Des éléments des flottes de Russie et de Chine sont engagés dans des manœuvres navales communes dans la province de Guandong, en mer de Chine méridionale, juste après l’arbitrage de la Cour de la Haye donnant tort à la Chine qui revendique les îles Paracelse et Spratleys : il s’agit pour la Chine et la Russie de contrer les USA qui entendent imposer dans la région la « liberté de navigation ».
Les manœuvres navales communes Russie-Chine ont commencé hier pour six jours en mer de Chine méridionale, une des zones les plus chaudes de la planète puisque s’y trouvent des groupes d’îlots, les Paracelse et les Spratleys, que revendiquent à la fois la Chine et le Vietnam et qui recèlent d’importants gisements de pétrole. La Russie aligne trois navires de surface, deux transports d’approvisionnement, deux hélicoptères, des commandos de marine, des unités amphibie, la Chine dix bâtiments, dont des destroyers, des frégates, des sous-marins et des chalands de débarquement. Les manœuvres navales communes, qui doivent tester la capacité d’utiliser conjointement les forces aériennes, les opérations anti-sous-marins, les opérations de recherche et de sauvetage, ont également prévu un exercice de débarquement et d’attaque d’îles. Ce dernier point n’est pas sans signification politique.
Contrer les USA, l’objectif de la Chine et de la Russie
Au mois de juillet en effet, la Cour internationale de la Haye, qui tranche notamment les litiges internationaux en matière de délimitation des territoires, a rejeté la revendication de la Chine sur les îles Spratleys et Paracelse. Et les USA en ont profité pour inviter l’Australie et le Japon à des patrouilles dans la région afin d’y assurer la « liberté de navigation » conformément aux décisions de droit international. C’est pourquoi les manœuvres navales communes entre la Chine et la Russie apparaissent-elles comme une réponse du berger à la bergère. L’impérialisme chinois entend contrer l’impérialisme américain, bien que le communiqué de Pékin précise que les manœuvres navales communes ne sont « pas dirigées contre un quelconque tiers parti ».
Comme si cela ne suffisait pas, la Chine a envoyé le douze septembre une escadrille de H6K, ses bombardiers nucléaires, escortés de Su-30MKK à travers le canal de Bashi entre les Philippines et Taïwan vers le Pacifique occidental pour « accroître sa capacité de défendre sa souveraineté nationale, sa sécurité nationale, la paix et le développement ».
Pour « accroître la paix et le développement », ces avions ont ostensiblement franchi la ligne de démarcation que ne dépassaient pas les avions de la Chine populaire depuis sa fondation et la création de la république de Taïwan (Chine nationaliste). Symboliquement, ils peuvent désormais atteindre des îles telles que Palau, Guam où les USA conservent une base importante, ou le Japon. On ne s’étonne pas dans ces conditions du récent rapprochement entre les USA et l’ancienne alliée stratégie que la Russie, l’Inde. Rapprochement qui inclut l’usage réciproque de bases navales, et des manœuvres terrestres communes dont le nom de code est Yud Abhyas. Elles commencent demain et dureront deux semaines. Sans doute sont elles limitées (les USA n’enverront que 225 hommes d’élite) et ne sont-elles pas les premières (ce sont même les douzièmes), mais le fait exceptionnel est qu’elles se déroulent à la frontière entre l’Inde et la Chine. Pékin a reçu le message.
Des manœuvres navales communes à une intégration mondiale des armées ?
Derrière ces provocations réciproques, ces revendications diplomatiques, et ces démonstrations de force se dessine un mouvement général d’intégration des moyens militaires au niveau mondial. D’anciens ennemis deviennent partenaire et partagent à la fois tactique et technologie. Le patron des manœuvres navales communes Russe-Chine, côté chinois, l’amiral Wang Hai, chef d’état major adjoint de la flotte chinoise, a noté que cet exercice célébrait le vingtième anniversaire d’une « coopération stratégique entre les deux pays ». Le porte parole du ministère de la défense de Chine, Liang, a déclaré que ces manœuvres manifestaient une coopération « en profondeur » entre les marines des deux pays, incluant la mise en commun des systèmes d’information et de commandement, précisant que ce système peut « recevoir, envoyer et partager toute information en provenance de toute poste de commandement et de combat à tous les niveaux. » Les procédures administratives et les processus de commandement des deux flottes seront standardisées pour mieux permettre la coordination des flottes « à un haut niveau ». Bien que la Russie et la Chine se présentent plus comme des partenaires que des alliés, cela dessine pratiquement une coopération durable, dans le détail, de leurs forces militaires – au moins navales.