Meta abrite des comptes d’enfants gérés par les mamans qui attirent les pédophiles

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Deux rapports exclusifs du Wall Street Journal et du New York Times dénoncent ce que d’aucuns s’acharnent à dire depuis des années : Meta ne cherche pas à s’opposer au foisonnement des pédophiles sur ses réseaux, à l’affût de la moindre image évocatrice d’enfant et du moindre parent trop innocent ou trop vénal qui lui fournirait davantage. C’est un fait : en quête de célébrité sur les réseaux sociaux pour leurs filles mineures, les mamans créent des comptes Instagram pour elles et publient des photos d’elles qui attirent des hommes, prêts à payer pour satisfaire leurs envies. Facebook et Instagram sont concernés.

L’entreprise affirme consacrer des millions de dollars à l’éradication de ce fléau. Mais en réalité, pour eux, l’objectif n’est pas primordial. Et puis, le ver semble être dans le fruit dès lors qu’il y a la possibilité de se mettre en scène et de gagner de l’argent par icelle…

Aujourd’hui, on peut construire à partir de rien ou presque une médiatisation en ligne. Et des parents d’enfants cèdent à ces sirènes, parce qu’ils pensent préparer à leur rejeton un début (illusoire) de carrière et générer des revenus sans trop de peine, grâce aux visionnages, aux abonnements… En réalité, c’est un premier stade de prostitution – les pédophiles l’ont bien compris et s’en donnent à cœur joie.

 

Ces mamans qui marchandent virtuellement leurs enfants

A l’origine, ce sont deux équipes de Meta qui ont tiré la sonnette d’alarme, l’année dernière, après avoir découvert que des centaines de « comptes mineurs gérés par les parents » abusaient des outils d’abonnement payant sur Facebook et Instagram, pour vendre du contenu mettant souvent en vedette des jeunes filles en bikini ou en justaucorps, à un public majoritairement masculin.

Les photos elles-mêmes n’étaient ni explicites ni illégales, les mineures n’étaient pas nues, mais les commentaires des nombreux abonnés montraient clairement que leur intérêt à eux était bel et bien sexuel. Pire, « parfois, les parents se livraient à des plaisanteries sexuelles à propos de leurs propres enfants ou faisaient interagir leurs filles avec les messages sexuels de leurs abonnés », a rapporté le Wall Street Journal. Et dans certains cas, ils proposaient du contenu supplémentaire sur d’autres plateformes…

Cerise sur le gâteau, les équipes se sont aperçues que les systèmes de recommandations du réseau faisaient mécaniquement et activement la promotion de ces comptes de mannequins mineurs auprès d’utilisateurs soupçonnés de se comporter de manière inappropriée en ligne envers les enfants ! Et que ces derniers abusaient, sans être empêchés, de la nouvelle fonctionnalité « Cadeaux » d’Instagram qui permet de donner un pourboire à ses influenceurs préférés (et, en passant, une commission à Insta…).

Quant au terme « lingerie pour enfants », il figure toujours dans les suggestions du moteur de recherche….

 

Les pédophiles en première ligne

La grande enquête du New York Times a analysé 2,1 millions de publications sur Instagram, surveillé des mois de discussions en ligne avec des pédophiles déclarés et examiné des milliers de pages de rapports de police et de documents judiciaires. Et ce qui commence comme un joli conte de fées avec le succès d’une mignonne frimousse en beaux atours, grâce à laquelle on gagne des réductions sur des grandes marques ou des gratifications Amazon, peut rapidement devenir une descente aux enfers dont ne se rendent même plus compte les parents, aveuglés par l’argent et désinhibés par la virtualité.

Car ces enfers sont dominés par des hommes adultes.

Un calcul effectué par une société de démographie d’audience a révélé 32 millions de connexions avec des abonnés masculins parmi les 5.000 comptes examinés par le NYT, des abonnés qui sont prêts à payer pour bénéficier de contenu exclusif. Certains flattent, intimident et font chanter les filles et leurs parents pour obtenir des images de plus en plus stylées ou précises.

Des échanges distincts ont été suivis sur Telegram, où des hommes fantasment ouvertement sur l’abus sexuel des enfants qu’ils suivent sur Instagram et vantent la plate-forme pour avoir rendu les images si facilement accessibles… « C’est comme un magasin de bonbons 😍😍😍 », écrit l’un. « Que Dieu bénisse les Instamoms », écrit l’autre… « Je suis tellement heureux que ces nouvelles mamans proxénètent leurs filles. »

Le témoignage de cette mère qui a « utilisé » ainsi sa fille pendant des années est frappant : « Si je pouvais revenir en arrière, je ne le ferais certainement pas. J’ai bêtement, naïvement nourri une meute de monstres, et le regret est immense. » Surtout que, comme elle le craignait, les cicatrices sont là : la jeune fille, désormais âgée de 17 ans, gagne aujourd’hui de l’argent sur OnlyFans, un autre réseau qui permet aux utilisateurs de vendre du contenu pour adultes à leurs abonnés, où le porno, donc, foisonne.

Le fondateur de Brand Army, une autre plate-forme, a déclaré que la modération des pages des utilisateurs juniors de sa plateforme était devenue si problématique qu’il avait interrompu les nouvelles inscriptions. « Nous avons supprimé des milliers de contenus. Le comportement des parents est tout simplement dégoûtant. Nous ne voulons pas participer à cela. »

 

Que fait Meta ? Fermer les yeux

En 2020 déjà, Meta avait bien constaté, selon une étude interne citée dans une procédure judiciaire, que 500.000 comptes Instagram d’enfants avaient des interactions « inappropriées » chaque jour. Mais le porte-parole de l’entreprise a déclaré que c’était aux parents de contrôler qui peut taguer ou commenter leur compte… Et quand les employés lanceurs d’alerte les ont avertis l’année dernière, en leur proposant d’interdire aux comptes présentant des modèles enfants de proposer des abonnements ou d’exiger que les comptes vendant du contenu lié aux enfants s’inscrivent pour une surveillance plus stricte, Meta a rejeté ces propositions et a opté pour un système automatisé qui interdit, en théorie, aux pédophiles présumés de s’abonner : du vent, puisqu’il suffit de créer un nouveau compte.

De manière générale, les propriétaires de comptes qui signalent des images explicites ou des prédateurs potentiels sur Instagram se heurtent au silence ou à l’indifférence. Il est avéré, d’autre part, que si les parents bloquent trop de comptes d’abonnés au cours d’une journée, Meta réduit leur capacité à bloquer ou à suivre les autres… Autrement dit, les pédophiles d’abord !

La réalité est qu’une plate-forme qui se base sur la vente de soi-même voit automatiquement exploser le vice. Et comme le vice, de par son addiction et son envergure, est mécaniquement lucratif, il est tentant de profiter de son assouvissement. La faute incombe autant aux parents qu’au support. Dans des documents de 2018, un haut dirigeant de Facebook a déclaré au directeur général d’Instagram qu’à moins que des changements ne soient apportés, Facebook et Instagram seraient des champs de victimes….

« Tant que ce truc existe légalement, j’en profite 🙂 », écrivait sur Telegram l’un des pédophiles traqués par le NYT. Et la conséquence logique est qu’à force de nourrir leurs appétits dévoyés, ils s’en prendront tôt ou tard à un enfant, en chair et en os cette fois-ci.

 

Clémentine Jallais