Quatre nouveaux martyrs de la Guerre civile d’Espagne béatifiés à Oviedo

martyrs Guerre civile Espagne béatifiés Oviedo quatre nouveaux
 
Le cardinal Angelo Amato, préfet de la congrégation pour la cause des saints, a béatifié samedi les « martyrs de Nembra » : un prêtre et trois laïcs tués en haine de la foi pendant la Guerre civile d’Espagne, Genaro Fueyo Castañón, Antonio González Alonso, Isidro Fernández Cordero et Segundo Alonso González, dont la cause a été ouverte en 1991 à la demande de leurs proches. La cérémonie, qui s’est déroulée dans la cathédrale d’Oviedo – une première dans la région des Asturies – a eu lieu en présence du seul descendant vivant d’un des quatre martyrs assassinées le 21 octobre 1936, et de sa famille. Elle a porté à 33 le nombre total des béatifiés des Asturies pour des faits liés à la Guerre d’Espagne, aux rangs desquels se joignent pour la première fois des martyrs laïcs.
 
Le cardinal Amato a souligné au cours de son homélie que l’Eglise fait mémoire de ses martyrs, « victimes désarmées d’une violence diabolique et aveugle », parce qu’ils ont « répondu à leurs assassins par le pardon ». Ce n’est pas un « sentiment de vengeance » qui l’anime, alors que les martyrs ont été tués en « haine de la foi ». On a retrouvé dans leurs lettres à leurs familles, écrites alors qu’ils étaient emprisonnés par leurs bourreaux, des exhortations à pardonner au nom du Christ et pour le bien de la foi.
 

En la cathédrale d’Oviedo, le cardinal Amato parle du martyre et du pardon

 
Le cardinal a rappelé que les années 1930 ont été « secouées par la tourmente idéologique marxiste, qui a fait d’innombrables victimes » en Asturies aussi bien pendant la période de la Révolution d’octobre de 1934 tout comme au cours des « 400 jours de zone rouge » qui ont marqué la première année du conflit armé. A cette époque, rappela-t-il, l’enseignement religieux était interdit dans les écoles publiques : « On retirait les crucifix, on confisquait les immeubles de l’Eglise, sans compter qu’on édictait des lois contre l’institution familiale. » Tout cela constituait « une tyrannie féroce au service de l’athéisme social », a-t-il prêché.
 
On imagine que les Espagnols écoutant cette description d’une époque pas si lointaine pensent irrémédiablement à ce qui se passe aujourd’hui, où la guerre contre la famille ne cesse de marquer des points et où de nombreux mouvements politiques de gauche espagnols tentent de circonscrire de plus en plus le rôle de l’Eglise, à la fois dans le cadre de l’instruction que dans le domaine public, dénonçant ses exemptions fiscales.
 
Le cardinal Amato a ajouté : « La finalité de la persécution était l’annihilation de l’Eglise catholique, par l’extermination des prêtres, religieux et des fidèles en profanant, en brûlant, en détruisant tout. » Le bilan en fut « épouvantable » : en Espagne, rappela-t-il, 13 évêques et 6.838 religieux sont morts, « et des dizaines de milliers de laïcs ont été assassinés uniquement parce qu’ils étaient catholiques pratiquants ».
 

Quatre martyrs de la guerre civile d’Espagne, victimes de l’idéologie marxiste

 
A son avis, 80 ans plus tard, « les blessures se cicatrisent peu à peu » et la tragédie « s’éloigne de plus en plus, se faisant chaque fois moins visible », ce qui l’a porté à se demander pourquoi on n’oublie pas « cette page noire de l’histoire de l’Espagne » : pourquoi l’Eglise continue-t-elle d’évoquer ce « massacre des innocents » ?
 
Réponse du cardinal : « Face aux risques réels de l’oubli de ces épisodes sanglants, l’Eglise agit, non par sentiment de vengeance et de haine envers les persécuteurs d’alors, mais par un juste désir de mémoire. Si on oublie le passé, nous sommes condamnés à le répéter. » Il n’est pas allé jusqu’à dire combien ce risque est plus réel que jamais.
 
Au cours de la cérémonie, les reliques de trois martyrs – le corps du quatrième, Antonio Gonzalez n’ayant pas été retrouvé – ont été portées en procession jusqu’à l’autel pendant que résonnait l’hymne des martyrs de Nembra, composée pour l’occasion.
 
 Les représentants de l’Adoration nocturne étaient spécialement à l’honneur pendant la cérémonie, étant donné que les quatre martyrs en faisaient eux-mêmes partie.
 

Quatre nouveaux martyrs, préparés au sacrifice suprême par l’Adoration nocturne

 
Le P. Genaro Fueyo était en particulier un grand dévot et propagateur de cette Adoration nocturne. Il avait 72 ans lorsqu’il fut arrêté, avant d’être rejoint par deux pères de famille, Segundo Alonso et Isidro Fernández qui avaient été eux aussi arrêtés et gardés dans une église. Les trois hommes demandèrent à mourir dans l’église où ils avaient l’habitude d’assister quotidiennement à la messe. On les obligea à creuser leur propre tombe. Le prêtre demanda à être le dernier à mourir afin de pouvoir encourager ses paroissiens jusqu’au dernier moment.
 
Segundo Alonso, qui avait deux frères missionnaires dominicains et une sœur dominicaine, était le père de douze enfants. Il était charpentier et travaillait également à la mine. Avant de mourir, pendant la période où on le gardait prisonnier, il encourageait ceux qui se trouvaient avec lui à faire un « acte sincère de contrition », sachant que la mort pouvait être proche.
 
Isidro Fernández était mineur et père de sept enfants, parmi lesquels trois deviendraient plus tard religieux. Avant de mourir il déclara : « Ils nous ont toujours accusés d’être des grenouilles de bénitier et des barbons ; ainsi on voit que le seul délit dont on nous accuse, c’est d’être catholiques, et c’est un honneur pour nous. Des délits, nous n’en avons commis aucun, c’est pourquoi ils ne peuvent rien nous faire. Dieu sait pourquoi Il nous veut ici et entre quelles mains nous sommes ; s’Il le permet, c’est certainement bon à quelque chose. »
 
Le dernier des trois laïcs martyrs, Antonio González, aurait voulu être dominicain comme son frère, mais un problème de santé devait l’en empêcher. Il étudiait le Magistère et se chargeait de la catéchèse des plus jeunes dans le cadre de l’Adoration nocturne. Selon le diocèse d’Oviedo ses bourreaux lui avaient promis la vie sauve s’il acceptait de casser un tableau du Sacré-Cœur ou l’autel de son église paroissiale, ou s’il blasphémait. Il répondit : « Viva Cristo Rey ! », « vive le Christ-Roi ». Aussitôt on lui coupa la langue, avant de le tuer. Son corps ne fut jamais retrouvé.
 

Anne Dolhein