Malthusianisme : l’expansion démographique de l’Afrique entraîne de nouveaux appels au contrôle des populations

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Un récent article du Washington Post prône une nouvelle discussion éthique sur les moyens de contrôler les populations dans les pays où l’expansion démographique est toujours à l’ordre du jour, notamment l’Afrique où « 26 pays vont au moins doubler leur population actuelle d’ici à 2050 », voire être multipliés par cinq d’ici à 2100( en Angola, au Burundi, au Niger, en Somalie, en Tanzanie et en Zambie, selon des projections). Le malthusianisme a besoin d’être présenté autrement, annonce en substance la tribune de Frances Kissling, Jotham Musinguzi et Peter Singer.
 
Mme Kissling est la présidente du Center for Health, Ethics and Social Policy, un centre de recherches non confessionnel sous forme associative affilié à l’université de Cornell. Jotham Musinguzi occupe un poste de pouvoir : il est directeur général du Conseil national de la population de l’Ouganda. Quant à Peter Singer, militant « antispéciste » pour les droits des animaux et la bestialité et partisan de l’infanticide pour les nouveau-nés défectueux, il est professeur de bioéthique à l’université de Princeton.
 

Le malthusianisme explicite est de retour

 
Les trois auteurs se réfèrent aux annonces alarmistes de Paul Ehrlich qui prévoyait il y a 50 ans un doublement de la population mondiale en l’espace de 35 ans, accompagné de catastrophes, de famines, d’éradication totale de plusieurs pays. Ses prévisions « se sont révélées extrêmes » – en effet, alors que la population mondiale a fortement augmenté, la nourriture disponible a augmenté plus vite encore, chose que les auteurs se gardent de rappeler – mais ce n’est pas l’inexactitude de ses prédictions qui fait l’objet de leur critique : au contraire, ils estiment qu’il faut en tenir compte pour les années à venir.
 
Ils lui reprochent cependant des préconisations qui ont quasiment rendu « radioactive toute discussion à propos de la population ». Ehrlich proposait en effet des mesures coercitives si le planning familial volontaire ne suffisait pas pour contenir la croissance démographique, notamment par le refus de l’aide alimentaire à certains pays. Kissling, Musinguzi et Singer rappellent la politique de l’enfant unique en Chine et osent affirmer que ce sont les dénonciations féministes des avortements forcés qui étaient en première ligne pour obtenir qu’il y soit mis fin – alors que la mobilisation était principalement celle des défenseurs de la vie, et que la politique coercitive reste à l’ordre du jour en Chine ; ils rendent même largement responsables les féministes du « tabou » sur le contrôle de la population dans la mesure où elles ont favorisé « le soutien à la santé et aux droits reproductifs ».
 

Combattre l’expansion démographique en Afrique par le planning familial

 
Mais les temps ont changé. « Aussi bien les féministes que les partisans de la stabilisation de la population sont aujourd’hui d’accord pour dire que la fourniture de services de santé reproductive aux femmes est avant tout un droit en soi, en même temps que cela constitue la manière la meilleure et la plus éthique pour ralentir la croissance de la population », assurent Kissling, Musinguzi et Singer.
 
Le tabou est toujours là, selon eux. Ils dénoncent notamment l’absence de la prise en compte de la question de la croissance démographique dans les Objectifs du développement durable de l’ONU pour 2030 – à tort, puisque l’ODD 3 vise explicitement « l’accès de tous à des services de soins de santé sexuelle et procréative, y compris à des fins de planification familiale, d’information et d’éducation, et la prise en compte de la santé procréative dans les stratégies et programmes nationaux ». Il n’est certes pas question de maîtrise de la population mondiale, mais la tribune publiée par le Washington Post fournit tous les arguments pour comprendre que tel est l’objectif réel, tant elle fait le lien entre l’accès à la planification familiale et la réduction « volontaire » du nombre de naissances.
 
Cet accès signifie « qu’il y a moins de risque de voir des pays pauvres introduire ou se voir contraints d’introduire des programmes draconiens de contrôle de la population », écrivent les auteurs, ajoutant : « Aujourd’hui, nous devrions être capables d’aborder en toute sécurité les problèmes potentiels de la croissance de la population et les manières éthiques d’y apporter une solution. »
 

Une tribune du “Washington Post” appelle à un nouveau malthusianisme

 
Pour leur part, Kissling, Musinguzi et Singer estiment que Melinda Gates a montré une des manières d’agir en rendant la contraception accessible à 214 millions de femmes qui en étaient privées ; ils prônent également l’accès à la pilule du lendemain et à l’avortement « sûr et légal ». « Les électeurs d’Irlande ont clairement indiqué qu’il juge contraire à l’éthique de limiter les droits reproductifs pour tous en raison des croyances religieuses de quelques-uns, et nous sommes d’accord », ajoutent-ils.
 
Une autre « solution », selon les auteurs, serait de faciliter l’entrée sur le marché du travail des femmes grâce à leur contrôle volontaire de leur fertilité, meilleur moyen selon eux pour que les pays fortement peuplés d’Afrique puissent profiter économiquement de leur « dividende démographique » : la situation ou une population nombreuse mais ayant peu d’enfants dispose d’une force de travail importante sans avoir à prendre soin des petits (et tant pis pour le vieillissement de la population que cela entraîne, et les abondants problèmes ultérieurs tels que les connaît aujourd’hui la Chine).
 

Jeanne Smits