Marisol Touraine facilite le don de gamètes en l’ouvrant aux personnes sans enfant

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Le ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Marisol Touraine, a cosigné avec Manuel Valls le décret relatif au don de gamètes qui vient compléter les lois bioéthiques révisées, en élargissant la faculté du don aux « femmes et hommes n’ayant pas encore procréé ». Il s’agit de la mise en application de la loi du 7 juillet 2011 – adoptée, on s’en souvient, sous la présidence de Nicolas Sarkozy malgré une belle fronde d’élus de la majorité – en fixant les modalités du don, de la conservation et de la mise en réserve des cellules procréatrices pour les donneurs eux-mêmes.
 
Marisol Touraine a commenté le décret dans un entretien donné à Ouest-France en indiquant clairement que l’objectif est de répondre à la pénurie de gamètes : « La France manque de dons, surtout d’ovocytes, pour répondre aux attentes des couples infertiles qui souhaitent s’engager dans une démarche de procréation médicalement assistée. Cette année, il nous faudrait 1.200 donneurs : 900 femmes, 300 hommes, or nous n’avons que 450 dons d’ovocytes et 260 de spermatozoïdes », a-t-elle indiqué.
 
Les statistiques publiées en 2013 par l’INSERM montrent que la grande majorité des procréations médicalement assistées (PMA) sont réalisées avec les spermatozoïdes et les ovocytes des conjoints. En 2010, sur 22.401 enfants nés par le biais d’une technique de PMA (insémination artificielle entre conjoints, conception in vitro ou FIV) 5 % ont été conçus grâce à des spermatozoïdes de donneur et 0,8 % à la suite d’un don d’ovocytes, soit 1.120 et 179 naissances respectivement. Il ne s’agit là que des tentatives ayant réussi : on sait que la fécondation in vitro aboutit souvent à des échecs, c’est-à-dire à la destruction des embryons.
 

Marisol Touraine veut augmenter le nombre de dons de gamètes

 
Par ailleurs ces mêmes statistiques faisaient état de 175.000 embryons stockés dans ce que le Pr Lejeune appelait « l’enceinte concentrationnaire » : autant de petites vies suspendues entre la vie et la mort. Et qui peuvent, avec le consentement de leurs « propriétaires », être donnés à des couples infertiles. En pratique, ces dons-adoptions sont des plus marginales. On préfère continuer à « produire »…
 
On peut supposer que le nombre de demandes de PMA croît, mais quelles que soient les statistiques actuelles ? il est clair que Mme Touraine et Manuel Valls veulent voir augmenter le nombre de naissances avec donneur étranger au couple.
 
Marisol Touraine assure dans son entretien avec Ouest-France que toutes les garanties existent pour que les dons de personnes n’ayant pas elles-mêmes eu d’enfants se passent le mieux du monde. Le don, ouvert aux célibataires comme aux personnes en couple, est toujours précédé d’un recueil de consentement qui implique l’éventuel partenaire et qui est conditionné par un « entretien » avec le donneur d’une part, et son partenaire, le cas échéant, d’autre part, avec « les membres de l’équipe médicale pluridisciplinaire ».
 
C’est une réunion d’information à la fois sur la filiation, la conservation des données « anonymisées » des donneurs, et pour les donneuses, sur les « risques » et les « contraintes » liées au prélèvement d’ovules. C’est peu de le dire. La stimulation ovarienne est une procédure lourde, pénible, et qui a par le passé eu des effets secondaires importants et parfois dramatiques.
 

Les personnes sans enfants pourront donner spermatozoïdes et ovocytes : en leur ouvrant le don, Touraine leur permet de conserver des gamètes

 
Pour les personnes n’ayant jamais procréé, il est exigé « un ou plusieurs entretiens avec un médecin qualifié en psychiatrie ou un psychologue ». Mais il n’est pas question de feu vert de ces derniers. Ils sont censés identifier « l’existence éventuelle d’une pression exercée » sur le donneur.
 
Si la valeur du don à des couples infertiles est évidemment mis en avant, le décret prévoit expressément la possibilité pour les donneurs sans enfant de conserver pour leur propre usage – une PMA qu’ils viendraient à demander ultérieurement – une partie des gamètes récoltés. Cela s’inscrit dans la tendance actuelle, encore balbutiante, à encourager les femmes et dans une moindre mesure les hommes à prélever leurs gamètes à l’âge de la plus grande fertilité pour pouvoir en profiter au moment où ils auront envie de procréer. Une étape pas si discrète vers Le meilleur des mondes.
 
Des arrêtés précisent la proportion de gamètes qui doivent être donnés pour pouvoir profiter d’une conservation partielle pour soi.
 

Anne Dolhein