Le « Direct Primary Care » (DPC) constitue une nouvelle forme d’accès à la médecine générale qui se développe actuellement aux Etats-Unis, avec la mise en place d’abonnements directs de « soins primaires » auprès de généralistes. Dans ce modèle, les patients paient une redevance mensuelle à un prestataire de soins : le forfait, ajusté en fonction de la taille de la famille, permet généralement un nombre illimité de visites chez le médecin ainsi que des tarifs réduits pour des services tels que les médicaments prescrits et les analyses de laboratoire. Mais il permet aussi aux médecins d’échapper aux diktats des idéologies dominantes véhiculés par les grands assureurs. Et de ce fait, un nombre croissant de soignants catholiques l’adopte : cette « médecine hors contrat » ressemble sous ce rapport à l’enseignement indépendant, gage d’une liberté reconquise face au pouvoir dévoyé et aux normes qu’il impose à travers sa domination sur l’éducation ou sur la santé.
Il s’agit donc – puisque les lois américaines le permettent encore – d’échapper aux aspects très néfastes de l’assurance maladie obligatoire et étatisée (ou contrôlée par l’Etat à travers des dispositions contractuelles contraintes). Et cela attire : entre 2017 et 2021, le nombre de cliniciens actifs en DPC pour 100.000 habitants a augmenté de 159 %, alors que le nombre de prestataires de soins primaires classiques n’a augmenté que de 6 %.
Si le DPC rencontre un tel succès auprès des médecins et des patients américains, c’est d’abord en raison d’avantages généraux : ces cabinets payants, qui refusent généralement les patients assurés, s’épargnent d’importants coûts liés à la paperasserie et à d’autres obligations administratives, ce qui permet aux médecins de disposer de beaucoup plus de temps pour rencontrer individuellement les patients et leur fournir un service de meilleure qualité, rapporte Daniel Payne de la Catholic News Agency (CNA).
La « médecine hors contrat » offre des soins à la fois meilleurs et éthiques
CNA a interrogé le Dr Patrick O’Connell qui dirige un cabinet de DPC en Caroline du Nord depuis quelques années. « Il y a environ huit ou neuf ans, j’ai ressenti non seulement les pressions intenses en matière de productivité qui rendent difficile le bon fonctionnement des soins primaires, mais j’ai également vu les tendances culturelles dans les soins de santé qui allaient rendre encore plus difficile le fait d’être un catholique fidèle et de garder mon emploi », dit-il. Si les pressions en matière de productivité rendent plus difficiles de bien soigner dans le système officiel, des facteurs moraux ont joué pour lui un rôle encore plus important, notamment en matière de prescription de la contraception, de suicide médicalement assisté ou face au « tsunami de l’idéologie du genre ». Il ne voulait pas avoir à choisir entre sa foi et son travail.
« Ce n’est pas comme s’il existait une manière catholique de traiter l’hypertension artérielle », plaisante-t-il. Mais il explique son choix de découplage à l’égard des assureurs et des plans Medicare et Medicaid : « Cela signifie que je ne participerai pas à l’idéologie du genre, que j’aborderai les soins de fin de vie à partir du point de vue catholique sur le fait que la vie est un bien, que je ferai don d’une partie de mes soins médicaux à des personnes en situation financière difficile, etc. »
Cette liberté, encore renforcée par le choix de fonctionner en tant qu’association à but non lucratif, lui permet de mener une politique de recrutement plus sélective, et d’imposer à tous, conseil d’administration, la « déclaration de foi » du cabinet. « Nous pouvons prier avec le personnel et les patients. Nous avons la liberté de le faire », explique O’Connell.
La liberté de la médecine permet aussi l’exercice de la charité
Autre dimension catholique : la charité. « Notre clinique prend en charge les visites des personnes non assurées. Soixante pour cent de notre travail clinique consiste en des soins gratuits procurés aux non-assurés. Nous avons la possibilité de témoigner de notre foi à tous les patients qui viennent nous voir », conclut le médecin.
Des raisons similaires ont dicté le choix du Dr Angelique Pritchett, médecin de famille au Kansas : dans son centre Gianna Family Care à Shawnee, elle respecte les exigences morales de sa foi. « Nous ne prescrivons pas de contraceptifs artificiels, nous ne pratiquons pas de stérilisation, nous ne conseillons pas d’avortement, nous ne soutenons pas l’euthanasie, nous ne proposons pas de techniques de reproduction artificielle (FIV, IUI, etc.) et nous ne conseillons pas de recourir à ces techniques. Nous déconseillons les relations sexuelles en dehors du contexte du mariage, nous considérons l’homosexualité et le transgenrisme comme désordonnés, et nous proposons l’inversion de la pilule abortive », explique ce médecin, dont le centre offre aussi l’accès à la technologie NaPro pour les problèmes de fertilité féminins sans recours à des méthodes contraires à la morale de la procréation.
Son cabinet a reçu le soutien du diocèse où il est implanté : « L’archevêque nous a adressé des patients, il a fait de la publicité pour notre clinique dans son émission de radio et dans le journal diocésain, il a béni notre clinique lors d’une journée portes ouvertes après son ouverture, et a même fait en sorte que nos cotisations soient couvertes pour les employés de l’archevêché par leur assurance médicale », se félicite-t-elle.
La liberté individuelle, gage de la liberté de la médecine d’agir selon le bien
Ces centres reçoivent beaucoup de patients catholiques, mais pas seulement. Une récente enquête a ainsi montré que 80 % des employés aux Etats-Unis choisiraient un abonnement DPC si cette option était proposée par les employeurs.
Une telle liberté n’est a priori pas possible en France, où le système d’assurance maladie obligatoire a tout verrouillé : le domaine crucial de la santé est sous contrôle, avec les effets dramatiques que l’on a vus avec la crise du covid et la promotion tous azimuts de « mesures globales ». Pas possible aujourd’hui, mais pas inconcevable en soi : l’essor actuel des écoles vraiment libres montre offre une lueur d’espoir, si une volonté politique naît en faveur de la reconquête de l’accès à la médecine pour les individus et les familles.