Nous sommes à une époque où il faut toujours répéter les évidences. Voilà des décennies que les différentes méthodes globales, ou semi-globales ou encore « naturelles » d’apprentissage de la lecture sont utilisées de manière quasi universelle dans de nombreux pays développés – ou encore des versions prétendument « syllabiques » qui ne le sont pas tant que cela. Ce sont des méthodes qui désapprennent à lire, et surtout à penser. Une récente étude des résultats des écoles publiques en Floride vient de montrer, en s’appuyant sur des données incontestables, que le rejet du « socle commun des connaissances » ( oui, cela existe aux États-Unis comme en France) et l’apprentissage alphabétique de la lecture sont nettement, et même très nettement plus efficaces que les méthodes communément adoptées. Une seule école, la Mason Classical Academy, présente ce taux de réussite exceptionnel, parce qu’elle refuse d’enseigner la lecture comme si les langues occidentales étaient écrites en idéogrammes, comme le chinois, ce que fait en définitive la méthode globale.
La meilleure école d’un district de Floride forme 90 % de lecteurs compétents
C’est Alex Newman qui révèle et commente ces données passionnantes sur le site freedomproject.com. Cette école de Floride, souligne-t-il, est la meilleure du district scolaire de Collier County en langue anglaise, affichant le beau score de 90 % de lecteurs compétents en « 3e grade » – la classe de CE2 en France. Le score moyen des autres écoles du district, qui ont recours au Common Core (socle commun) n’est que de 58 %, ce qui reste, hélas, au-dessus de la moyenne nationale puisqu’en Californie par exemple, seuls 43 % des élèves de cet âge sont des lecteurs compétents.
Encore faut-il préciser, ce qu’Alex Newman ne fait pas, que les tests de lecture sont taillés sur mesure pour évaluer les compétences en relation avec les méthodes d’apprentissage non alphabétique. Elisabeth Nuyts, dans “L’école des illusionnistes” – livre indispensable pour comprendre comment l’école s’attaque aux intelligences des enfants – montre qu’un enfant peut donner l’illusion de savoir lire mais être incapable de comprendre et retenir ce qu’il voit sur la page… La situation peut bien être plus désastreuse encore dans la réalité.
La preuve par les résultats : l’apprentissage alphabétique de la lecture est le meilleur
Mais revenons à Mason Classical Academy (MCA). Il s’agit de ce qu’on appelle aux Etats-Unis une « charter school » : une école publique bénéficiant de fonds publics mais autorisée à fonctionner de manière différente des écoles publiques habituelles aux termes d’une charte particulière, qui peut s’éloigner du Common Core et de ses méthodes globales imposées. Ceux-ci obligent à apprendre la lecture en mémorisant des mots entiers au lieu de partir de la lettre puis de la syllabe. On sait que ce démarrage a des effets profonds et durables, puisqu’il monte des circuits neuronaux inadaptés à la lecture, en inhibant les circuits auditifs qui traitent la parole.
Il y a à boire et à manger dans les « charter schools » mais ce sont des excellents résultats de MCA qui ont poussé Alex Newman à imaginer que ses méthodes n’étaient pas celles du Common Core. Son enquête fut bouclée en quelques minutes : il lui suffit de passer un coup de téléphone à la fondatrice de l’école, Kelly Lichter, pour confirmer ce qu’il subodorait – la méthode de lecture employée dans l’équivalent du CP, à MCA, est une méthode alphabétique. L’école s’attache à un apprentissage traditionnel de la langue.
Il n’y a pas de querelle des méthodes : la méthode globale de lecture est catastrophique
La conversation devait lui apprendre que si les élèves de « 3e » (CE1) à MCA font partie des 2 % des meilleurs en Floride, en « 5e » (CM2) ils se situent dans le premier pourcent pour l’ensemble de l’Etat.
Sans surprise – puisque nous sommes dans un domaine idéologique qui reproduit ses injustices en France comme aux Etats-Unis – MCA est la seule école de Collier Country qui soit dans le collimateur du surveillant de district. Les médias de gauche ne lui ménagent pas non plus leurs critiques. Mais peut-il en être autrement quand une école démontre par contraste que ce que l’on impose à la quasi-totalité des enfants n’est qu’une vaste entreprise de décervelage, et que « l’échec scolaire », l’illettrisme à la fin du primaire ne sont pas des fatalités ?