
Pour son coup d’essai, Richard Ferrand, nouveau président du Conseil constitutionnel, a réussi un coup de maître : il a présidé à la censure de près d’un tiers des articles de la loi d’orientation agricole largement votée par l’Assemblée et le Sénat après débat en commission paritaire à la suite de semaines de crise et de manifestations en 2024, après la dissolution et l’élection d’une nouvelle chambre des députés. Le Conseil constitutionnel avait été saisi par une démarche conjointe de La France Insoumise et des Ecologistes. La décision politique et idéologique d’une cour suprême auto-instituée s’est imposée face à la volonté du peuple clairement exprimée.
Une loi d’orientation agricole plébiscitée par les Français
La loi d’orientation agricole était censée répondre au malaise des agriculteurs et aux immenses difficultés de l’agriculture française face aux concurrences étrangères souvent déloyales et aux normes qui faussent la concurrence, souvent induites par la politique dite environnementale. Elle avait été votée définitivement le 20 février 2025, immédiatement déférée au Conseil constitutionnel par LFI et les écolos : les 9 sages ont donc rejeté complètement 14 articles et partiellement 3, dès le 20 mars. Certains écologistes sont satisfaits. Selon Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), « nos institutions républicaines restent capables de protéger les acquis en matière de préservation de la biodiversité ». Mais d’autres voudraient plus. Selon Générations Futures, ce qui reste du texte « verrouille notre agriculture dans un modèle qui ne permet pas de répondre aux enjeux du revenu et de la transition agroécologique ». Quant à la Coordination rurale, elle considère que « les promesses de l’hiver 2024 […] sont enterrées » et « suggère qu’un référendum d’initiative populaire pourrait débloquer cette situation ». Un espoir sans doute optimiste. La députée du Tarn-et-Garonne Marine Hamelet a estimé plus crûment : « La volonté du peuple a une fois de plus été bafouée. »
Un Conseil constitutionnel inspiré par l’Europe et les écolos
Le Conseil constitutionnel a justifié son rejet de dix articles sur les dix-sept censurés par le fait qu’ils constituent à son avis des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire que leur objet n’est pas suffisamment lié à la loi d’orientation agricole elle-même. L’argument pourrait séduire les juristes si, en l’occurrence, le Conseil constitutionnel ne laissait passer d’habitude de nombreux articles, et dans des lois importantes, qui sont des cavaliers législatifs. Ici, l’argument juridique n’est manifestement qu’un prétexte. Il en va de même pour tout le reste. La longue liste de considérants qui précède la décision du Conseil invoque sans beaucoup d’ordre la Charte de l’environnent, la Déclaration de 1789, sans qu’une discussion solide et précise des articles ne démontre en quoi ils lèseraient la Constitution. Le parti pris idéologique et politique est en permanence sensible. Il s’agit ni plus ni moins de ramener la France dans la doxa climatiste où Bruxelles entend la maintenir, contre la tentative de l’exécutif, poussé par la colère populaire, de l’en sortir. Un adversaire de la loi notait qu’elle serait « nécessairement contraire soit à la Charte de l’environnement, soit au droit de l’Union européenne », ce qui révèle bien les sources d’inspiration des sages.
Une censure idéologique et politique qui lèse l’équité
Deux points, deux principes, montrent l’acharnement politique du Conseil constitutionnel. Le premier est la censure de la disposition stipulant que les « normes réglementaires en matière d’agriculture ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu’elles sont spécialement motivées et évaluées avant leur adoption et qu’elles ne sont pas susceptibles d’engendrer une situation de concurrence déloyale ». C’est pourtant fondamental, conforme à l’équité, au principe de la libre concurrence, et c’est une grande partie du problème agricole actuel en France : la « surtransposition » des normes européennes, notamment en matière de produits phytosanitaires et de seuils pour les bâtiments d’élevage crée une concurrence déloyale. Mais cette sur transposition répond aux exigences du dogme environnementaliste et à la logique européiste. Les « sages » du Conseil constitutionnel, fidèles à l’idéologie qui les anime et à la politique qui les a nommés, ont donc prononcé la censure.
Quand Fabius justifiait l’usurpation du Conseil constitutionnel
Plus important encore, les Sages ont rejeté le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire », qui entendait ériger la souveraineté alimentaire au rang « d’intérêt fondamental de la Nation ». Cette notion se posait en miroir de celle, déjà consacrée, de non-régression environnementale, qui impose la nécessité d’améliorer en continu la protection de l’environnement en fonction de l’avancée des connaissances scientifiques et techniques. Le Conseil constitutionnel a estimé que la protection de l’environnement, inscrite dans la Constitution, a une valeur constitutionnelle, alors que la souveraineté alimentaire de la France, inscrite dans une simple loi, n’en a pas. Ici se manifeste clairement l’idéologie du Conseil constitutionnel et sa fonction de chien de garde politique. Laurent Fabius fut invité en décembre 2024 par l’Académie des Sciences morales et politiques à dresser un bilan de son action et de l’évolution du Conseil constitutionnel depuis sa fondation en 1958 par le général de Gaulle. Il a brossé l’histoire d’une usurpation tranquille et fière d’elle-même.
Le Conseil constitutionnel, chien de garde mondialiste contre les Français
Institué pour éviter les pressions politiciennes des « élites républicaines » contre la volonté populaire, le Conseil constitutionnel, de mini coup d’Etat en mini coup d’Etat s’est transformé en ce qu’il prétendait combattre : une cour suprême censurant les décisions du peuple. Les débats sur le referendum de 1962, la loi sur les associations de 1971 et les comptes de campagne 1995, maintenant accessibles en ligne, établissent que le Conseil constitutionnel, sous ses poses juridistes, est un organe idéologique et politique qui sert la révolution mondialiste anti-démocratique. Aujourd’hui en France, on inscrit dans la constitution tous les ukases de la révolution mondialiste, que le Conseil constitutionnel a pour mission de défendre contre la volonté du peuple. Tout le processus politique qui a mené à la loi est bafoué : longues manifestations soutenues par les Français, dissolution, élections européennes et législatives de 2024, entente du Sénat et de l’Assemblée à une forte majorité après la censure du gouvernement Barnier, tout est supprimé d’un coup. Les agriculteurs n’ont pas de chance : ils ne sont ni avorteurs ni avortés, ni climato-délirants, ils se bornent à produire notre nourriture, ils n’ont donc aucune chance d’être défendus contre la Cour Suprême.