Faire du “Jour de la Terre” une fête religieuse : oui, l’écologie est une religion

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Une tribune publiée par un magazine comme Time, qui tire à plusieurs millions d’exemplaires et touche des millions d’autres lecteurs en ligne, ne pourra jamais être balayée comme l’obscure élucubration de quelque doux-dingue obsédé par son dada. Lorsque ledit hebdomadaire, réputé pour son « sérieux » parmi les grands médias, offre une belle place au plaidoyer de deux grandes figures de l’écologie pour la création d’une fête religieuse universelle à l’occasion du « Jour de la terre », il faut comprendre qu’elles sont en phase avec l’idéologie dominante. C’est bien un culte qui est proposé, une religion dont la terre, ou plutôt la Terre-Mère, Gaïa, est l’idole.

On n’a cessé de nous seriner que les croyances religieuses sont dépassées, que la religion est l’opium du peuple. Mais c’est pour nous inciter à devenir les sectateurs d’une nouvelle religion… pas si neuve que cela, ainsi que l’avouent les deux auteurs de l’article. Il s’agit de Paul Greenberg, professeur d’études animales à l’université de New York, « juif de nom, pas plus », et de Carlo Safina, titulaire de la chaire de recherche sur la nature et l’humanité à l’université de Stony Brook dans le même Etat. Safina précise qu’il est un « recovering Catholic », un « catholique qui se remet », autrement dit, un apostat qui se vante d’avoir guéri de sa religion de baptême.

Et en ce temps marqué par le woke, personne ne lui reproche de porter atteinte à la sensibilité des catholiques en désignant de fait leur foi comme une maladie de l’esprit…

 

Le Jour de la Terre, mieux que Noël ou Pâques ?

Les deux hommes se lamentent de voir le « Jour de la Terre » de moins en moins célébré – le 22 avril dernier a moins marqué les foules que le pont de Pâques ou la « Fête du travail » – après une première édition en 1970, promue par un sénateur républicain et un sénateur démocrate, qui vit « 20 millions de manifestants » dans les rues aux Etats-Unis. Avec la baisse de la pollution perceptible et multiples réglementations de protection de la nature, avancent les auteurs, on s’est largement désintéressé de cette journée de conscientisation écologique, alors même que les « problèmes actuels de l’environnement constituent des menaces existentielles pour la stabilité sociale et planétaire, et même pour la civilisation ».

La solution ? Il faudrait mettre en place des rites pour « célébrer le miracle d’une planète vivante », et en finir avec ce Jour de la Terre « plus qu’un peu sacrilège » et la transformer en un « moment central pour une nouvelle approche du culte ». Miracle, sacrilège, culte : le vocabulaire ne laisse aucune place au doute, il s’agit bien de prendre tous les codes d’une religion à part entière, construite autour d’une « divinité ». Sans surprise, Greenberg et Safina jugent même qu’« un jour sur 365 » pour lui rendre hommage, c’est bien trop peu eu égard à « la révérence et la reconnaissance dues à cette planète assiégée, qui est au fondement de toute notre existence et de toute vie connue ».

 

La religion de la Terre aurait ses rites, ses commandements, son livre saint

Un « système de croyances vénérant la terre » aurait cependant le Jour de la Terre pour fête principale. Greenberg et Safina ont déjà tout réfléchi :

« Pour commencer, examinons ce que les religions établies réussissent à bien faire, et dont nous pourrions nous inspirer. La première étape consisterait peut-être à déterrer les origines de nos fêtes religieuses actuelles, qui sont centrées sur la nature. Nous savons pour la plupart que Noël et Hanoukka coïncident avec le solstice d’hiver, que Pâques et la Pâque sont célébrées en même temps que l’arrivée du printemps, que Sukkot et Diwali marquent les récoltes et les dernières chaleurs de l’été, et que l’Aïd suit la trajectoire de la lune. Ces fêtes trouvent leur origine dans la gratitude. Gratitude pour le retour du soleil. Gratitude pour la récolte qui pourrait éviter la famine que l’hiver pourrait apporter. Remerciements pour le moment où la récolte a permis d’éviter la famine. Nous pourrions concevoir de recadrer ces fêtes comme des jours de remerciement pour ce que le monde naturel donne et des rappels que notre responsabilité pour ce qui reste est une alliance permanente. »

Au-delà de la discrète suggestion selon laquelle les religions dites traditionnelles, et surtout le judaïsme et le christianisme, n’ont jamais été centrées sur un Dieu transcendant mais sur la nature comme pourvoyeuse de tout ce dont nous avons besoin, il y a cette notion d’« alliance » qui justement, dans l’Ancien Testament, attachait le peuple élu au Dieu unique, distinct de sa création, et qui dans l’accomplissement de la Nouvelle Alliance, nous le révèle Un et Trine, auteur de l’œuvre de la Rédemption par laquelle les portes du ciel nous sont ouvertes, cette éternité auprès de Dieu qui dépasse infiniment les beautés de la création terrestre.

La marche vers une inversion infernale proposée par Greenberg et Safina va encore plus loin, puisque leur religion écologique rejette systématiquement la vérité et les commandements divins.

« Ensuite, nous pourrions examiner ce que font les religions pour nous aider à former une communauté et à marquer les étapes importantes de la vie : la naissance, la maturité, le mariage et la mort », expliquent-ils. Il faut ramener cela au niveau « biologique » : « La naissance, cette fusion extatique d’atomes et de molécules aboutissant à la sensibilité, pourrait donner lieu à un rituel consistant à raconter de manière véridique et factuelle comment l’inanimé devient animé. » Car bien entendu, ces messieurs ont tout compris au mystère de la vie – assez, en tout cas, pour rejeter l’existence même de l’âme spirituelle qui est au cœur de la réalité de l’homme, spécifiquement créé « à l’image et à la ressemblance de Dieu ».

« Au lieu (ou en plus) des bar/bat mitzvahs et des confirmations, serait-ce trop demander à nos enfants d’aller au-delà des 20 minutes quotidiennes moyennes que la plupart des enfants américains passent à l’extérieur, et de mémoriser les noms et les descriptions des plantes et des animaux locaux, ou d’apprendre les considérations impliquées dans la plantation correcte d’un arbre ? » Voici le catéchisme remplacé par les cours de jardinage – excellents dans leur ordre, certes, mais conçus ici pour chasser le surnaturel.

 

Au nom de l’écologie, avoir moins ou pas d’enfants

Pour le mariage, l’affaire se corse. « Le pacte du mariage pourrait être l’occasion de rappeler aux jeunes couples le fardeau que les enfants font peser sur la planète et de s’engager à adopter des modes de comportement durables à l’avenir. » On ne doit plus se marier pour avoir des enfants, mais pour ne pas en avoir ; pour les considérer comme une malédiction, tout au plus, comme une denrée à consommer avec la plus grande modération, à mi-chemin entre la cigarette qui tue et l’alcool qui détruit. Et ce n’est même pas par égoïsme ou par un altruisme mal compris qu’il faudrait ainsi en finir avec le premier, dans l’ordre chronologique, des commandements donnés par Dieu aux hommes : « Croissez et multipliez-vous », mais pour brûler son grain d’encens devant le dieu contempteur de la vie et des hommes. C’est signé, non ?

« Enfin, la mort pourrait être reconnue pour ce qu’elle est : un retour des atomes et des molécules dans le cycle. » Surtout pas d’au-delà, surtout pas de vie éternelle. Tout est dans tout, la matière est l’horizon de toute chose. Il faudrait se réjouir de retourner au néant de l’inconscience.

 

La religion promue par “Time” et les diableries de la gnose

Toute religion enseigne ce qu’il faut croire, celle de la Terre ne fait pas exception, et Greenberg et Safina lui ont inventé un livre saint et des prophètes, et même des commandements et une illumination à la manière des gnostiques. Faisant un parallèle avec la Torah, ils écrivent :

« Et si un tel livre existait pour la Terre ? S’il était rempli d’hymnes à ce monde des vivants ? Et s’il contenait les histoires des prophètes de la connaissance de la terre naturelle – Darwin et Carson, Galilée et Humboldt ? Et si nous en venions à considérer ces découvertes comme l’ouverture progressive de la conscience aux lois de la nature ? Et si notre Bible du monde naturel nous confortait dans l’idée qu’une multitude de processus et de phénomènes restent à découvrir ? Et si nous utilisions ce livre non pas pour gronder nos enfants afin qu’ils suivent des commandements, mais plutôt pour éclairer une voie qui encourage la découverte, le respect et la gratitude pour les relations qui assurent à notre vaisseau spatial planétaire les conditions de sa survie ? »

Les sciences naturelles y prennent la place des vérités de la foi, mais aussi ses théories et ses mythes, son rejet de Dieu et son évolutionnisme qui cherche en vain à rendre le mystère de la vie plus compréhensible en y ajoutant quelques milliards d’années.

Les auteurs arrivent alors à un aveu central : « Sommes-nous en train de proposer une toute nouvelle religion ? Nous n’en sommes pas tout à fait sûrs. Peut-être une ancienne. Au cœur de tout sentiment religieux se trouve le sentiment que nous faisons partie de quelque chose de beaucoup plus vaste dans l’espace et plus profond dans le temps que nous-mêmes. »

C’est bien le panthéisme païen que rêvent ces deux idolâtres de la nature, ils s’en cachent à peine. Ils attendent un « nouveau Grand Réveil » qui occupera tout le besoin de spiritualité qui caractérise l’homme, et qui sera une spiritualité en effet, une spiritualité globale remplaçant la Révélation par sa propre révélation de pacotille. Et qui veut sacrifier l’homme au bien de son faux dieu.

 

Jeanne Smits