La réforme du collège : le coup de grâce pour les lettres classiques ?

La réforme du collège : le coup de grâce pour les lettres classiques ?
 
Finies les heures passées à tourner les pages molles de nos vieux Gaffiot et Bailly ? A réciter par cœur la première églogue des Bucoliques de Virgile ou à plancher sur le De rerum natura ? Les professeurs de lettres classiques ont toutes les raisons d’être inquiets. Dans le cadre de la réforme du collège initiée par notre Najat Valaud-Belkacem, les options de latin et de grec risquent tout bonnement de disparaître. Les « langues et cultures de l’Antiquité », comme il faut aujourd’hui les appeler, seraient enseignées par le biais d’un Enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) – la forme flasque idéale – désormais intégré au cours de français…
 

Réforme au collège : la pente est douce, mais elle est inexorable (Raffarin)

 
Pour les rendre « accessibles à tous », sans doute ? ! C’est une mise à mort lente, par asphyxie. Doucereuse, qui ne se dit pas – une sédation terminale. Tout a commencé en 2001, avec la suppression des heures de langues anciennes abondées jusque-là aux dotations des établissements. Puis les seuils des effectifs minimums ont été relevés. Les élèves regroupés. On a diminué les postes proposés au concours. On a réformé le Capes de lettres classiques pour l’intégrer à celui de Lettres Modernes. Découragé les candidats-professeurs. Et amoindri l’intérêt des élèves.
 
Décision scandaleuse si l’on s’en réfère au nombre d’entre eux qui choisissent de faire leurs humanités – comme on le fait depuis le XVIe siècle… Loys Bonod, professeur de Lettres classiques au lycée Chaptal, les défend : « On a toujours un gros vivier de latinistes en France, c’est même sidérant au regard des attaques dont est victime cette discipline. Le latin attire encore 20 % des collégiens en cinquième. Même si la proportion diminue au fil des années et de la scolarité puisqu’ils ne sont plus que 4,3 % en terminale, cela reste massif ».
 
Et cela pourrait augmenter avec une volonté étatique. Mais elle est aujourd’hui clairement à l’opposé. Élizabeth Antébi, fondatrice du « Festival européen du latin et du grec », qui a lieu en ce moment-même à Lyon pour la neuvième fois, ne mâche pas ses mots : « Il n’y a plus d’éducation occidentale. (…) En France, plus qu’ailleurs, on veut faire disparaître les Humanités au nom d’une idée imbécile d’égalitarisme »… La tabula rasa, « ce nivellement par le bas qui a commencé en 68 avec Edgar Faure n’a jamais cessé ». On peut au moins saluer la cohérence de Belkacem avec ses prédécesseurs…
 

Les lettres classiques : un frein au mondialisme

 
Oui, il y a une entreprise méthodique d’extirpation, sous couvert d’égalitarisme – en fait de nivelage –, des racines mêmes de notre culture, de ce qui fait aujourd’hui notre pensée et sa tournure. Le grec et le latin sont indissociables de notre héritage de Français, d’Européen. Mais parce qu’ils offrent à l’esprit une rigueur sans pareille, parce qu’ils nous aident à comprendre et à sauvegarder notre langue d’aujourd’hui, parce qu’ils nous plongent dans l’histoire millénaire de la formation intellectuelle de la France et de toute l’Europe, des grands philosophes aux grands historiens, parce qu’ils nous donnent accès aux textes originaux fondateurs, ils sont un frein au cosmopolitisme qui défie l’héritage et à l’idéologie de la pensée unique qui se méfie de toute connaissance qui ne soit pas « dirigée » et « utile ».
 
A quoi sert, alors, à François Hollande de visiter mercredi, l’air soucieux, le département des antiquités romaines du Louvre pour lancer un « cri d’alerte et de solidarité » face aux destructions des sites archéologiques et richesse mésopotamiennes que commet l’État islamique ? ! Il n’est même pas capable de défendre sa propre civilisation… Le choix est clair.