Chypre, qui comptait sur la découverte, il y a trois ans, d’importants gisements sous-marins de gaz pour redresser une économie fortement marquée par la crise économique, le « plan de sauvetage » imposé par l’Union européenne et un chômage qui atteint désormais 17% de sa population active, se retrouve une nouvelle fois confrontée, sur ce terrain comme sur tant d’autres, à la Turquie. Attirée par l’aubaine, Ankara vient en effet de commander des études sur la « zone économique exclusive » mise en place par Chypre, au mépris du droit de la mer, provoquant une nouvelle escalade dans la difficile histoire qui, depuis quarante ans, oppose l’île à la Turquie. Officiellement redémarrées en février dernier, les négociations de paix risquent fort de virer une nouvelle fois à l’aigre…
La Turquie dans les eaux de Chypre
Le gouvernement turc a donc envoyé, à des fins d’études sismiques, le vaisseau Barbaros (ah ! le joli nom ! que de doux souvenirs !) de la compagnie TPAO sur place, escorté de deux navires de soutien logistique, et d’un navire de guerre – on ne sait jamais, tant pis pour la paix, sans doute.
D’ores et déjà les techniciens turcs ont procédé, depuis mardi, à des recherches sur un ou deux des treize blocs d’exploration et d’exploitation organisés par Chypre, et attribués, pour certains, à des entreprises étrangères. Lesquelles pourraient bien, elles aussi, prendre la mouche, et s’offusquer de voir ainsi débarquer les Turcs sur des zones qui leurs ont été dévolues. On peut imaginer qu’il en résulterait un joli sac d’embrouilles diplomatiques.
Guerre du gaz : pas de raisons, des intérêts
Ankara n’en a cure ! Après tout, les autorités turques ne reconnaissent que la seule République turque de Chypre du Nord, et même si les gisements gaziers se situent au sud de l’île, ne voient pas pourquoi « sa » république ne pourrait pas faire valoir de droits sur ceux-ci.
A Nicosie, le gouvernement chypriote a immédiatement réagi en décidant d’un plan de huit mesures, parmi lesquelles la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, un appel à une réponse directe de l’Union européenne, et surtout un refus systématique de toute nouvelle discussion sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, tant qu’Ankara continuera de s’opposer ainsi à l’un des Etats-membres de l’Union, et notamment en ce qui concerne le gaz sous-marin.
Il n’est pourtant pas sûr que Bruxelles s’empresse de défendre l’un des siens. A l’heure où la région vit au contact des poudrières syrienne et irakienne, se mettre à dos la Turquie n’apparaît pas aux responsables européens comme très diplomatique.