Yves Bréchet n’a pas mâché ses mots à l’Assemblée Nationale qui l’avait invité fin 2022 à parler de son expérience à la tête du Haut-Commissariat à l’énergie atomique de 2012 à 2018 : devant la Commission d’enquête sur la souveraineté et l’indépendance énergétique, il a désigné clairement les responsables du marasme actuel en France. Au premier rang, « l’inculture scientifique et technique de notre classe politique », qui inclut non seulement les élus, les ministres, le président, mais aussi leurs conseillers. Et de détailler : « La cohérence d’une stratégie industrielle a cédé la place à l’opportunisme d’une stratégie de communication. (…) La doxa prônant le passage de 75 à 50 % de la capacité électronucléaire, la confusion entre la puissance installée et la puissance délivrée, l’omission des coûts de réseau et de stockage dans l’évaluation des aspects économiques des différentes sources d’électricité, le refus de procéder à une analyse de fond des expériences faites chez nos voisins, témoignent au mieux d’une naïveté confondante. » Massacrant les décisions prises sous les derniers présidents, il a encore fait état de l’« ignorance stupéfiante de l’inertie intrinsèque des industries lourdes » et de « l’incapacité à penser l’ensemble d’un système énergétique ». Il en veut finalement moins aux politiques eux-mêmes qu’à leurs conseillers : « Au-delà des anciens ministres que vous pouvez auditionner pour le fun, en étant à peu près sûr de n’avoir que des effets de manche, c’est dans les structures des cabinets et de la haute administration, qui sont censés analyser les dossiers pour instruire la décision politique, qu’il faut chercher les rouages de la machine infernale qui détruit mécaniquement notre souveraineté énergétique et industrielle. » Aux technocrates des années soixante et soixante-dix, encore formés par des gens comme Louis Armand, il a opposé les rhéteurs sortis aujourd’hui de l’ENA qui, imbus « de leurs diplômes, se retrouvent à conseiller sur des sujets qu’ils ne maîtrisent généralement pas un ministre qui ne se pose même pas la question ». Son conseil : former correctement les jeunes pour que « les conseillers soient en état de conseiller, c’est-à-dire réapprennent à analyser le fond des dossiers et à challenger les experts ».