Le Nouveau-Mexique poursuit Meta (Facebook) pour avoir facilité le trafic sexuel d’enfants

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Facebook et Instagram « ont permis aux adultes de trouver, d’envoyer des messages et de préparer des mineurs » à des fins d’exploitation sexuelle : c’est le contenu de la plainte déposée par l’Etat du Nouveau-Mexique, dans un procès intenté contre l’entreprise Meta et son PDG, Mark Zuckerberg. Ces réseaux sociaux sont devenus de véritables marchés pour les prédateurs d’enfants. Une grande enquête du Guardian, parue en avril dernier, était parvenue à ces mêmes résultats inquiétants. Il semble que l’entreprise soit plus engagée à préserver son réseau et ses revenus publicitaires qu’à poursuivre les criminels en la matière.

Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment, puisqu’il n’existe, outre-Atlantique, aucune obligation légale de signaler le « trafic » sexuel d’enfants sans photos d’abus ou de nudité… Et ce n’est pas l’excès de vertu de ces plateformes toutes-puissantes qui va y pallier.

 

Meta ne parvient pas à supprimer le matériel pédopornographique

Comme le révélait LifeSite, un procureur général, spécialisé dans les délits sur Internet contre les enfants, a conclu, après des mois d’enquête, que les plateformes de médias sociaux de Meta ne sont « pas des espaces sûrs pour les enfants, mais plutôt des lieux privilégiés où les prédateurs peuvent échanger de la pédopornographie et solliciter des mineurs pour le sexe ».

Dans le procès intenté la semaine dernière, l’enquête qui a créé des comptes leurres d’enfants de 14 ans et moins, a révélé que Meta a dirigé de manière proactive sur « des comptes appartenant spécifiquement à des enfants » des flux d’images flagrantes et sexuellement explicites via des utilisateurs et des publications recommandés. Qu’il a permis à des adultes de trouver, d’envoyer des messages et de « toiletter » des mineurs, en les sollicitant pour vendre des photos ou participer à des vidéos pornographiques ; recommandé à des enfants de rejoindre des groupes Facebook non modérés consacrés à faciliter le commerce du sexe, et a autorisé les utilisateurs à rechercher, partager et vendre une quantité extraordinaire de matériel pédopornographique.

« Certains contenus exploitant des enfants » sont dix fois plus courants sur Facebook et Instagram que sur le célèbre site pornographique PornHub et la plateforme de « contenu pour adultes » OnlyFans, y découvre-t-on.

Il a été précisé au cours du procès que le rôle de Meta ne serait plus simplement celui d’un « éditeur » : il recèlerait des algorithmes, se basant sur les échanges existants, qui « recherchent et diffusent des documents explicites et à caractère d’exploitation sexuelle », contribuant ainsi à développer un réseau d’utilisateurs de médias sociaux cherchant à acheter et vendre les images, ainsi que les enfants eux-mêmes.

 

Facebook : la plate-forme la plus utilisée par les trafiquants sexuels

Une enquête qui va donc encore plus loin que le travail d’investigation réalisé par le Guardian et publié en avril dernier. Il avait révélé de semblables préoccupations, soulignant que plusieurs fonds de pension et d’investissement détenant des actions Meta avaient poursuivi la société en mars pour ne pas avoir agi alors qu’il y avait des « preuves systémiques ».

Déjà, en 2020, selon un rapport de l’organisation américaine à but non lucratif Human Trafficking Institute, Facebook était la plateforme la plus utilisée par les trafiquants sexuels pour appâter et recruter des enfants (65 %). Instagram était classé au deuxième rang, suivi de Snapchat. Ce sont des terrains de chasse numériques hors du commun, puisque Facebook, par exemple, est utilisé par plus de 3 milliards de personnes dans le monde…

Via leurs comptes, les enfants sont contactés par des proxénètes qui font leur toilettage, entendez l’opération de manipulation par laquelle ils obtiennent leur confiance. Puis ils leur demandent d’envoyer des photos d’eux-mêmes nus, payées à la pièce, et les proposent ensuite sous forme de publicité sexuelle à leur propre réseau, également présent sur la plateforme. Les clients potentiels envoient alors des messages privés sur le compte du proxénète pour prendre rendez-vous : on passe dès lors au « trafic sexuel d’enfants », puisqu’il y a transaction commerciale dans le but d’une exploitation sexuelle.

 

Aucune obligation légale de signaler le trafic sexuel d’enfants

Tant au procès intenté au Nouveau-Mexique que dans leur réaction à l’article du Guardian, les porte-paroles de la firme de Zuckerberg ont affiché leur résolution engagée de lutter contre ce « crime horrible ». Seulement, au cours des trois dernières années, la machine s’est emballée, en particulier avec les confinements dus au Covid. Un ancien procureur adjoint de Boston affirmait que depuis 2019, le nombre de dossiers de délits de traite d’enfants sur les plateformes des médias sociaux, dans son département, avait augmenté d’environ 30 % chaque année : « La plupart des victimes n’avaient que 11 ou 12 ans, et étaient noires, Latino ou LGBTQI+. »

Au vu des nombreux témoignages recueillis par l’enquête du Guardian, l’entreprise semble ne plus faire le poids ou du moins ne pas chercher à le faire. D’autres procureurs interrogés ont souligné le manque de réactivité de Meta, sa lenteur à exécuter les décisions de justice, voire ses rejets des mandats délivrés par les autorités. Et nombre d’anciens modérateurs de l’entreprise qui étaient censés signaler les indices d’un éventuel trafic, affirment que leurs efforts n’aboutissaient souvent à rien.

Pourquoi ? Parce que si l’entreprise est tenue de signaler toute image d’abus sexuel sur des enfants partagée sur ses plateformes au Centre national pour les enfants disparus et exploités (ICMEC), il n’existe pour elle aucune obligation légale de signaler le trafic sexuel d’enfants, deviné à travers les messages et les échanges de photos pas explicitement pornographiques… C’est, là, la brèche. De fait, si de janvier à septembre 2022, Facebook a signalé plus de 73,3 millions de contenus sous les rubriques « nudité d’enfants et abus physiques » et « exploitation sexuelle d’enfants » dans le monde entier, Meta n’a signalé en dix ans que trois cas présumés de trafic sexuel d’enfants aux Etats-Unis…

Alors bien sûr, l’entreprise de Zuckerberg pourrait faire davantage, car elle en a les moyens, notamment avec l’IA. Il ne s’agit pas pour eux d’un problème technologique, mais bien plutôt d’une question de priorité. Car ce trafic, l’un des plus lucratifs au monde, avec des revenus estimés à 7 milliards de dollars par an, repose en grande partie sur l’utilisation et donc l’engraissement de ces plateformes.

Pourtant l’enjeu est immense. Car les pédophiles sont de plus en plus fabriqués avec la pornographie, attirés vers des contenus de plus en plus extrêmes et donc la maltraitance d’enfants. Favorisé, démultiplié par les échanges des réseaux sociaux, l’esclavage sexuel des enfants ne peut donc que s’amplifier.

 

Clémentine Jallais