Le livre du pape François sur le Dieu de miséricorde appelle à un meilleur accueil des LGBT

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Un nouveau livre d’entretiens avec le pape François réalisé par le vaticaniste Andrea Tornielli, réputé très proche du souverain pontife, doit paraître mercredi après avoir été présenté officiellement ce mardi au Vatican par le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat. Sous le titre Le nom de Dieu est miséricorde, le pape y explicite ses intentions à propos de l’Année de la Miséricorde, ouverte le 8 décembre dernier, et revient sur certaines de ses expressions qui ont suscité un fort intérêt médiatique et non moins de désarroi chez nombre de catholiques, tel le célèbre « Qui suis-je pour juger ». Le texte du livre a déjà été communiqué à la presse et nombre de médias en rendent compte : de nombreux journalistes anglophones y voient un appel à offrir un « meilleur accueil aux personnes LGBT ».
 
C’est notamment ce qu’affirme le site gay PinkNews qui résume sa présentation du livre – le premier ouvrage du pape François depuis son accession à la chaire de Pierre – à l’attitude plus « tolérante » qui devrait être celle des catholiques à l’égard des LGBT. Le site note que le pape affirme : « Les gens ne devraient pas être définies par leur seules identités sexuelles. » Il relève également cette citation : « L’Eglise n’existe pas pour condamner les gens mais pour provoquer une rencontre avec l’amour viscéral de la miséricorde de Dieu », alors que « l’humanité est blessée, profondément blessée ».
 

« Qui suis-je pour juger ? » Le nouveau livre du pape François explique…

 
Parmi de nombreuses autres sources qui s’appesantissent sur ce thème, le site « progressiste » thinkprogress.org parle lui aussi de la position « relativement tolérante » sur les LGBT. La revue d’informations catholiques américaine de gauche National Catholic Reporter illustre son article sur le sujet d’une photo montrant le pape se penchant tout près d’une femme qui semble pleurer, et qui lui parle. Le NCR reproduit les explications de François sur « Qui suis-je pour juger ».
 
« A cette occasion j’ai dit : si une personne est gay et qu’elle recherche le Seigneur et qu’elle est de bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? Je paraphrasais par cœur le Catéchisme de l’Eglise catholique là où il dit que ces personnes doivent être traitées avec délicatesse et ne pas être marginalisées. Je suis heureux que nous parlions avant tout de “personnes homosexuelles” car avant tout le reste il y a la personne individuelle, dans sa totalité et dans sa dignité. Les personnes ne devraient pas être définies par leurs tendances sexuelles : n’oublions pas que Dieu aime toutes ses créatures et que nous sommes destinés à recevoir son amour infini. Je préfère que les homosexuels viennent se confesser, qu’ils restent près du Seigneur, et que nous priions tous ensemble. On peut leur conseiller de prier, leur montrer de la bienveillance, leur montrer le chemin, et les y accompagner. »
 

Entre tradition et ambiguïté, le pape François plaît aux LGBT

 
Il n’y a là rien de révolutionnaire à la surface puisque l’Eglise, en communiquant la grâce de Jésus-Christ à travers les sacrements, fait cela depuis sa fondation : rendre aux pécheurs l’état de grâce et leur ouvrir, par les mérites de Notre-Seigneur, les portes du salut éternel. On sait que cela ne se fait pas sans conditions : la nécessité du repentir, le ferme propos de ne plus chuter, avec la grâce de Dieu, la conversion et la pénitence. Que cela n’exclue pas les chutes, et même les rechutes comme le sait tout pénitent, l’Eglise le sait qui prie pour les pécheurs et leur offre les moyens du salut jusqu’aux derniers instants de leur pèlerinage ici-bas. Mais ce sont aussi les plus grands saints qui ont eu la plus grande conscience de la gravité du péché.
 
PinkNews souligne, sans pour autant dénoncer la rigidité du pape à ce propos comme les médias gays le font habituellement en ce cas, que François « a toujours hésité à aborder la question de l’homosexualité autrement qu’en tant que péché ». De fait, à quoi sert la miséricorde si elle ne s’exerce pas sur le péché en aidant le pécheur ?
 
Il y a donc une lecture parfaitement catholique des propos du pape François qui visent à ne pas confondre péché et pécheur : il faut haïr le premier et aimer le second, dit l’Eglise depuis toujours avec ses saints, à la suite du Christ qui donna l’exemple avec Marie-Magdeleine… mais en l’invitant à ne plus pécher.
 
Il faudra attendre le texte complet du livre d’entretiens, Le nom de Dieu est miséricorde, pour mieux comprendre ce que le pape a voulu dire précisément, étant entendu que la presse a fortement tendance à isoler les propos de leur contexte. Mais en un sens – comme cela s’est produit avec d’autres déclarations du pape et à la suite des deux synodes sur la famille – le mal est déjà fait. Car c’est en quelque sorte la présentation médiatique qui fait fois : mieux (ou plutôt, pire) dans notre monde des tweets et des « informations » ultra-rapides et sans nuances, ce sont les titres qui comptent.
 

Le meilleur accueil des LGBT « oublie » l’intolérance du lobby gay à l’égard de la morale traditionnelle et de la loi de Dieu

 
Aux yeux du monde, c’est vite vu et le glissement s’est déjà fait dans les esprits : le pape assouplit a morale sexuelle.
 
Le changement de ton à propos de l’activité homosexuelle est quant à lui acquis. Il s’accompagne de gestes d’ouverture aux LGBT : la réception d’un couple trans au Vatican, celle d’un couple d’amis homosexuels du pape lors de sa visite aux Etats-Unis, la montée en épingle – aberrante – de la question des gays lors des synodes sur la famille sont autant de faits et de gestes qui justifient une interprétation libérale de l’attitude du pape. Alors qu’une offensive mondiale cherche à pénaliser ceux qui porteraient atteinte aux droits des LGBT y compris en rappelant simplement la morale séculaire, c’est pour le moins inquiétant.
 
Appeler les gays à se confesser et mettre en évidence la nécessite de la prière « avec eux » est une chose : ne pas rappeler systématiquement ce que suppose une vraie confession en termes de rupture avec un style de vie le plus souvent ouvertement et violemment hostile à la morale et à la loi naturelle en est une autre…
 
Dans le livre, Tornielli pose au pape la question de savoir s’il existe une opposition entre la vérité et la miséricorde, ou entre la doctrine et la miséricorde. François répond : « Je dirai ceci : la miséricorde est réelle, elle est le premier attribut de Dieu. Les réflexions théologiques sur la doctrine et la miséricorde peuvent suivre, mais n’oublions pas que la miséricorde est doctrine. (…) J’aime à dire : la miséricorde est vraie. »
 
En insistant sur le fait qu’aucune situation humaine n’est si désespérée que Dieu ne soit prêt à en sortir celui qui s’y est enlisé, le pape semble pourtant condamner définitivement ceux qui présentent le cas de la justice et rappellent la doctrine de l’Eglise sur le péché et ses divers degrés de gravité : François rejette ainsi une « adhésion formelle aux règles et aux schémas mentaux » et revient à ses images sur les « périphéries », l’Eglise « hôpital de campagne » et le reste.
 
Le plus en vue des vaticanistes américains, John Allen, a quant à lui été frappé de la manière dont le pape François cite davantage l’éphémère pape Jean-Paul Ier dont il semble vouloir se poser en héritier : le journaliste, qui n’a pas une réputation de conservatisme, affirme que François « ne sera jamais tout à fait “l’homme des centres historiques de la foi” ».
 

Le livre du pape François parle aussi des « divorcés remariés »

 
Le même John Allen rapporte que le pape raconte dans le livre de Tornielli une anecdote concernant le mari d’une de ses nièces : l’intéressé avait épousé la jeune fille avant que son précédent mariage ne fût déclaré nul par l’Eglise et il était ainsi empêché d’accéder à l’Eucharistie. « Le pape dit que le mari allait à l’Eglise tous les dimanches et disait au prêtre : “Je sais que vous ne pouvez m’absoudre mais j’ai péché, s’il vous plaît, bénissez-moi. » Le pape dit de lui qu’il est “religieusement mature”. On pourrait y voir une suggestion de ce que François serait enclin à encourager la compréhension, mais non nécessairement à modifier la discipline existante », écrit le vaticaniste.
 
Peut-être. Mais cette histoire pose le problème du repentir alors que l’homme en question a délibérément brûlé des étapes et ne semblait pas le regretter assez pour modifier sa situation. Elle comporte aussi une ambiguïté.
 
L’histoire de la nièce du pape, Maria Ines Narvaja, a en effet été rapportée de manière un peu différente par la presse. Celle-ci a raconté que son fiancé attendait une déclaration de nullité de son précédent mariage, déclaration qui devait tarder quatre ans. En annonçant à son oncle Jorge Bergoglio qu’elle voulait se marier civilement quand même (« Je suis déjà grande ! »), le futur pape lui aurait répondu : « C’est la meilleure nouvelle que tu m’aies donnée. »
 

Anne Dolhein