Comme beaucoup de présidents depuis Mitterrand voilà quarante ans et Sarkozy en 2007, Emmanuel Macron s’est rendu au Mont-Saint-Michel, à l’occasion du millénaire de celui-ci, pour tenter de rassembler les Français autour de lui. Une tentative de sortir par le haut de la longue série de déboires et de conflits qu’il traîne depuis plusieurs mois. Un savant dosage politique pour tenter de récupérer le public traditionaliste après les attaques d’Elisabeth Borne contre le RN « héritier de Pétain ». En tout cas, une mission très difficile, voire impossible, devant l’aversion persistante des manifestants contre la réforme des retraites. Symbole religieux pour symbole religieux, il serait peut-être plus approprié de prier sainte Rita, patronne des cas désespérés.
Le Mont-Saint-Michel, symbole de la construction de la France
Alors que le paysage politique français ressemble à un champ de ruines, avec une rue qui entre dans son cinquième mois d’effervescence, une opposition qui multiplie les artifices à l’Assemblée pour faire durer la contestation d’une loi dont les décrets d’application sont déjà parus, et un gouvernement qui utilise tous les moyens légaux pour ne pas écouter, Emmanuel Macron a voulu se situer résolument ailleurs. Il a survolé l’Histoire avec un grand H dans un style ampoulé à souhait : le Mont-Saint-Michel « porte l’histoire de la construction de notre pays. (…) Oui nous avons su toujours nous monter bâtisseurs en maîtrisant le temps, l’espace, les éléments ».
Comment Emmanuel Macron tente de récupérer le sacré
Et d’appeler les Français « à l’esprit de résistance » face aux « grandes transitions » qui se dessinent, sans céder aux mauvaises inspirations, « déclinisme, peur, angoisse ou confrontation ». Tenant le rôle de jongleur centriste qui lui est cher, Emmanuel Macron a renvoyé dos-à-dos les extrêmes : « On voudrait nous faire choisir entre une prétendue identité française figée et nostalgique et une modernité qui exigerait l’effacement de pans entiers de notre passé. » Et il a tenté par avance de mettre un terme à l’agitation causée par la réforme des retraites : « Maintenant le pays doit aussi continuer d’avancer », a-t-il lancé, tout en se félicitant que les « choses sont plus calmes qu’elles ne l’ont été ».
Sainte Rita ne se soucie pas d’un comédien
Sera-t-il entendu ? Déjà, on se félicitait à l’Elysée que, pour une fois, nul concert de casserole n’ait accueilli le chef de l’Etat au Mont-Saint-Michel. Sans doute le caractère sacré du lieu y est-il pour quelque chose, et les fouilles organisées par la police aussi. Mais Emmanuel Macron aurait tort de se croire tiré d’affaire, comme le lui laissent croire aussi deux sondages qui mesurent un léger rebond de sa cote de popularité. Les Français semblent nourrir à son endroit une aversion durable qu’il a tout fait pour susciter et entretenir. C’est pourquoi l’emphase de son discours de rassemblement fait sourire après des mois d’une stratégie délibérée de la tension. Si le désir profond d’Emmanuel Macron était d’apaiser la situation et de recueillir l’amour des Français, on lui conseillerait de prier sainte Rita. Mais nous constatons depuis des mois qu’il vise au contraire à faire une diversion bruyante à la révolution mondialiste en cours.