L’Union européenne compte sur les grandes infrastructures de transport, en particulier les lignes ferroviaires à grande vitesse (LGV) ou mixtes, pour tenter de pérenniser le pseudo-Etat fédératif dont rêve son oligarchie. Une politique commune de transports a été arrêtée au tournant du siècle dotée d’un projet de Réseau transeuropéen de transport (RTE-T), liste de 30 projets dont une série de liaisons ferroviaires transfrontalières. Le montant total des projets, réactualisés depuis, était évalué à quelque 225 milliards d’euros. La participation de l’UE était plafonnée à 20 % du budget de chaque projet. D’abord fixé à 2020, l’objectif de réalisation a été reporté à 2030. Mais à ce jour, en matière ferroviaire, le bilan transfrontalier est maigre, indique la Cour des comptes européenne qui dénonce « un ensemble fragmenté » de réalisation de LGV à l’échelle nationale, mal reliées entre elles. Sans parler du surinvestissement sur les lignes d’Espagne, le deuxième pays du monde en matière de réseau ferroviaire à grande vitesse derrière… la Chine.
Pour la Cour des comptes, le triplement du réseau LGV en 2030 ne sera pas atteint
La Cour des comptes européenne a inspecté six Etats (France, Espagne, Italie, Allemagne, Portugal et Autriche) et a analysé les réalisations de plus de 5.000 km (dix lignes à grande vitesse et quatre franchissements de frontières intérieures) soit la moitié du réseau existant. L’objectif du triplement du réseau LGV (30.000 km en 2030) ne sera pas atteint. Pour Oskar Herics, membre de la Cour, les lignes à grande vitesse existantes sont « mal reliées entre elles et forment un ensemble inefficace et fragmenté ». L’avocat autrichien ajoute : « Les LGV qui traversent les frontières nationales ne figurent pas parmi les priorités des Etats membres et la Commission ne dispose d’aucun pouvoir pour imposer leur mise en œuvre » malgré les accords RTE-T. Ce « patchwork », se lamente la Cour des comptes européenne, n’a pas permis de construire un réseau « intégré » de LGV en Europe. « Cela signifie que la valeur ajoutée du co-financement de l’UE est faible », déplore la Cour. Ou qu’elle revient à renforcer les structures territoriales nationales plutôt que l’utopie d’un territoire uniformisé.
De quoi attiser la colère des eurocrates qui rappellent que la participation de l’UE dans la réalisation de lignes à grande vitesse a déjà atteint 23,7 milliards d’euros depuis 2000. Le rapport suggère que soient mieux envisagées des améliorations des lignes classiques existantes, la rentabilité de ce type d’opérations étant, selon lui, importantes.
Le trafic des LGV transfrontalières existantes reste marginal
On comprend la réticence des Etats à multiplier les lignes nouvelles transfrontalières. Hormis la liaison transfrontalière à grande vitesse France-Belgique qui affiche 98 trains à grande vitesse par jour ouvrable de base deux sens confondus, le trafic reste marginal sur les LGV internationales existantes. Le trafic transmanche, même s’il est considéré comme un succès, n’affiche que 50 TGV par jour deux sens confondus, à comparer aux 190 trains qui circulent sur la LGV Nord ou aux 246 trains qui sillonnent la section nord de la LGV Sud-Est. Le tropisme national est évident.
L’exemple le plus frappant de la persistance naturelle des frontières est donné par la ligne à grande vitesse mixte Perpignan-Figueras, via le nouveau tunnel du Perthus. Cette ligne nouvelle de 44 km d’un coût de 1,1 milliard d’euros, mise en service en 2009, qui se poursuit par une LGV jusqu’à Barcelone et Madrid, fut concédée à TP Ferro moyennant subventions des Etats et de l’UE. TP Ferro a fait faillite et a été liquidée en 2016, remplacée par une filiale de SNCF et Adif (Espagne), principalement en raison d’un trafic très inférieur aux estimations. Il ne circule que 10 trains à grande vitesse de voyageurs chaque jour deux sens confondus, et quelques trains de fret. On peut en déduire les réticences des Français à construire la branche sud du projet de LGV Sud-Ouest Bordeaux-Hendaye et leur réticence à financer le projet Montpellier-Perpignan (Le Perthus), au moins sur sa partie méridionale Béziers-Perpignan, section la plus « internationale ». En Alsace, la liaison Baudrecourt-Sarrebrück (50 km), actuellement à 130 km/h, n’est l’objet d’aucun projet à grande vitesse. L’Europe ne sait décidément pas effacer les nations.
L’Union européenne dépense à tout va pour des LGV contestables
En revanche, l’Union européenne sait dépenser ses fonds à tout va pour des réalisations contestables. Le rapport de la Cour des comptes européenne relève ainsi que 2,7 milliards d’euros de fonds européens ont été attribués « à hauts risques » et pour des raisons apparemment très « politiques ». Pour Luc T’jeon, membre de l’équipe d’audit, « les voies ont été soit posées avec beaucoup de retard, soit ont entraîné d’énormes surcoût, soit ont été mises en service effectif après une longue période sans voir passer aucun train ». Pendant ce temps, la SNCF française continue de supprimer à tours de bras des lignes régionales, par exemple entre Saint-Etienne et Clermont, deux villes pourtant peuplées chacune de plus de 300.000 habitants.
Le cas de l’Espagne est exemplaire. Certes la péninsule, dotée d’un réseau classique à voie large (1,668m), profite doublement des lignes à grande vitesse car leur voie à écartement standard (1,435m) permet des circulations avec le reste du continent. Un spécialiste note à son propos : « En un quart de siècle, pas moins de 51,7 milliards d’euros ont été investis pour constituer ce réseau, avec une large participation de l’Union européenne. Néanmoins, hormis la relation entre Madrid et Barcelone, le réseau est structurellement déficitaire et accumule déjà 16 milliards d’euros de dette. En 2016, la RENFE a transporté environ 20 millions de passagers à bord de ses AVE, soit 6 fois moins que la France qui dispose d’un réseau d’un tiers moins étendu : 6.172 voyageurs/km/an en Espagne contre un peu plus de 50.000 en France ». L’argent de l’Europe est devenu fou.