John Kerry invite la Russie et la Chine à adhérer au Traité Transpacifique (TPP)

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Mal vu, Vladimir Poutine ? N’y pensez pas. Le président russe a été sollicité par le secrétaire d’Etat américain John Kerry pour adhérer au traité de libre-échange transpacifique, le fameux TPP qui fait le pendant au Traité transatlantique, en même temps que le président de la Chine. C’était au cours d’un entretien sur la chaîne de télévision interétatique russe Mir TV enregistré le 2 novembre à Astana, au Kazakhstan, où Kerry était en visite officielle. Le Département d’Etat a mis en ligne une retranscription de l’interview.
 
Bien sûr, l’interview comporte quelques critiques. Les Etats-Unis seront ravis de régler le problème syrien en coopération avec la Russie si celle-ci clarifie ses intentions à l’égard de Bachar el-Assad. Il faudrait qu’elle retire son artillerie lourde d’Ukraine. Mais pour le reste, c’est : bienvenu au club. D’ailleurs si la Russie s’est attachée à créer une Union économique eurasienne – calquée sur l’Union européenne –, c’est tant mieux. Du moment qu’elle impose les hautes normes de sécurité et d’équité que les Etats-Unis eux-mêmes s’attachent à servir avec une si belle diligence…
 

TPP : John Kerry dit à Vladimir Poutine et Xi Jinping qu’ils seront les bienvenus

 
Pour ce qui est du Traité transpacifique, John Kerry a dit tout haut ce que l’on pouvait subodorer depuis bien longtemps. « Nous invitons les gens à venir rejoindre d’autres initiatives, comme le Partenariat transpacifique, le TPP. Pour nous, la Chine, la Russie sont les bienvenues, ainsi que les autres pays qui voudraient le rejoindre, tant qu’ils sont d’accord pour améliorer les normes et respecter les normes les plus élevées en matière de protection des personnes, de commerce ouvert, transparent, responsable », a-t-il déclaré.
 
Passons sur le contenu du TPP, comme du Traité transatlantique (TAFTA) qui vise à créer de gigantesques régions de libre-échange, obéissant à des règles supranationales, mettant fin à des pans entiers des droits et de la souveraineté de parties, accordant des avantages exorbitants aux multinationales et créant des tribunaux supranationaux aux pouvoirs colossaux… L’intérêt des propos de John Kerry est de montrer que tant la Chine communiste que la Russie post-communiste peuvent, doivent s’intégrer dans cette régionalisation mondiale qui mène tout droit vers le mondialisme et donc la gouvernance mondiale.
 

La Chine et la Russie devraient adhérer au Traité transpacifique

 
Le traité libre-échangiste TPP est actuellement en cours de finalisation entre 12 pays riverains du Pacifique : Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaysie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, les Etats-Unis et le Vietnam, qui représentent ensemble 40 % du PIB du monde.
 
L’invitation lancée par John Kerry met à mal l’idée, servie pendant longtemps aux Américains pour leur faire accepter le TPP, selon laquelle ce traité viserait à contrer ou à contenir le pouvoir économique croissant de la Chine et de la Russie dans la zone du Pacifique. Au contraire, le Traité transpacifique s’accommoderait fort bien d’une extension en vue d’un pacte encore plus large, aux contours déjà connus : le Free Trade Area of the Asia-Pacific (FTAAP), où le libre-échange au sens classique du terme sert avant tout de faux nez pour permettre la mise en place de structures supranationales de gouvernance globale. La Chine communiste y aurait toute sa place, tout comme la Russie que l’on présente si volontiers comme faisant contrepoids face à la l’Amérique.
 
En appelant explicitement Vladimir Poutine et Xi Jinping à rejoindre le TPP, John Kerry n’a fait que poser un nouveau pas en direction de cet objectif que The New American identifiait déjà en août 2013.
 
Début 2015, le même média avertissait contre la tromperie entourant la présentation des négociations du TPP. A l’époque, celui-ci était mis en avant comme assurant aux Etats-Unis des avantages face à la Chine, perçue – à juste titre – par de nombreux Américains comme un adversaire économique qui capte leurs emplois, notamment pas les délocalisations. Dans le cadre d’un marché « libre » encore plus étendu – à la Chine et à la Russie, comme le précisait l’article – les droits et protections nationales auxquels peuvent encore prétendre les Américains face au géant asiatique seraient au contraire démantelés.
 

TPP et TAFTA menacent autant les Européens que les Américains

 
Il ne faut pas s’y tromper, en effet : si bien des Européens s’inquiètent à juste titre de la mise en place d’un Traité transatlantique, ce n’est pas tant « à l’Amérique » que seraient livrés les intérêts du Vieux continent, qu’à une entité qui dépasse autant l’UE que les Etats-Unis. Les Américains – les gens en chair et en os – y ont aussi beaucoup à perdre, à commencer par l’indépendance.
 
D’ores et déjà, la Russie pourrait bien entrer dans le système par la petite porte en bénéficiant d’accords commerciaux négociés par divers Etats parties au TPP et l’Union économique eurasienne : les Etats sud-américains sont particulièrement demandeurs.
 
Si bien que plusieurs figures politiques américaines connues pour leur opposition aux grands traités régionaux, tels le sénateur Jeff Sessions et les candidats à l’investiture Carly Fiorna ou Bernie Sanders, se sont inquiétés depuis le mois de mai de la possible arrivée de la Chine parmi les membres du TPP, sans consultation du Congrès américain.
 

Poutine ouvert à un TPP incluant la Chine et la Russie

 
Interrogé il y a un an par Russia Today sur l’existence parallèle de l’APEC (accord commercial de l’Asie-Pacifique) et du TPP, Poutine lui-même avait affirmé que les accords de commerce régionaux étaient des vecteurs vers une plus grande convergence globale, affirmant : « La Russie cherche à renforcer l’intégration régionale. En outre, nous pensons que les accords de libre-échange ne doivent pas fragmenter le système d’échange multilatéral, mais plutôt être complémentaires, en contribuant à sa consolidation et à la progression de l’interconnexion. »
 
A propos du TPP, il ajoutait : « Je crois que l’absence de deux grands acteurs régionaux comme la Russie et la Chine dans sa composition ne contribuera pas à promouvoir l’établissement d’une coopération commerciale et économique efficace. »
 
La Russie et la Chine sont-elles donc indispensables à la réussite de l’opération ? Sur ce plan-là, ils semblent tous d’accord.
 

Anne Dolhein