Le Japon cherche à se défaire de la dette française

Japon défaire dette française
 
Gros acheteurs de dette française au moment du lancement de l’assouplissement quantitatif par la Banque centrale européenne, les géants de l’assurance et des fonds de pension du Japon cherchent aujourd’hui à se défaire autant que possible de leurs avoirs en ces domaines. Ils sont, nous apprend Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph de Londres, inquiets face aux « risques politiques en Europe » et s’attendent à être obligés de liquider des pans entiers de la dette publique française qu’ils possèdent en cas de détérioration de la situation.
 
Assureurs et fonds de pension japonais détiennent actuellement 13 % des bons du Trésor français, qu’ils avaient achetés de manière agressive lorsque la Banque centrale européenne avait tout fait pour inciter à cette création de liquidités. Personne n’a vu venir les risques changement de politique rendu plus aigus par l’insatisfaction généralisée, affirme le journaliste. Les données de la banque du Japon font état d’un premier mouvement de vente de ces avoirs en novembre-décembre – une tendance qui, selon le quotidien britannique, pourrait se transformer en mouvement de panique.
 

La dette française, patate chaude pour les investisseurs japonais

 
« Les investisseurs asiatiques ne comprennent pas pourquoi il y a une révolte sociale en Europe ni d’où viennent les tensions. Ils ne cherchent qu’à réduire leur exposition. Ils ne veulent en aucun cas rester dans les “points chauds”, faute de pouvoir expliquer ce choix face à leurs comités de gestion des risques », explique un conseiller en investissements.
 
Une part de la panique vient de l’annonce d’une possible victoire de Marine Le Pen : on est dans un scénario similaire à celui précédant le Brexit. Mais ce n’est pas elle qui fait réellement la différence : les investisseurs japonais craignent de voir, qu’elle gagne ou non, s’effondrer l’Union européenne dont la légitimité est de plus en plus contestée dans les pays européens. « Cela est plus dangereux qu’une crise financière car il est impossible d’en inverser les effets », dit le même Stephen Jen d’Eurizon SLJ Capital.
 
Une même inquiétude pousse les investisseurs japonais, comptables devant leur comité de gestion de risque, à vouloir se défaire également des bons du trésor néerlandais : on peut en tout état de cause s’attendre à une vague de liquidation. Ils sont d’autant plus chatouilleux qu’ils ont perdu des sommes importantes en bons du Trésor américain à l’arrivée de Donald Trump à la présidence.
 

Le Japon a acheté 13 % des bons du trésor français

 
Le retour de l’inflation au cœur de la zone euro est à la racine de ce mouvement, assure pour sa part le chef des devises à Morgan Stanley, Hans Redeker. Et les bons du Trésor n’en perdent pas seulement leur intérêt, il risque d’y avoir moins d’émissions de la part de la Banque centrale européenne, alors que le bloc latin de la zone euro a encore un besoin vital de cette « couverture ». Comme si on arrivait au bout de la capacité d’intervention de la BCE.
 
Quoi qu’il en soit, ce sont les titres français qui sont les plus exposés actuellement, la méfiance s’étendant aujourd’hui également aux actions des sociétés françaises : « La liquidité des grands noms dans l’investissement français s’est détériorée de manière nettement plus importante que pour le reste du marché », affirme de son côté Barnaby Martin, stratège du crédit à Bank of America.
 

Se défaire de la dette française à cause de la désagrégation de l’UE

 
Plusieurs indicateurs montrent également que les investisseurs craignent un passage au franc qui affecterait certaines catégories de dettes. Pour l’ensemble de celles-ci, on arrive à 100 % du PIB selon les critères retenus par le Telegraph, dans un contexte d’inflation de 0,7 % et de croissance qui peinera à passer le 1 %. Marine Le Pen au pouvoir arriverait-elle à faire tenir un référendum sur l’Europe ? Il lui faudrait pour cela l’accord de l’Assemblée et du Sénat. Mais même si ce n’est pas gagné, le bloc européen, et la relation entre la France et l’Allemagne seraient durablement affectés par son élection, aux yeux des Japonais.
 
Qui est le candidat de ce petit monde qui se repaît de l’activité des Banques centrales et dont la fortune est liée à la pérennité des organisations supranationales et mondialistes comme l’Union européenne? Ses préférences sont nettes. Sans surprise, l’article du Telegraph s’achève sur un éloge de Macron – mais avec des bémols : de quel côté le « centriste » français devra-t-il pencher pour avoir une chance d’atteindre l’Elysée ?
 
De cette incertitude aussi, les Japonais sont inquiets.
 

Anne Dolhein