La COP29 qui se tient à Bakou s’accompagne d’une dimension religieuse, ou plutôt inter-religieuse, qui fait appel à toutes les religions pour faciliter la marche vers l’élimination des « énergies fossiles » et la mise en œuvre des Objectifs du développement durable de l’ONU. En avant-première, un Sommet mondial des leaders religieux s’est tenu début novembre en Azerbaïdjan ; maintenant, à la COP proprement dite, un « Pavillon de la foi » accueille les différentes religions. Alex Newman de The New American est sur place ; il vient d’interviewer un Allemand qui expose parfaitement cette dimension « spirituelle » qui s’attache à la lutte contre le « changement climatique ». Il s’agit, on le comprend très bien à travers le discours de l’activiste hindou allemand Joaquin Pils, de choisir une sorte de religion universelle soumise aux « besoins » supposés de la planète, en pratiquant la méditation, le yoga, tous ces outils d’une spiritualité orientale fondamentalement panthéiste, d’où disparaît la distinction absolue entre le Créateur et le créé.
Dans une interview faussement naïve, Alex Newman interroge donc ce militant végétarien et vegan qui vit en Inde depuis 25 ans où il fait notamment la promotion de l’énergie solaire.
Méditation et yoga : la COP29 leur fait une belle place
Voici de larges extraits traduits de l’interview retranscrite. Elle est révélatrice parce qu’elle montre comment le discours spiritualiste se trouve véritablement au cœur du discours écologiste sur le « changement climatique » et combien il est soutenu, y compris matériellement, par des gouvernements et par les institutions climatiques de l’ONU qui en fait un élément officiel de ses réunions. Le discours de cet « hindou européen » montre aussi le caractère très nombriliste de cette spiritualité qui ne conçoit pas Dieu comme le « tout autre », mais comme un être dont l’homme fait partie… tout comme la nature. – J.S.
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L’interview d’un hindou allemand par Alex Newman révèle les ressorts de la spiritualité globale
Alex Newman : Nous sommes à la COP 29 avec Joaquin Hans Pils, un Allemand qui vit en Inde et qui fait partie de l’Université spirituelle mondiale Brahma Kumaris en Inde. Vous êtes donc conseiller en énergie solaire pour cette université. Pourquoi pensez-vous que l’énergie solaire est si importante ?
Joaquin Pils : Eh bien, nous avons commencé il y a plus de 25 ans, alors que l’énergie solaire n’était pas très populaire, surtout pas en Inde, et nous pratiquons essentiellement la méditation. Nous enseignons l’harmonie et la paix intérieures. Nous pensons qu’il est très important de mettre cela en pratique, et de vivre en harmonie avec les lois universelles, mais aussi en harmonie avec la nature. L’énergie solaire est abondante en Inde. Nous avons donc commencé par la cuisine solaire il y a 25 ans ; nous avons mis en place le premier cuiseur institutionnel, qui a connu un grand succès. (…) Nous avons ensuite installé une centrale thermique solaire d’un mégawatt, parrainée par le gouvernement allemand et le gouvernement indien.
Nous sommes également un centre de recherche reconnu par le gouvernement allemand. Nous pensons qu’il est très important de joindre le geste à la parole. (…) C’est pourquoi l’ensemble de l’institution s’efforce d’être écologique. Nous avons 5.000 centres de méditation en Inde. Et depuis 25 ans, nous sommes le plus grand utilisateur institutionnel d’énergie solaire en Inde.
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Vous pensez donc que nous devrions abandonner complètement les hydrocarbures ?
Vous savez que l’Amérique a été frappée récemment par un grand nombre d’ouragans, de tornades, de sécheresses et d’inondations. Et nous venons d’apprendre ici lors d’une conférence de presse qu’au Brésil, l’Amazonie s’assèche également, vous savez, la forêt tropicale, ce qui est inédit. Le climat devient donc incontrôlable et je pense que la nature nous donne une leçon sévère en nous disant de changer notre mode de vie, faute de quoi cette civilisation et ce mode de vie seront anéantis. Je pense donc que nous n’avons pas beaucoup d’options pour l’instant. Il y a peut-être 20 ans, nous pouvions discuter du comment et de ceci et de cela ; aujourd’hui, la situation est très claire.
Malheureusement, vous avez eu des résultats électoraux récents et votre nouveau président se retirera probablement du processus des Nations unies, ce qui affaiblira les efforts mondiaux pour traiter ce problème. Mais c’est ainsi et nous devons voir comment se dérouleront les deux prochaines années. Mais les signes et les signaux sont très, très orageux à l’heure actuelle.
Vous traitez beaucoup de spiritualité. Comment la spiritualité s’articule-t-elle avec le climat ?
Le yoga est un vieux mot sanskrit qui signifie en fait connexion avec le divin. Lorsque vous méditez, vous vous connectez à la lumière divine ou à Dieu, l’être suprême. Et vous essayez de vous placer sous le parapluie de la protection, de l’éthique et des valeurs, de renforcer votre amour intérieur et votre compassion pour vous-même, mais aussi pour la nature et pour les autres êtres humains avec lesquels nous vivons sur la planète. Il est donc essentiel pour nous de pratiquer la méditation au quotidien afin de rester concentrés et de progresser spirituellement. Ensuite, nous devons traduire et mettre en pratique notre compassion à l’égard des autres êtres humains. Nous sommes compatissants avec la nature et avec les animaux. Nous sommes tous, par exemple, végétariens, et nous faisons très, très attention à ne blesser personne et à ne pas nuire à l’environnement. Cela fait partie de notre philosophie.
Et que pensez-vous des efforts en ce sens ici, comme le pavillon de la foi ? « Religions pour la paix » s’efforce ainsi de rassembler les religions du monde pour la planète.
Nous en faisons partie. Nous avons initié le dialogue inter-religieux il y a 20 ans aux Nations unies. Et nous en faisons partie. Nous participons très souvent à des dialogues. Hier, j’étais au « pavillon du rafraîchissement » et j’ai donné une conférence sur les bâtiments de culte écologiques. Je vis moi-même dans un bâtiment « energy-friendly », construit en briques de boue il y a 25 ans, qui fonctionne à 100 % avec des énergies renouvelables.
C’est intéressant. Vous pensez donc que toutes les religions du monde devraient s’unir sur ces questions ?
Ici nous avons une interview sur le climat, une interview en studio tous les soirs. Ce soir, j’interviewe l’un des experts. Nous invitons également des chefs religieux dans ce studio et c’est l’une des questions : comment nous pouvons progresser et accélérer le fait que la voix de la foi soit entendue ici à la COP, parce qu’environ 85 % de tous les êtres humains sur cette planète croient ou font partie de l’une ou l’autre organisation religieuse. Nous pensons donc qu’il existera un énorme pouvoir, si ces personnes s’unissent et comprennent que le changement climatique est en train de se produire. Il est devant nous et nous devons agir ensemble. Je pense que c’est une grande chance et que de nombreux efforts sont déployés pour renforcer l’unité des communautés religieuses.
J’ai entendu des chrétiens critiquer ce processus. Ils disent que Jésus est le chemin. Que pensez-vous de cette idée ?
Eh bien, vous voyez, je vis en Inde. Il y a 1,4 milliard d’habitants et ils sont très tolérants. Je connais beaucoup d’hindous qui ont une petite statue de Jésus, une petite statue de Krishna et une petite statue de Bouddha. Vous savez, c’est comme si les prophètes pointaient tous vers un, un seul être suprême, et il y a différents prophètes, et c’est bien, vous savez, il y a différents prophètes, mais en Inde la croyance est très forte que Dieu est unique. En fait, toutes les religions parlent d’un seul être suprême. Il y a différents prophètes, différentes langues, elles ont été fondées à différentes époques. Ce n’est donc pas un problème. Non, cela ne me pose aucun problème.
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Vous avez parlé du yoga, et j’ai trouvé cela très intéressant, parce que le yoga, comme vous le savez, est très populaire aujourd’hui aux Etats-Unis. Mais je pense que la grande majorité des gens qui le pratiquent le voient comme « je m’étire, c’est juste bon pour mon corps ». Mais vous avez dit qu’il s’agissait d’une discipline spirituelle. Parlez-en un peu.
Il y a différents types de yoga : le Hatha Yoga, le Kriya Yoga et le Bhakti Yoga. Il y a donc différents types de yoga par l’action. Il y a le yoga par le mouvement et nous pratiquons, quant à nous, le Raja Yoga. On se considère comme une âme immortelle et comme un être immortel vivant dans le corps, là où se trouve le troisième œil. Et vous, l’être immortel de lumière, vous méditez avec l’être suprême de lumière, avec Dieu, qui est également immortel. C’est donc une connexion très profonde que vous établissez, comme une batterie se connecte à la station de charge. Et vous essayez de transcender votre existence avec votre corps physique, parce que Dieu est sans corps. Vous savez, l’être suprême est sans corps, donc vous devez aussi aller dans votre état sans corps. Je pratique personnellement le Raja Yoga, Raja est le roi, le Yoga est la connexion avec l’être suprême pour l’illumination de soi. C’est donc une façon de se connecter, d’établir une connexion directe avec Dieu et de tirer directement son pouvoir de Dieu, en transformant votre propre caractère, en devenant aimant, compatissant, et en vous débarrassant en même temps de vos faiblesses et de vos propres points de déclenchement – vous savez, ce qui fait se mettre en colère, devenir anxieux, avoir peur, et toutes ces choses – parce que si vous établissez une relation étroite avec Dieu, vous êtes sous le parapluie de Dieu. Les pouvoirs viennent à vous, alors que la peur et toute la négativité disparaissent. C’est comme si la lumière apparaissait et que les ténèbres disparaissaient.
C’est intéressant. Quelle est la raison principale de votre venue à la COP 29 ? Quel est votre message principal ? Quel était le but principal de votre présence ici ?
Eh bien, c’est ma 16e ou 17e conférence sur le climat. J’ai commencé à la COP 2009 à Copenhague…
Oh, moi aussi.
Nous avons une équipe. Une initiative environnementale, et nous propageons ici l’idée que le changement intérieur entraîne le changement extérieur. Nous savons tous que nous devons apporter des changements dans le monde, dans notre mode de vie, dans la production d’énergie, dans la façon dont nous construisons, dans les transports, et j’en passe. Nous essayons donc de faire toutes les bonnes choses et de vivre en harmonie avec la nature, mais nous pensons que cela doit être soutenu par une transformation intérieure. La transformation intérieure est extrêmement importante pour apporter un changement durable dans vos actions. C’est pourquoi nous voyons ici beaucoup de gens parler de certaines choses, mais l’action fait défaut. Elle ne passe pas vraiment et n’a pas l’effet désiré parce que la transformation intérieure fait défaut. Les gens n’en sont même pas conscients. Un exemple très simple : si vous voulez créer la paix dans le monde, vous devez devenir pacifique à l’intérieur. C’est pour nous un principe fondamental et nous essayons de le mettre en pratique pendant que nous sommes ici, mais nous essayons aussi d’inspirer les gens. Nous avons un petit stand ici et nous avons des bracelets ici. Nous avons une méditation. Nous venons ici pour une méditation régulière. Nous avons environ 40 programmes à la conférence sur le climat et nous interagissons beaucoup avec le pavillon interconfessionnel et le centre d’alimentation verte. Nous sommes également présents parce que nous sommes végétariens et végétaliens. Nous essayons donc de travailler en réseau et d’inspirer les gens à l’aide du matériel dont nous disposons, mais aussi d’exemples concrets.
Fascinant. Connaissez-vous les objectifs de développement interne (inner development goals) que les Nations unies promeuvent ? Parlez-nous-en un peu. De quoi s’agit-il ?
Je ne les connais pas très bien, mais je sais qu’il s’agit d’un concept très similaire : à l’intérieur, vous devez vous préparer au développement intérieur, à l’amour intérieur, à la compassion intérieure pour les valeurs et l’éthique, puis l’amener à l’extérieur, afin que vous puissiez atteindre les véritables objectifs de développement, qui sont fixés par les Nations unies.
Et comment les gens peuvent-ils en savoir plus sur votre organisation et sur ce que vous êtes ?
Nous sommes sur le web. Allez sur www.bramakumaris.org : vous y trouverez tout. Nous avons des milliers de centres à l’étranger. Nous avons également 30 ou 40 centres aux Etats-Unis. Nous sommes littéralement présents partout dans le monde.
La particularité de l’organisation est qu’elle est administrée par des femmes. Nous sommes une organisation de femmes parce que Brahma Kumaris signifie les filles de Brahma.
Mais vous n’êtes pas une fille de Brama Kumaris !
Non ; mais les hommes jouent les seconds rôles.
Je vois. C’est comme un matriarcat.
Oui, oui ! D’une certaine manière, nos aînées sont toutes des sœurs. Ce sont toutes de vieilles dames, très sages et très douces. Et je pense que c’est une très belle idée et un très beau concept.
Briser le patriarcat ?
Oui. Pourquoi pas ? Je veux dire, si vous regardez ici, la majorité des gens sont des hommes et, et ils dominent tous la production et la distribution de l’énergie. Tous les ingénieurs sont des hommes. Les femmes et les enfants sont ceux qui souffrent le plus du changement climatique parce qu’ils doivent cuisiner, chercher du combustible, et si quelque chose se produit, la migration est là, ce sont les premiers à devoir se déplacer. Vous savez, ce sont eux qui rencontrent les plus grandes difficultés. Nous avons donc l’impression de soutenir le changement de conscience et de faire comprendre que les femmes devraient jouer un rôle beaucoup plus important parce qu’elles sont plus enclines à préserver la nature et à essayer de rétablir l’équilibre entre les êtres humains et tout ce qui les entoure.
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Voilà un hindou germanique qui pratique tout de même les « stéréotypes de genre ». Nos amies ingénieurs femmes apprécieront ! Plus sérieusement, cette idée des « Inner development goals », les Objectifs du développement intérieur, mérite aussi une petite enquête sur RITV. Ce sera pour une prochaine fois, ne manquez rien en vous abonnant à notre Lettre d’informations hebdomadaire ou en installant un raccourci RITV sur votre smartphone sur Androïd ou sur i-Phone !