite trois facteurs clés dans le résultat du 25 mai. Ce texte dessine un état de l’opinion beaucoup plus nuancé que ce que prétendent les « pro-choix » après leur victoire « écrasante ».
 
Première explication : « Ce fut beaucoup plus un vote contre le 8e amendement que pour l’avortement », explique Life Institute, car « les électeurs ont été persuadés par les affirmations constantes et répétées des médias depuis cinq ans que ce texte constitutionnel nuisait aux femmes, voire les tuait ». Le Dr Peter Boylan, patron de l’Institut des obstétriciens et gynécologues, s’est distingué par ses affirmations révoltantes, prétendant ainsi que Sheila Hodges, qui était décédée d’un cancer avant même que le 8e amendement ne prît force de loi en 1983, avait succombé à cause de ce texte. Mme Hodges était morte juste en couches après que la clinique catholique qui la soignait eut suspendu son traitement pendant la grossesse pour ne pas faire de mal au fœtus.
 

Le cas de Savita Halappanavar, indûment instrumentalisé par les militants pro-avortement

 
Un autre cas qui beaucoup a pesé est celui de Savita Halappanavar, une dentiste indienne de 31 ans, décédée d’une fausse couche liée à une infection. Les militants pro-avortement, particulièrement bien représentés par l’Irish Times, ont répété ad nauseam que si Savita avait subi un avortement, elle aurait survécu. Des rapports médicaux postérieurs ont pourtant démontré qu’une IVG n’aurait rien changé. Mais malgré les explications données par les militants pro-vie, l’histoire (fausse) s’est ancrée dans les esprits, d’autant que le camp du « oui » passait son temps à brandir des portraits de Savita à travers le pays. Il diffusa même une vidéo de ses parents, filmés en Inde, appelant à voter « oui » !
 
Ainsi les militants pro-avortement ont-ils instrumentalisé la mort tragique de Savita pour persuader le peuple irlandais d’imposer le meurtre de milliers de futurs enfants à naître dans la verte Erin. Une recherche sur le site de la RTE, l’audiovisuel public, montre que la requête liant les termes « Savita » et « avortement » débouchent sur 19.800 résultats d’articles ou reportages depuis 2013. Si l’on lie « Savita » à « septicémie », on n’obtient en revanche que 114 résultats. Le mensonge sur Savita servait un objectif politique.
 

Le vote pro-avortement des Irlandais favorisé par le mensonge sur la protection de la santé de la mère

 
Le second facteur qui a contribué au vote pro-avortement des Irlandais est que les électeurs ont semblé convaincus du fait que l’avortement ne serait pratiqué qu’en cas de graves problèmes de santé pour la mère, ou de viol, de faible pronostic de survie pour le bébé ou d’anomalie fatale. Une sous-évaluation délibérée. Le Dr Peter Boylan a multiplié les affirmations mensongères sur ce sujet, ignorant le fait que l’Irlande a été déclarée comme l’un des pays les plus sûrs pour les femmes enceintes. Les militants du « non » ont eu beau expliquer que l’avortement n’était en aucun cas reconnu comme nécessaire pour résoudre un problème de santé chez la mère, le matraquage médiatique a couvert leurs voix.
 
Enfin, la troisième raison qui selon Life Institue a emporté la décision, est que l’Irlande compte aujourd’hui plus de citoyens pro-avortement. « Gonflé d’une part à cause de l’hostilité à l’Eglise catholique mais aussi par d’autres facteurs », le taux de partisans de l’avortement, bien qu’il demeure minoritaire, » traduit un basculement en faveur d’une légalisation, en particulier chez les jeunes et les femmes », explique Life Institute. Ce dernier explique que si au moins 33 % des électeurs « défendent l’humanité du bébé », nombreux sont ceux qui estiment que « le même bébé peut être tué si ce futur enfant interfère trop dans leur vie, ou est tout simplement gênant ». Cet état d’esprit s’est illustré au Dublin Castle le soir du référendum où une foule déchaînée, dansante, a célébré cette victoire de mort.
 
Il n’en reste pas moins que le mouvement pro-vie irlandais demeure puissant et bien équipé. Ses militants, note Jonathon Van Maren sur lifesitenews.com « se regroupent et élaborent leurs stratégies pour l’avenir ». « Ils se battront pour la vie de chaque enfant irlandais à naître, quel qu’en soit le coût », écrit-il. Et de citer le poète et avocat Padraig Pearse (1879-1916) qui écrivit sur la lassitude après le sacrifice : « Pourtant je reste joyeux, mes fils furent fidèles, ils combattirent ».
 

Matthieu Lenoir