FILM EXPERIMENTAL John From •


 
John From étonne d’abord par son titre anglais visiblement incomplet : Jean deJean d’où ? John from USA dans la phrase complète, Jean des Etats-Unis. John From, et l’on est toujours heureux de s’instruire au cinéma, est la traduction en portugais sociologique de la religion du « Cargo » en français. Durant la Deuxième Guerre mondiale, des indigènes mélanésiens ont vu des caisses tomber du ciel, et encore païens pour beaucoup, ont adoré les avions-cargos parachutant ces marchandises comme des dieux bienveillants. Ces livraisons étaient pourtant destinées aux forces armées américaines combattant les Japonais dans les îles du Pacifique de 1942 à 1945, et à elles seules. Mais du fait de l’imprécision des largages, les indigènes en ont largement profité.
 
Cette curiosité évoquée, est-il possible de bâtir un film, qui n’a rien d’un documentaire, autour de cette idée ? Cet exercice relèvera forcément du genre expérimental. John From est voulu tel. Il est donc nécessairement bizarre, et s’adresse à un public de cinéphiles avertis et curieux. Il propose nonobstant une histoire : une adolescente, Rita, s’ennuie dans son grand immeuble, l’été, à Lisbonne. Cet habitat renvoie en fait à la classe moyenne, même à la classe moyenne supérieure au Portugal ; son père est architecte, et sa mère médecin. Son petit ami l’ennuie aussi ; elle l’abandonne donc, en ne répondant plus à ses messages, tout simplement, grossièreté universelle d’une génération. Puis, elle tombe sous le charme d’un voisin ethnologue, évidemment plus âgé, et peut-être père d’une petite fille. Ce dernier a monté une exposition sur ses voyages en Mélanésie à la maison de la culture de leur quartier. Comme elle est jeune et jolie, et prise d’une passion soudaine pour la Mélanésie et le culte de John From, l’ethnologue risque de ne pas résister longtemps à ses propositions.
 

John From : un spectateur quelque peu perdu

 
L’histoire pourrait sombrer à ce stade dans l’exposition d’amours discutables. Un film français étalerait des scènes intimes douteuses avec complaisance. Ce n’est pas vraiment le cas ici. Les mystérieux esprits de John From colorent littéralement cet environnement, sec et minéral, de ce quartier de Lisbonne, avec des couleurs chatoyantes de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, beaucoup de verdure, de rivière, d’animaux. Dans ce monde onirique, Rita vit une forme de relation amoureuse de rêve ou en rêve, avec cet ethnologue.
 
Tel est peut-être le but en soi du genre du film expérimental, mais le spectateur est quelque peu perdu. S’il suit la narration, est amusé par certaines images et travaille son portugais (s’il fait l’effort de voir le film en VO), le spectateur, force est de le constater, ne perçoit pas le sens profond de cette aventure. S’il existe… On n’aime pas ne pas comprendre.
 

Hector Jovien

 
John film expérimental