Mary McAleese, ancienne présidente d’Irlande, affirme que le baptême des petits enfants viole les droits de l’homme

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Dans un entretien accordé au quotidien irlandais The Independent, Mary McAleese s’en est prise violemment à l’habitude de catholiques de baptiser les jeunes enfants avant l’âge de raison, et en particulier les petits enfants. Une pratique qui violerait leurs « droits humains », les droits fondamentaux de l’homme, selon cette femme politique marquée à la fois par ses prises de position très libérales et des études de droit canonique à l’Université grégorienne de Rome poursuivies après son dernier mandat à la tête de l’Irlande dont elle a été la huitième présidente (entre 1997 et 2011). Elle consacre actuellement une thèse à la question.
 
Déclaration isolée d’une catholique de gauche, dira-t-on. Mais elle a du poids. Mary McAleese a figuré parmi les « femmes les plus influentes » répertoriées par Time ; elle bénéficie, dans le monde qui est le nôtre, d’une reconnaissance qui salue précisément son libéralisme philosophique. Elle possède de son point de vue une qualité incomparable, celle d’être catholique et de se revendiquer toujours comme telle, tout en affichant une forte volonté de restructurer le catholicisme pour l’accommoder au monde actuel. A partir des déclarations comme la sienne, on peut peaufiner le champ d’application des droits de l’homme, développement tout naturel lorsqu’on pense que la Révolution française a d’emblée interdit les vœux religieux au nom de la liberté : nous sommes ici dans la même logique.
 

Et voilà les droits de l’homme pour empêcher le baptême – la logique de 1789

 
Mary McAleese a ainsi affirmé que le baptême des petits enfants entraîne une adhésion « forcée » à l’Eglise catholique. Ces enfants, a-t-elle déclaré au cours de son entretien, sont « essentiellement des conscrits infantiles contraints à des obligations d’obéissance tout au long de leur vie ».
 
Sans aller jusqu’à nier les effets spirituels du baptême – la libération du peché originel et le don de la foi – elle a ajouté : « Ce sont des choses spirituelles. Mais il ne faut pas oublier l’autre aspect, comme on le fait souvent : si les parents sont catholiques et qu’on est baptisé dans une église catholique, le bébé devient membre de l’Eglise catholique à vie – selon l’enseignement de l’Eglise – avec tous les droits et obligations y afférant. »
 
« On ne peut pas vraiment imposer des obligations à des personnes qui ont à peine quinze jours ; on ne peut pas leur dire à sept ou huit ans, ou à 14, ou à 19 : “Voilà les termes du contrat, voilà ce pour quoi vous avez signé”, parce que la vérité, c’est qu’ils ne l’ont pas fait. Les parents peuvent les guider, leur donner une orientation, mais ils ne peuvent pas leur imposer, et ce que l’Eglise a échoué à faire, c’est de reconnaître qu’il y a un moment où nos jeunes, devenus adultes après avoir été baptisés dans l’Eglise et élevés dans la foi, puissent avoir la possibilité de dire : “Je valide tout cela” ou “Je le répudie” », a-t-elle poursuivi.
 

Mary McAleese, ancienne président d’Irlande, veut dicter sa loi à l’Eglise

 
Il est facile de remarquer à quel point cette femme n’a pas le sens de l’Eglise, de la grâce, de la foi, malgré des années de militantisme soi-disant catholique et une formation universitaire à la loi de l’Eglise. Le plus frappant, c’est sa volonté de formalisme alors même que – hélas – il n’est pas aujourd’hui difficile de quitter l’Eglise, comme le montre l’exemple de tant d’apostasies et d’abandons. Ce n’est pas comme si les relapses étaient brûlés vifs au terme de quelque Inquisition… Aujourd’hui on ne se sent tenu par les préceptes catholiques que si l’on y croit !
 
Mary McAleese a encore déclaré à son intervieweur : « Vous et moi savons tous les deux que nous vivons aujourd’hui en un temps où nous avons droit à la liberté de conscience, la liberté de croire, la liberté d’opinion, la liberté de religion, et la liberté de changer de religion. L’Eglise catholique n’a pas encore totalement embrassé ce mode de pensée. »
 
Certes, pour ce qui est de la religion vraie, nul ne doit être empêché de croire, et nul ne doit être contraint de croire : la foi est une grâce et Dieu demande une libre adhésion à cette grâce. Mais au nom de l’absence de contrainte, on s’oriente vers l’idée inverse : celle selon laquelle on doit pouvoir empêcher de croire vraiment, puisque la simple croyance en la véracité d’une religion devient suspecte, et contraire à la liberté d’autrui. Dans cette optique, la liberté n’est plus le fruit de la vérité, mais un absolu qui la transcende.
 

Le baptême, la conscience, la liberté et les « droits »

 
Au fond, Mary McAleese résume bien les choses en ramenant tout à une affaire de conscience subjective : « Je crois que c’est très simple. Mon droit humain à informer ma propre conscience, mon droit humain à exprimer ma conscience même si elle en arrive à contredire le magistère, ce droit à la conscience est suprême. »
 
Ce relativisme ne correspond en rien à l’enseignement traditionnel de l’Eglise qui certes, peut reconnaître des circonstances atténuantes à celui qui agit conformément à sa conscience obscurcie, mais qui ne crée pas de droit pour une conscience qui pour telle ou telle raison ne se conforme pas à la vérité. C’est tout le débat actuel autour d’Amoris laetitia qui plus ou moins ouvertement justifie les choix objectivement mauvais au nom de circonstances subjectivement appréciées.
 
En plaçant le débat sur le terrain des droits de l’homme, l’ancienne présidente d’Irlande ouvre la porte non seulement au relativisme, qu’elle voudrait voir instauré de manière encore plus explicite au sein même de l’Eglise, mais à de nouvelles formes de persécution par lesquelles les Etats, au nom du respect obligatoire de la « liberté de conscience », empêcheraient les parents catholiques de faire baptiser leurs petits enfants.
 

Jeanne Smits