Macron fait ses premiers pas : les châteaux de sable de Veolia sur la plage de La Baule

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(Requin échoué sur la plage de La Baule en 2013)

 
Pendant que les médias possédés par les amis de Macron voient ses premiers pas de président avec les yeux de Chimène, Veolia vient d’obtenir en concession la plage de La Baule. Peu importe le premier ministre, les châteaux de sable deviennent sources de profit privés.
 
L’interminable attente du premier ministre de Macron me rappelle ces longues vacances à ratisser les coques et faire des châteaux de sable. Grand père avait une petite villa avenue Jeanne d’Arc et nous traînions nos pelles vers la plage Benoît avec mon cousin Jean-Louis en passant devant l’Hermitage, dans le début des années soixante. Puis Olivier Guichard, que ses amis du RPR surnommaient le grand méchant mou, devint maire de La Baule et livra le front de mer aux promoteurs : on sait ce que c’est que le gaullisme immobilier, il faut bien vivre, le béton a ses lettres de noblesse.
 

Sous la plage de La Baule, Veolia, plus important qu’un premier ministre

 
Aujourd’hui Véolia vient d’obtenir en concession la plage de La Baule au moment où Emmanuel Macron prend le pouvoir, et cette coïncidence est un symbole. Bien plus fort que le nom du nouveau premier ministre. Jadis on allait à Tolède pour en rapporter des épées, on cherchait des fruits jusqu’en Chine pour les vendre, il fallait faire rêver le client pour lui prendre ses pépètes, aujourd’hui cela n’est plus nécessaire : les commerçants qui sont devenus grands féodaux s’y entendent mieux encore que l’Etat pour nous tondre la laine sur le dos, il leur suffit de nous vendre l’eau que nous buvons et le sable dont nous construisons nos châteaux forts.
 
L’Etat y prête d’ailleurs la main : c’est la préfecture de Loire Atlantique qui a donné la plage de la Baule en concession à Veolia pour douze ans. Les 5,4 kilomètres de plage avec ses 35 établissements, restaurants, clubs de loisirs, école de voile lui sont concédés contre une redevance annuelle de 150.000 euros.
 

L’Etat et ses châteaux de sable durables

 
L’Etat, bien sûr, dans une attitude très Macron, n’a que des bonnes intention. A la suite de la tempête de 2014 qui a ravagé la plage, il a pris un arrêté de catastrophe naturelle qui a permis d’indemniser les établissements concernés, à condition qu’ils soient désormais démontable et ne prennent pas trop de place sur la plage. Super. Mais, dans la foulée, la mairie de la Baule s’est défilée, elle a refusé la délégation de service public : prétextant sa « lourdeur administrative », elle refuse d’exploiter la plage et en confie la concession à Véolia. Aussitôt les 35 établissements avec leurs 50 permanents, leurs 500 saisonniers et leurs 8 millions et demi de chiffre d’affaire déclaré hurlent au scandale : Véolia va les écorcher vifs, les loyers vont doubler, tripler, etc. A l’inverse Véolia rassure son monde, sauf cas particulier, la redevance demandée au commerce ne devrait même pas doubler, et l’ambition est de « faire de la plage de la Baule une plage durable ».
 

Les premiers pas de Veolia sur la plage

 
Mais tout cela n’est que du vent pour masquer les deux vraies questions. Nicolas Appert, l’un des restaurateurs, a soulevé la première : « Dans les appels d’offre, Véolia nous demande d’intégrer des lots de dimension plus importante, avec des structures qui vont quasiment jusqu’à l’eau, doublant les espaces de plage privatifs ». C’est-à-dire que la solution trouvée amène à l’inverse du souhait exprimé par l’Etat – un Etat en l’occurrence ou Tartuffe ou impuissant. Or la plage, et, sur l’Atlantique, tout l’estran, c’est-à-dire l’espace situé entre les limites extrêmes des hautes mers et basses mers, espace éminemment variable avec l’érosion, est un domaine stratégique, éminemment public, qui relève de la seule et stricte autorité de l’Etat, garant de l’intérêt national. Laisser une entreprise privée y bâtir des châteaux en Espagne est une grave démission. Déjà, laisser proliférer des bistrotiers par l’effet d’une coupable complaisance était une faute ; laisser la ville de La Baule officialiser la chose dans le cadre d’un contrat de concession revient à un véritable renoncement.
 

Macron Uber Alles : Macron ubérise toute la société

 
Ce renoncement est d’autant plus coupable que les Français sont très vivement attaché au caractère public de la côte, on l’a vu lorsque le roi d’Arabie saoudite avait tenté à l’été 2015 de privatiser la plage de Mirandole au pied la villa où il résidait, empêchant promeneurs et baigneurs d’y passer : une pétition en ligne avait recueilli 150.000 signatures en quelque jours.
 
Mais, à voir l’exemple de La Baule, on peut se demander si les Français ne sont pas en train de bâtir des châteaux forts contre une marée qui monte inexorablement, celle du démantèlement de la souveraineté de l’Etat dont Emmanuel Macron est le symbole et l’instrument. Sa devise serait Macron Uber Alles, ce qui peut se traduire librement par : Macron ubérise toute la société. La deuxième caractéristique du contrat de concession c’est qu’il mène en fait tous les artisans et commerçants de la plage à devenir des « franchisés de Véolia ». L’Etat et les villes afferment la France à d’immenses multinationales qui la donnent à leur tour en fermage par petits morceaux. C’est à la fois une marchandisation, un abandon de pouvoir, et abandon corrélatif de la protection due aux citoyens. On sourirait bien sûr d’utiliser le mot de haute trahison pour une affaire de châteaux de sable, c’est pourtant celui qui convient.
 

Pauline Mille