Affluence et (bienveillante) couverture médiatique record : le miracle du Pèlerinage de Chartres

médiatique record Pèlerinage Chartres 1
 

Pour sa 41e édition, le « pèlerinage de la Pentecôte » qui relie Paris à la cathédrale Notre-Dame de Chartres, haut-lieu de la vénération à Marie depuis plus de mille ans, a connu une affluence record et – c’était important pour les 16.0000 marcheurs – un temps magnifique adouci par des nuits fraîches et une bise apaisante. Les organisateurs du Pèlerinage de Chrétienté, nom officiel et programme d’action tout à la fois – n’avaient jamais vu ça, de telle sorte qu’il a fallu fermer les inscriptions une semaine avant ce samedi 27 mai où les milliers de pèlerins se sont élancés au petit matin depuis l’église Saint-Sulpice. C’est sans doute ce fait qui a attiré TF1, BFM, Le Monde et tant d’autres. Cette couverture médiatique record, chose encore plus étonnante, s’est révélée respectueuse, voire bienveillante. Un miracle en soi.

Il faut y ajouter la présence d’une insigne relique, le chef de saint Thomas d’Aquin, placé dans le chœur de la cathédrale de Chartres (après l’anneau de Jeanne d’Arc lors de l’édition 2016).

Quand une porte se ferme, le bon Dieu ouvre toujours une fenêtre, répétait avec sagesse la baronne von Trapp, la vraie, pas celle de La Mélodie du Bonheur, racontant les aventures de sa nombreuse famille évadée d’Autriche pour fuir le nazisme et confrontée à de multiples épreuves aux Etats-Unis.

 

Record d’affluence au pèlerinage de Chartres : l’échec de “Traditionis custodes”

Traditionis custodes (une autre variante du totalitarisme ?) veut fermer la porte à la liturgie traditionnelle, la réserver aux vieux par condescendance pour leurs difficultés à quitter leurs habitudes rabougries, promouvoir la « participation active » au nom du « sacerdoce royal » des fidèles (qui a pourtant un tout autre sens), mettre l’accent sur « le mystère pascal » en prétendant que la messe tridentine serait par trop axée sur le sacrifice du Golgotha… Eh bien, les pèlerins de Chartres se veulent vraiment « gardiens de la tradition », avec leur attachement indéfectible à la messe « verticale », centrée sur le Christ et son sacrifice non sanglant qui nous rachète, messe après messe. Ils ont pu grâce à cette « fenêtre » divine, non pas s’engouffrer dans le lieu clos d’une liturgie « rubriciste », mais s’ouvrir aux torrents de grâce que leur ouvre la « messe de toujours », vrai balcon sur le ciel et sur l’éternité. Adoration, intériorité et grandeur…

Plus la messe traditionnelle est persécutée, plus elle attire ! Devant la marée humaine de pèlerins – âge moyen, 20, 21 ans… – on ne pouvait être que saisi par tant d’ardeur, tant de fraîcheur, tant de détermination aussi. L’association Notre Dame de Chrétienté, qui ne lâche et ne lâchera rien sur la liturgie, apporte aux évêques de France se demandant comment attirer la jeunesse une réponse qui est à la fois une claque et un défi. Non, on n’a pas besoin de se mettre au niveau du monde, on doit encore moins l’imiter, pour donner aux nouvelles générations l’envie de se mettre à la suite du Christ et d’honorer Notre Dame qui, immanquablement, les mène vers Lui.

Et oui, ces jeunes ont soif d’absolu, soif de « repères » comme l’a répété Odile Téqui, la responsable de la communication du Pèlerinage devant les médias : les journalistes présents, voyant le spectacle, n’ont pas réussi à la démentir face à la vision conjuguée de l’effort consenti, des sacrifices de la marche, de l’entraide palpable et de la joie sur les visages. Joie humaine, certes, du week-end passé entre amis. Mais surtout joie surnaturelle, soulignée par le silence lors des offices, le rayonnement que provoquent trois jours passés avec Dieu.

 

Ces jeunes qui allient esprit de sacrifice et joie rayonnante

Ils ont arpenté les rues de Paris, parcouru la « plaine », en vérité bien accidentée quand on la traverse à pied, monté les vieilles rues vers les flèches de Chartres – à l’exception des pèlerins franciliens, puisque le nombre inédit de marcheurs a contraint les organisateurs à installer des écrans géants sur la rue des Charbonniers, cathédrale, parvis et jardins de l’évêché se révélant trop exigus pour accueillir tout le monde. Ils ont ri, réfléchi, chanté, prié, reçu la grâce de l’absolution et celle de communier, et pour beaucoup – 40 % des marcheurs ne sont pas des habitués de la messe traditionnelle – découvert une liturgie qui les a bien souvient saisis. Certains pèlerins n’avaient même jamais assisté à une messe : la devise de Notre-Dame de Chrétienté n’est-elle pas : « Tradition, Chrétienté, Mission » ? A la clef, parmi les fruits du pèlerinage, figurent les baptêmes et les conversions, les vocations et les choix de vie.

« C’était brutal », me confiait lundi à la fin de la messe John-Henry Westen, directeur de LifeSiteNews, venu avec sa femme et plusieurs de ses enfants avec l’un des deux chapitres américains, dirigé par Michael Matt qui rejoint le pèlerinage tous les ans depuis trente ans déjà. Brutal en raison de l’effort consenti, du soleil qui tape, de la fatigue du voyage, aussi. « C’est un sacrifice qu’on s’impose, pas une souffrance qu’on accepte, et notre Eglise en a vraiment besoin », me dit John-Henry Westen : « Mais dans ce sacrifice, il y a la joie ! » Joie, notamment, de voire cet « océan » de jeunes fidèles qui acceptent ainsi l’effort et qui l’ont impressionné.

« C’est dans un tel événement qu’on touche du doigt la gloire de Dieu », me confie un prêtre venu des antipodes avec un bon groupe d’Australiens, tous heureux et émerveillés.

Les chapitres étrangers étaient 28, représentant plus de 30 nations : parmi eux, des Espagnols et des Américains qui viennent observer en France comment organiser une telle marche avec de tels défis logistiques, même si leurs « Pèlerinages de chrétienté » en sont encore à leurs balbutiements. Un troisième rendez-vous s’annonce, en Australie précisément.

 

Une couverture médiatique inédite et surprenante de bienveillance

En tout cas, la ferveur des 16.000 pèlerins a impressionné les médias, qui ont surtout noté leur foi et leur joyeux esprit de sacrifice. France 3 note que « cent kilomètres ça use… mais pas la foi ». « Parcours spirituel mais surtout, un parcours intérieur, il permet à chaque chrétien d’éprouver sa foi, de faire son examen de conscience », explique le journaliste. Sur une chaîne d’Etat !

« C’est la jeunesse catholique », observe CNews, qui note combien la présence de ces pèlerins attachés à la « messe extraordinaire » montre que l’Eglise « fait encore rêver ». Derrière le langage journalistique, une vraie admiration. Et de citer un marcheur : « J’ai vécu trois jours difficiles physiquement, mais pour la grâce de Dieu, ça vaut le coup. » « Il y a une recherche de spiritualité, de sacré, de beau dans l’effort, et regardez, ça attire ! », répète le journaliste, et il y voit « une note d’espoir quand tout est en train de s’effondrer » face à Laurent Alexandre qui ironise sur le caractère « peu représentatif » de ces jeunes.

« Peu représentatif du 9.3 », sans doute ; mais pour Henrik Lindell, journaliste à La Vie et plutôt de sensibilité charismatique, ce fut tout de même une sorte de choc :

« Jour 2 du pèlerinage à Chartres. Un mot me vient à l’esprit pour résumer ce que je ressens : respect. Je pourrais même dire gratitude. Le rite extraordinaire ne fait pas partie de ma culture, mais je sais reconnaître une foi et un comportement chrétiens. Je vois des gens prier, méditer les Ecritures et l’enseignement de l’Eglise, je vois de la camaraderie, de l’entraide, une sorte d’“esprit scout” généralisé (je veux dire un vrai esprit de service), de la diversité sociale et culturelle et du respect pour celle-ci, des parents qui accordent de l’attention et du temps à leurs enfants, des jeunes – très nombreux ! – qui sont à la recherche de repères, des adultes qui font preuve de finesse et de sagesse dans leurs réflexions, une organisation hors pair (2.000 bénévoles pour 16.000 pèlerins !), une ambiance propice à faire grandir la foi. (…)

« Dans ce pèlerinage, je découvre une soif d’absolu, une recherche de Dieu, un désir de conversion. Je pense à Péguy. C’est vraiment très riche. (…)

« J’ai parlé à des tradis parfaitement représentatifs, y compris des prêtres, qui disent simplement leur désir de rester différents, tout en étant dans l’Eglise catholique romaine, ce qu’ils démontrent en se référant au concile Vatican II et en disant leur obéissance au pape. Or, ils sont viscéralement attachés à ce qu’ils appellent “la messe traditionnelle”. A mon humble avis (et à mon niveau), ils ont des arguments à ce sujet. Puis, ils disent qu’ils veulent être dans l’unité, non dans l’uniformité. Et là, leur argument est imparable, à mon avis. Je note enfin qu’ils apportent, eux, beaucoup de convertis à l’Eglise, qu’ils sont réellement missionnaires, qu’ils semblent même capables d’introduire plus de diversité sociologique dans notre Eglise catholique.

« Je rappelle que je ne suis pas tradi (j’ai carrément une sensibilité charismatique, je l’avoue, et j’aime beaucoup de choses que les vrais tradis aiment désapprouver très formellement), mais si je devais juger les tradis par les fruits qu’ils produisent (et ça, c’est un critère chrétien), je dois reconnaître qu’ils font énormément de bien à notre Eglise. Respect donc. Et gratitude. »

 

Ce pèlerinage de Chartres recrute dans tous les milieux, et évangélise

Le reportage de TF1 – 3 minutes et demie au 20 heures ! – vaut lui aussi le détour. On peut le visionner ici. Et voir qu’il n’y a là aucune fausse note, aucun sarcasme.

Qu’est-ce qui a pu émouvoir les journalistes autant ? Leur inculture religieuse leur a-t-elle fait voir ce pèlerinage comme à la fois très étranger, et donc qui ne mérite pas l’hostilité, et très proche, parce qu’après tout ce sont des jeunes d’aujourd’hui dont la démarche interpelle et surprend ?

Cherchaient-ils peut-être à établir une dialectique entre les traditionalistes et « l’Eglise du pape François », ce dernier devant venir à Marseille au mois de septembre ?

De manière encore plus détournée, l’irruption d’un certain « sacré » dans le discours public et médiatique – on pense par exemple au livre de Sonia Mabrouk, Reconquérir le sacré, qui n’est en rien lié à une religion particulière – ne s’inscrit-il pas dans le grand syncrétisme qui progresse, s’appuyant sur les « religions traditionnelles » mais ne favorisant aucune d’entre elles pour au contraire promouvoir une sorte de religiosité globale ? Cette spiritualité-là est compatible aussi bien avec le relativisme occidental qu’avec celui de la pensée russe actuelle qui veut voir chaque grande région géopolitique retrouver sa culture religieuse propre, tandis que l’hindouisme de Narendra Modi est applaudi par l’ONU et que l’on fait de la méditation pleine conscience à Davos.

On peut le penser, mais pour servir la religion « verte » de demain, la spiritualité globale de demain qui exige louanges et sacrifices « pour la planète », le catholicisme traditionnel n’est pas le bon choix. Il est porteur de vérité, il est formateur, et quelle que soit la raison pour laquelle on décrit une messe tridentine, celle-ci porte sa propre grâce, la plus grande des grâces. Espérons que les médias l’aient aussi un peu compris, et fait comprendre.

C’est en tout cas une liturgie qui attire et qui rayonne. Il ne faut pas oublier qu’aux 16.000 pèlerins de Paris-Chartres, il faut ajouter les 6.000 pèlerins qui, avec la Fraternité Saint-Pie X, ont marché de Chartres à Paris, avec les mêmes bannières, la même ferveur, la même messe. Ils n’ont pas connu une progression semblable à celle de Notre-Dame de Chrétienté, qui « recrute » plus facilement « hors les murs » des communautés traditionnelles. Mais les deux pèlerinages jouent leur rôle, et attirent sur la France et sur l’Eglise des grâces inouïes, puisqu’elles y sont demandées !

 

Jeanne Smits