“Malaise de l’Occident” – Le libéralisme, pour Paul-François Paoli : une hydre à deux têtes

Malaise de l Occident Paul-Francois Paoli
 
La Révolution sera conservatrice ou ne sera pas. Paul-François Paoli, chroniqueur au Figaro littéraire et auteur de plusieurs essais, a publié en mai dernier, Malaise de l’Occident, ouvrage métapolitique qui démonte avec talent, en trois points, la prétention universaliste du libéralisme. Son objectif : épargner à l’Europe « le déclin civilisationnel ».
 

L’ignorance historique de l’Occident

 
La mémoire des Français a été occupée. La gauche s’est généreusement octroyée le passé « glorieux » du pays, du sillon des Lumières aux idéaux de la Résistance. Non, en dépit du discours « correct », le combat de la France libre n’a pas été celui de la défense des « valeurs de la République » contre la réaction conservatrice, défend Paoli. Tous avaient dit oui à Pétain – et la plupart des grands Résistants partageaient ses idées. De Gaulle n’a fait que rassembler ce patriotisme dépourvu d’idéologie, dans une France faiblement mobilisée dont le sentiment était avant tout antibolchévique.
 
La gauche joue sur cette profonde ignorance historique française et en profite pour laisser Maurras croupir dans une eau qu’elle dit saumâtre… Aujourd’hui, on colle à « l’extrême droite » les péchés mortels de l’antisémitisme et du racisme. Que les communistes se revoient, il y a dix décennies ! La méthode est soignée, et son efficacité à l’inverse de sa probité. Ainsi règne la gauche et son « universalisme idéologique ». Il nous plaira néanmoins de rappeler que de Gaulle à qui l’auteur admet vouer une « admiration inconditionnelle », ce général « conservateur », n’a pas hésité en son temps à donner à Malraux le ministère de la Culture, contrôle essentiel des futurs cerveaux politiques…
 

Le libéralisme : une hydre à deux têtes, l’une à droite, l’autre à gauche ?

 
Une hydre a envahi le monde politique : le libéralisme. Rien ne différencie plus les « républicains-libéraux » des « sociaux-démocrates » qui en sont les deux têtes, dans leur unique croyance aux grands schémas progressistes de la modernité… Que le libéralisme soit pour les uns seulement économique ou pour les autres seulement culturel, tôt ou tard, il est l’un et l’autre, l’un plus l’autre. Le vrai clivage n’est plus tant entre droite et gauche – la première ne pensant plus qu’à l’aune de la seconde- qu’« entre conservatisme et libéralisme ».
 
Libérer l’individu de toutes les traditions et lui donner à l’excès des droits : c’est la clé de sa dignité et de son bonheur – ou plutôt de sa misère. « La grande conquête de la Révolution est d’ordre anthropologique » nous dit Paoli. La culture du narcissisme a détourné l’homme de ses responsabilités et de ses devoirs. Il cite, à propos, le « senorito satisfait » d’Ortega y Gasset, l’homme qui, en tout, s’affirme comme un « ayant droit »… Quid, alors, des « valeurs morales » de la République ?! Leur défaite est telle que s’étale partout « le relativisme esthétique et moral qui nie les distinctions entre le noble et le vil, le haut et le bas, l’excellent et le médiocre ». Même l’amour a été désacralisé et le Père mis à mort dans un féminisme outrancier. Et les paradoxes ne les gênent nullement.
 

« La maladie dont souffre l’Europe est spirituelle » Paul-François Paoli

 
On a balayé la transcendance et donc la réalité du monde dans sa dépendance à celui d’en haut. Les valeurs prétendues de la théologie des Droits de l’Homme ne sont que pâles copies sans Dieu des vérités chrétiennes et donc coquilles vides. Le véritable humanisme est catholique. La dignité de l’homme se concentre dans sa ressemblance à son divin Créateur, de là notre égalité et cette éminente charité qui doit nous unir : « sans un minimum d’amour de l’autre, le quiconque, toutes les morales du devoir ne peuvent qu’échouer. »
 
L’homme, ainsi, se préserve de lui-même. Et de ce « Mal » nié par la gauche : la plus grande ruse du démon est de faire croire qu’il n’existe pas… Oui, pour Paul-François Paoli, la tradition catholique est la plus à même de répondre aux impasses de la post modernité. « Les religions politiques sont mortes. Les grandes confrontations seront religieuses, culturelles, identitaires ». Le prisme déformant du libéralisme se fissure, mis à mal par le réveil de la droite dite bien élevée, l’envahissement de l’islam… Mais est-ce bien la fin du « gauchisme culturel » comme l’annonçait le sociologue Jean-Pierre Le Goff dont Paoli reprend la thèse ? L’avenir le dira.
 
Marie Piloquet
 
Malaise de l’Occident : vers une révolution conservatrice ? Paul-François Paoli, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 303 pages