Une voyagiste japonaise a eu l’idée de lancer une gamme de circuits pour animaux en peluche, et cela marche. Elle a des clients réguliers, surtout nippons ou américains, dont la moitié revient, satisfaite. Fait troublant à un moment où, même dans les pays riches, bien des humains ne peuvent plus s’offrir de vacances.
Sans doute cette activité reste-t-elle pour l’instant marginale, et sans doute les prix pratiqués sont-ils modérés. Mais ce micro-événement prend des airs de phénomène de société en gestation, dont la signification est à la fois marquée par les mentalités japonaises et plus globale. On est très au-delà des pages Facebook consacrées aux mascottes, des cimetières pour chiens, ou du grand marché des animaux de compagnie. On entre dans le virtuel et dans l’animation des objets. Cela rappelle la mode des tamagotchis, animaux virtuels inventés au Japon en 1996, qui ont connu plusieurs « générations », la prochaine étant prévue pour le début de 2014. Le jeu consiste, pour les écoliers du monde entier, à nourrir, laver, soigner les tamagotchis à partir d’une console, de sorte qu’ils vivent longtemps, et à les accoupler. Les voyages organisés d’animaux en peluche utilisent la même sensiblerie mais vont plus loin : on prête des sensation, une mémoire, à un morceau de tissu familier dont on veut le bien (il « fait partie de la famille »). Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? demandait le poète. La voyagiste et ses clients répondent. L’ONU prépare des droits du vivant où l’homme n’est qu’un cas particulier : ici c’est à la matière qu’on reconnaît le droit de sentir. Un pas convivial de plus vers la magie de l’irréel, vers une sorte de panthéisme ludique.