D’après un récent sondage, 97% des Français estiment que François Hollande a échoué. Un score de « roi nègre » ou de « république bananière » à l’envers. Il réussit en tout cas à une chose : compromettre l’indépendance nationale par ses atermoiements en politique étrangère, comme en témoignent l’affaire des Mistral et d’autres cas très récents de ventes d’armes où des pressions européennes, allemandes et américaines priment sur l’intérêt de l’Etat.
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un contrat avait été passé avec la Russie pour la vente de deux porte hélicoptères de la classe Mistral, de conception et de fabrication françaises, produits par les chantiers de Saint Nazaire, qui devaient être livrés en 2014. Cette transaction témoignait de la haute valeur technique des armes françaises en même temps que de la confiance que leur témoignait une puissance militaire de premier ordre. Elle donnait du travail à nos chantiers navals en même temps qu’elle augurait de commandes futures. Or, lors de la crise ukrainienne, la France dirigée par François Hollande a décidé de se mettre à la remorque des Etats-Unis et de l’Europe de Bruxelles, menant une politique nettement anti russe et décidant de sanctions contre Moscou sans évaluer les risques économiques et financiers d’une telle attitude. Pire, sous la pression de l’Allemagne notamment, elle choisissait, au moins verbalement, de conditionner la livraison des navires commandés et payés à un changement de politique russe vis-à-vis de l’Ukraine. Il est clair que François Hollande espérait qu’à force de compromis la situation se débloque, et qu’il négociait en même temps avec ses partenaires occidentaux et avec la Russie pour que les choses s’arrangent, moyennant quelques concessions de façade.
Comment Hollande patouille dans l’affaire Mistral
On a cru que les choses allaient venir à leur terme quand la division des navires de Surface de la DCNS, le leader mondial de la construction navale de guerre qui produit les Mistral, eut envoyé au gouvernement russe une invitation à venir prendre livraison du premier Mistral, le Vladivostok, le 14 novembre. La chose était relayée sur Twitter par le vice-premier ministre russe chargé de l’armement Dmitry Rogozine, mais immédiatement démentie par le ministre français des finances, Michel Sapin. Selon lui, « les conditions ne sont pas encore réunies » pour que la Russie prenne livraison du navire. L’affaire se solde pour l’instant par le limogeage du directeur général du projet Mistral, Yves Destefanis, par le PDG de DCNS, Hervé Guillou. Cet incroyable couac laisse une certitude et des questions sans réponses. D’abord les questions. Est-il croyable qu’Hervé Guillou, le ministre de la Défense Jean Yves le Drian, et François Hollande n’aient pas été au courant de l’invitation ? Sur une affaire aussi sensible et politique, un lampiste aurait-il pu prendre une telle initiative ? Si oui, la chaîne de décision est une incroyable pétaudière. Sinon, et l’hypothèse est plus probable, c’est au plus haut niveau que se situe le couac, l’indécision, et le changement de politique au gré des pressions. Une autre question : pourquoi est-ce le ministre des finances qui a porté le démenti et pris en dernier ressort l’affaire en main ? S’agissant de matériel stratégique, la Défense, les affaires étrangères, ou mieux l’Elysée, semblaient mieux placés. Troisième question : si, comme le désordre actuel en ouvre la possibilité, le contrat n’est pas honoré, qui va payer la note ? Enfin, la certitude : le gouvernement français et le chef de l’Etat se sont discrédités, et la parole de la France avec. Notre pays n’est plus un fournisseur d’armes fiable, sa politique étrangère dépendant trop étroitement de coalitions de rencontre et d’influences étrangères.
D’autres ventes d’armes où la France perd la main
Cette constatation terrible est corroborée par trois autres affaires récentes de contrats d’armement. Le trente octobre dernier, Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’économie, aurait interdit trois ventes d’armes françaises, sous prétexte que ces armes comportent des composants allemands, comme il arrive de plus en plus dans les projets industriels civils ou militaires – dont Airbus est le plus connu. Il s’agirait premièrement de missiles antichars Milan ER de nouvelle génération, produits par MBDA et achetés par le Qatar, dont la « tête militaire » est fabriquée en Allemagne. Deuxièmement de véhicules blindés Aravis, produits par la firme Nexter, dont le châssis est de fabrication allemande. Troisièmement d’hélicoptères Cougar d’Airbus Hélicoptères à l’Ouzbékistan, dont la « boule optronique » est fabriquée en Allemagne.
Ici, on a plusieurs certitudes et une question. Commençons par les certitudes. Un, Sigmar Gabriel est un socialiste du SPD. Il affirme appuyer sa décision sur la lutte contre les ventes d’armes. Deux, Angela Merkel avalise la décision de son ministre. Trois, l’Allemagne a désormais une plus grosse part du marché des ventes d’armes mondial que la France, et la décision de son ministre socialiste, tout idéaliste qu’il se prétend, déconsidère la France en tant que fournisseur, et sert donc les intérêts des industriels allemands, même si par ailleurs il tente de mettre des bâtons dans les roues aux exportations purement allemandes. Quatre, les ventes de matériels stratégiques par l’un ou l’autre des deux partenaires du couple franco-allemand sont régies par des accords passés entre Helmut Schmidt et Michel Debré en 1971 et 1972. Ils stipulent notamment ceci à leur article 2 : « Aucun des deux gouvernements n’empêchera l’autre d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers du matériel d’armement issu de développements ou de productions menés en coopération. » Et c’était valable tant pour l’armement de l’époque que pour les coopérations ultérieures, sauf disposition particulière explicite. « L’interdiction » signifiée par Sigmar Gabriel avec le feu vert d’Angela Merkel est donc illégale. Elle trouve d’ailleurs une opposante au sein même du gouvernement allemand en la personne d’Ursula Von der Layen, le ministre de la défense.
Comment le socialisme liquide l’indépendance nationale
La question est donc : dans quelle situation d’infériorité se sont mis le gouvernement français et François Hollande pour accepter un tel camouflet ? Contre quel appui sur quel autre dossier ? L’affaire du déficit budgétaire ? L’ensemble du budget français ? En tout cas, d’autres certitudes apparaissent. Un, ni les industriels de l’armement ni les clients ne peuvent plus faire confiance à l’Etat. Deux, la politique de la France, même en matière stratégique, ne se fait plus à Paris. On voit par là que la politique d’inspiration socialiste menée par tous les présidents depuis François Mitterrand et l’endettement conséquent ont eu peu à peu raison de l’indépendance nationale.
On soulignera une nouvelle fois que ces questions stratégiques ont été décidées en dernier ressort, en France comme en Allemagne, par les ministres des économies et des finances, comme pour bien faire entrer dans les mentalités qu’elles ne sont plus du ressort de la souveraineté nationale. Le socialiste François Hollande et la chrétienne démocrate allemande Angela Merkel sont entrés sans états d’âme dans ce processus : couacs diplomatiques, interdictions illégales, défaut de signature et mauvais procédés commerciaux concourent tous à l’affaiblissement des industries européenne et à la fin de l’indépendance nationale.