Magellan chassé du ciel par des astronomes arc-en-ciel ?

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Tout le monde se souvient de Fernand de Magellan, navigateur portugais qui lança au service de Charles Quint, roi d’Espagne et empereur d’Allemagne, le premier tour du monde. Il ne finit pas lui-même, mais lors de ce périple fut découvert, entre autres, le détroit de Magellan. Le nom de cet explorateur a été donné à une foule de découvertes scientifiques, notamment dans le ciel, mais des astronomes américains veulent les faire débaptiser sous un prétexte moral, selon les critères politiques de la révolution arc-en-ciel : Magellan serait à les en croire un féroce « colonisateur, esclavagiste et meurtrier » à effacer de la mémoire humaine. Il ne faut pas rire d’une telle vision de l’histoire, car elle trouve un écho sympathique à la NASA.

 

Nuages de Magellan, hêtre de Magellan, manchot de Magellan

Les admirateurs de la Voie lactée qui ont la chance de vivre au-dessous de l’Equateur peuvent voir à l’œil nu quand le ciel est clair les fameux « nuages de Magellan », deux galaxies naines que relie le courant magellanique formé surtout d’hydrogène. Les astronomes ont aussi nommé en l’honneur du portugais un astéroïde, deux télescopes optiques au Chili, un projet de télescope géant qui doit entrer en fonction en 2029 aux Etats-Unis, et bien sûr la sonde spatiale Magellan lancée en 1989 vers Vénus. D’autres sciences ont été plus généreuses encore. La botanique, avec la cannelle, le fuchsia, le groseiller, la sphaigne et le hêtre de Magellan, fréquent en Patagonie. Et la zoologie, avec la bécassine, le chardonneret, la cornure, le pic, le manchot, la pluvianelle et le cormoran de Magellan, parmi d’autres oiseaux, et le loup de Magellan, ou renard de Magellan, canidé de l’Argentine et du Chili.

 

Chassez du ciel un nom que je ne saurais voir

Et c’est d’ailleurs du Chili que vient aujourd’hui la contestation arc-en-ciel. Mia de los Reyes est professeur assistant d’astronomie au Collège Amherst, dans le Massassuchets, mais elle habite ordinairement au Chili, qu’elle peint en « pays marqué par une violente conquête espagnole ». Pour elle les « découvertes » de Magellan ont « mené aux campagnes de génocide du peuple autochtone des Mapuche », voilà pourquoi aucun « objet astronomique » ne devrait prendre le nom de « Magellan ni personne d’autre portant un héritage de colonialisme violent ». Elle a écrit dans le Journal de la société américaine de physique que « la beauté de ces objets stellaires est obnubilé par leur nom » et très logiquement demandé que les télescopes Magellan soient eux aussi débaptisés.

 

L’arc-en-ciel populaire à l’université, astronomes compris

Magellan étant mort d’une flèche empoisonnée aux Philippines durant son voyage n’a matériellement pas eu le temps de se rendre coupable de tout ce dont cette dame l’accuse, en aurait-il eu l’intention, et l’écoulement du temps rend en outre tout cela complètement anachronique. Il n’empêche qu’il existe un courant de pensée, non pas marginal du tout, mais au contraire bien implanté dans les milieux universitaires, scientifiques et administratifs et c’est pourquoi le mot arc-en-ciel est mieux approprié que « woke ». Voilà trois ans, la NASA s’est ainsi penchée sur la dénomination des objets stellaires « du point de vue de l’engagement pour la diversité, l’équité et l’inclusion ».

 

La révolution arc-en-ciel promeut un homme nouveau, tant pis pour Magellan

C’est ainsi que la nébuleuse de planètes NGC2392 a perdu son nom vulgaire de « Nébuleuse eskimo », de même qu’un couple de galaxies spirales dans l’amas de galaxies de la Vierge ne s’appelle plus « Galaxie des sœurs siamoises ». Thomas Zurbuchen, alors administrateur associé à la direction de la mission scientifique de la NASA s’en était expliqué sans ambiguïté : « Notre but est que toutes les dénominations s’alignent sur nos valeurs de diversité et d’inclusion, et nous allons y veiller activement avec la communauté scientifique pour y arriver. » Ce qu’on nomme très improprement wokisme est un processus révolutionnaire qui vise à établir un homme nouveau dans un monde nouveau marqué d’une spiritualité nouvelle, ouverte, sans frontière aucune, arc-en-ciel. Et cela concerne tout ce qui est humain, science comprise. Tant pis pour Magellan.

 

Pauline Mille