Lundi 18 mai, Judicial Watch, organisation américaine dédiée à la surveillance des activités du gouvernement, a publié une sélection de documents classés jusque-là « top secret ». Ils ont été obtenus du Département de la Défense et du Département d’État américains, grâce à un procès fédéral et à une procédure de requête de la part de l’organisation, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (FOIA). De l’attentat de Benghazi au développement de l’EI dans l’est syrien, leur contenu explosif met en cause le gouvernement des États-Unis et toute sa politique au Moyen-Orient.
Ces documents ont été rédigés en 2012 et avaient été alors envoyés à la secrétaire d’État Hillary Clinton, secrétaire à la Défense ainsi qu’aux chefs d’état-major et au Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche d’Obama. Des rapports officiels furent par la suite produits – mais la censure était passée sur les originaux.
Les documents officiels sur Benghazi : le scoop de Judicial Watch
Première révélation : celle de l’attaque du consulat de Benghazi, qui a coûté la vie à l’ambassadeur Christopher Stevens et à trois autres agents américains et pour laquelle le gouvernement a parlé de manifestants en colère imprévisibles…
Le document « classé » indique que moins de deux heures après l’attaque, le gouvernement avait été prévenu qu’elle avait été « exécutée par la Brigade du Captif Omar Abdoul Rahman (BCOAR) », terroriste d’Al-Qaïda. Que l’attaque avait « été planifiée dix jours ou plus tôt, approximativement le 1er septembre 2012. L’intention était de s’en prendre au consulat et de tuer autant d’Américains que possible, pour se venger de l’assassinat, par les États-Unis, d’Aboyahiye Alaliby au Pakistan, et en mémoire des attentats du 11 septembre 2001 contre les immeubles du World Trade Center.
Enfin, que « le chef de la BCOAR a été envoyé pour établir des bases d’al Qaïda (AQ) en Libye ». Le rapport est de plus, extrêmement détaillé, il parle des caches d’armes, de leur nombre et de la formation religieuse et idéologique – oxymore – de ces djihadistes. Douloureuse vérité pour les États-Unis à qui Obama a toujours caché l’implication de l’organisation terroriste dans l’attentat de Benghazi…
Les États-Unis ont fermé les yeux sur les trafics d’armes à destination des djihadistes
Mais si la presse anglo-saxonne pleure sur cette cachotterie qui n’est sûrement pas la seule, ce n’est pas là l’intérêt principal de ces documents rendus publics.
L’un d’entre eux, daté d’octobre 2012, révèle que l’administration Obama savait que des armes – et même quel type d’armes – « en provenance des anciens dépôts libyens » ont été expédiées à partir du port de Benghazi aux troupes rebelles en Syrie, entre octobre 2011 et septembre 2012. Ce, alors que la Syrie toute entière était frappée d’un embargo sur les armes, décrété par l’ONU…
Les États-Unis ont fermé les yeux sur un trafic d’armes qui alimentait les djihadistes syriens.
L’EI : un atout stratégique américain ?
Plus fort, un autre rapport, écrit en août 2012, c’est-à-dire à la même période, déclare la chose suivante jamais reconnue par les États-Unis  ;: « Les Salafistes, les Frères musulmans et AQI [Al Qaïda en Irak] sont les principales forces derrière la rébellion en Syrie. AQI connaît bien la Syrie. AQI s’est entraîné en Syrie puis a infiltré l’Irak. AQI a soutenu l’opposition syrienne dès le début… »
De fait, « Al-Qaïda pourrait aisément revenir à ses vieilles poches, comme Mossoul et Ramadi [ce que vient de faire l’EI] et fournira un élan renouvelé pour unifier le djihad sunnite entre l’Irak et la Syrie, et le reste des sunnites dans le monde arabe contre ce qu’il considère comme un ennemi, les dissidents. ISI pourrait également déclarer un État islamique au travers de son union avec d’autres organisations terroristes en Irak et la Syrie, ce qui créera un grave danger en ce qui concerne l’Irak unificatrice et la protection de son territoire. » Et faciliterait « le renouvellement d’éléments terroristes de partout dans le monde arabe »…
Cette prévision a été faite deux ans avant l’autoproclamation du Califat de l’État Islamique.
« Il y a la possibilité d’établir une principauté salafiste officielle ou pas, dans l’est de la Syrie »
Si la Défense américaine disposait de ces données et a continué à agir en connaissance de cause, en soutenant coûte que coûte les « rebelles » syriens, c’est que le développement de l’État islamique servait ses objectifs. Le désastre irakien et l’échec de la politique américaine syrienne étaient-ils programmés ? A quelles fins veut parvenir le gouvernement dans ce Moyen-Orient à feu et à sang ?
Le rapport le dit noir sur blanc : pour « l’Occident, les pays du Golfe et la Turquie [qui] soutiennent l’opposition [syrienne]… il y a la possibilité d’établir une principauté salafiste officielle ou pas, dans l’est de la Syrie, et c’est exactement ce que veulent les puissances qui soutiennent l’opposition, afin d’isoler le régime syrien …»
La politique américaine au Moyen-Orient perd tout d’un coup de sa candeur…
Alors, quand on entend que les États-Unis et l’Arabie saoudite en particulier sont à la tête d’un groupe de lutte contre le financement des djihadistes de l’EI dont la première réunion s’est tenue les 19 et 20 mars derniers à Rome… qu’on nous permette de sourire.