Macron, Merz, Georgescu : l’Union européenne illibérale

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Trois événements majeurs viennent de signaler le passage de l’Union européenne vers ce qu’on appelle en Occident la démocratie illibérale. D’abord l’engagement à marche forcée d’Emmanuel Macron pour imposer une défense commune à l’Union européenne sous prétexte de parer à la « menace russe », qui s’est traduit entre autres par sa proposition d’étendre le parapluie nucléaire national à l’Union européenne. Ensuite l’acceptation de principe de cette proposition par le vainqueur des législatives allemandes Friedrich Merz, alors qu’Olaf Scholz est encore chancelier et que lui-même n’a formé ni coalition ni programme de gouvernement. Enfin l’exclusion du candidat russophile Calin Georgescu de la prochaine élection présidentielle roumaine alors qu’il en était le favori selon les sondages et qu’il avait d’ailleurs remporté le premier tour de l’élection annulée en 2024. Quel que soit l’éventuel bien fondé de toutes ces décisions, elles ont été prises par les élites dirigeantes sans aucun mandat du peuple. Dans le langage qu’elles ont elles-mêmes forgé, on peut dire que les élites de l’Union européenne ont engagé celle-ci dans la voie illibérale.

 

Emmanuel Macron propose sa bombe à l’union européenne

A tout seigneur, tout honneur. Emmanuel Macron avait mis à la mode les Conseils de Défense pour appeler les Français à se mobiliser contre un coronavirus bénin, le covid-19, afin de les livrer au plus formidable exercice d’ingénierie sociale que le monde ait connu. Cette fois, il a redécouvert le mot patrie pour appeler les jeunes gens à la défendre et les porte-monnaies à s’ouvrir pour financer la défense européenne. Ainsi s’est-il confirmé que l’objectif principal de la guerre en Ukraine était de faire avancer la révolution mondialiste. Et pour solidariser plus vite le sous-ensemble continental qui va concourir à la gouvernance mondiale, il a offert à l’Union européenne de profiter du parapluie nucléaire français, avec la Grande Bretagne et l’Australie, dans le cadre d’une OTAN orpheline de Trump. Le tout sans consulter personne ni le moindre vote. Cette extension du parapluie français à l’Est est un dada des centristes européistes : Giscard d’Estaing en son temps avait envisagé une première tentative analogue avec son copain allemand le chancelier Schmidt. On découvre au passage un petit bijou dialectique : c’est la menace et l’incertitude causées par les « nationalistes » Trump et Poutine, eux-mêmes accusés de pratiquer une démocratie illibérale, qui permet à Macron de faire cette ouverture européiste et illibérale.

 

Merz champion illébéral : sans coalition il parle en chancelier

Quant à Friederich Merz, c’est sans doute le dirigeant illibéral le plus décidé aujourd’hui sur la scène européenne. Alors qu’Olaf Scholz est encore en poste à la chancellerie allemande, on le voit non seulement paraître à toutes les réunions internationales de chefs d’Etat ou de gouvernement, mais aussi parler en maître du destin de l’Allemagne. Tirer un parallèle avec Donald Trump entre l’élection de novembre et l’intronisation de janvier serait fallacieux : dans l’usage américain, le nouvel élu est le président désigné par le peuple et les grands électeurs, il jouit d’une légitimité sans ambiguïté. Ce n’est pas le cas de Merz dans le système allemand : il n’est que le représentant du parti arrivé en tête. Non seulement il n’a ni gouvernement ni programme, mais il n’a pas passé de véritable accord de coalition avec ses partenaires. On sait seulement qu’il a refusé de gouverner avec l’AfD et qu’il va devoir s’allier avec les socialistes et peut-être les Verts dans un attelage dont le peuple allemand a crié bien fort qu’il n’en voulait plus. Tel est le comble de la provocation illlibérale.

 

En vrai James Bond, Merz change la souveraineté française et le destin de l’Europe

Pour couronner le tout, sous prétexte que « le monde n’attend pas » (l’homme se prend pour James Bond, il mélange Le monde ne suffit pas et Mourir peut attendre), il se dit intéressé par le parapluie offert par Macron. « Nous devons simplement devenir plus forts ensemble en matière de dissuasion nucléaire en Europe », a-t-il déclaré dans une interview à la radio Deutschlandfunk : « La situation mondiale, et notamment les problématiques actuelles en termes de sécurité, nécessitent désormais que nous, Européens, discutions ensemble de cette question. » Il a ajouté que la Grande-Bretagne, l’autre puissance nucléaire d’Europe occidentale, devrait se joindre aux discussions. En deux phrases, voilà la souveraineté de la France modifiée et le Royaume Uni réintégré dans le jeu, au mépris de la volonté des Britanniques exprimée dans le Brexit. Et c’est un futur dirigeant pressenti allemand sans majorité qui engage ainsi l’avenir de son pays et de l’Union européenne : plus illibéral, tu meurs !

 

L’Union européenne illibérale au quotidien contre Georgescu

Reste l’affaire Georgescu. RITV a émis ici-même de fortes réserves sur ce candidat, il n’est donc pas question d’en faire le héros du peuple roumain dont certains font le portrait rêvé. Il n’en reste pas moins qu’il est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle de 2024. L’annulation de celle-ci, qu’on peut à la rigueur justifier par l’urgence et par le soupçon d’ingérence russe, n’est en tout cas pas un modèle de démocratie libérale. Quant à son exclusion de la nouvelle élection présidentielle, on tombe dans l’ubuesque. Elle a été décidée par une commission électorale non élue et sans autorité. Il n’a pas été jugé régulièrement par une juridiction compétente sur des charges vérifiées. Que l’on juge qu’il ferait un mauvais président pour la Roumanie est une chose, qu’on l’écarte arbitrairement en est une autre. Voilà de quoi en faire un martyr aux yeux de ses partisans et préparer de futures turbulences. L’Union européenne sort du fonctionnement ordinaire de la démocratie libérale pour entrer non seulement dans une économie de guerre, dans la construction d’une armée européenne, mais aussi dans une pratique illibérale quotidienne du gouvernement. Il ne faut pas oublier que la révolution arc-en-ciel est un totalitarisme. Il semble que celui-ci soit en train de prendre ses aises.

 

Pauline Mille