L’Elysée a reçu une lettre d’un enfant de sept ans demandant à Emmanuel Macron « d’annuler tous les pesticides car il y a des bêtes sous la terre et ça les tue ». Le président a aussitôt répondu. Il était tenu de le faire : le cœur a étendu son monopole sur la communication politique.
Jacques – l’enfant de sept ans s’appelle Jacques – parlait aussi des « bêtes aériennes comme les abeilles » car, vivant à Vaux dans l’Allier, il possède un essaim, en remplacement d’un premier qui a disparu « sans doute à cause de ces fameux pesticides », selon l’AFP. Jacques a une conscience écologique fort développée, selon son père. Lorsque sa mère lui a expliqué que « le glyphosate n’a pas été évoqué dans le projet de loi agriculture et alimentation », ça lui a coupé l’appétit et l’a conduit à écrire à Emmanuel Macron.
La mère de l’enfant de sept ans lui a écrit un modèle de lettre
Sa maman a trouvé ça si mimi qu’elle lui a composé un modèle de lettre qu’il n’a plus eu qu’à recopier, mais elle assure qu’elle n’est pour rien dans le contenu. Les parents ont posté la lettre sur Facebook où elle a été likée 13.000 fois et partagée 70.000. Ils sont fiers que leur bambin partage leurs convictions et les exprime si bien, mais se disent « apolitiques ». Une cause juste défendue avec cœur triomphe. C’est aussi la certitude d’Emmanuel Macron, qui a répondu vite comme le souhaitait l’enfant, sans attendre cent sept ans. Il l’a remercié de sa lettre et de sa « détermination ». En tombant d’accord avec lui : « Tu as parfaitement raison, des abeilles, fourmis, taupes, vers de terre et beaucoup d’autres animaux, petits et gros, souffrent de l’utilisation de pesticides ». Pratiquement ça ne changera rien aux dispositions déjà prises. Macron promet d’agir pour que le glyphosate « ne soit plus utilisé d’ici trois ans ». Et il termine par une exhortation à la politique du cœur : « Continue à croire en tes idées ! Comme le dit ta maman, elles peuvent en effet changer le monde ».
Macron a le monopole du cœur et en même temps des pesticides
Cet exercice de communication à six mains, même s’il est un peu caricatural, et précisément parce qu’il l’est, montre que la politique est devenue le monopole de l’effusion sentimentale. Tout y est. Les études scientifiques produites ne montrent pas que le glyphosate soit globalement négatif par rapport aux substituts qu’on peut offrir. Mais Jacques s’est « décomposé » quand sa mère lui a dit qu’il n’était pas prévu de le supprimer : aussi Macron va-t-il « tout faire » pour l’interdire. Les « pesticides » sont un anglicisme fourre-tout où l’on confond volontairement fongicides, insecticides, bactéricides : grâce au diable Monsanto, dont le nom va disparaître, on apprend à l’enfant à ne pas distinguer, à ne pas penser, à réagir à la stimulation des affects. L’infantilité choisie par Macron ressemble à un blasphème, ou tout au moins à une imitation profane : laissez venir à moi les petits enfants. La prétention à l’apolitisme est une petite gâterie en plus, elle suggère que, débarrassé des étiquettes politiques, le cœur s’ouvre mieux à la vérité des enfants. Et le couplet final sur les idées qui changent le monde est un savoureux cocktail de cynisme et de niaiserie. Le monopole du cœur est le nouvel opium des peuples.