Quel que soit le bilan définitif de l’attentat de Moscou, il avoisine celui de novembre 2015 à Paris et figure parmi les plus importants du terrorisme de ces dernières années. Cela entraîne la compassion pour le peuple russe en deuil. Les controverses lancées en Occident et à Moscou sont à cet égard très mal venues. Vladimir Poutine a d’abord mis l’attentat sur le compte direct de l’Ukraine avant d’admettre qu’il était l’œuvre de « l’islamisme radical », tandis que la presse, notamment française, a polémiqué sur les « tortures » censément visibles sur les images des quatre suspects montrés par la télévision russe. Tout cela n’est pas très digne et masque un fait important : la guerre en Ukraine n’empêche pas le monde de tourner, et la géopolitique avec elle, avec notamment cette plaie du temps de « paix » ordinaire qu’est le terrorisme. C’est ce qu’Emmanuel Macron a tout de suite saisi en proposant au président russe « une coopération accrue » en matière de terrorisme.
Moscou : buter le terrorisme jusque dans l’image télé
L’étonnant n’est pas que la police de Moscou ait passé les suspects à tabac, ni que le Kremlin ait fait diffuser les images : tout homme normal estimera souhaitable une punition exemplaire pour un crime aussi répugnant, et Poutine, en position de faiblesse pour n’avoir pas su éviter l’attentat, doit montrer sa détermination. Il faut qu’on sache qu’il « butte les terroristes » jusque à la télé. L’étonnant est que les terroristes, sachant qu’ils risquaient d’être faits prisonniers, n’aient pas eu de pilule de cyanure. Cela fait partie des mystères qui planent sur l’affaire. A la question de Vladimir Poutine, « à qui cela (le crime) profite-t-il », toutes les réponses sont aujourd’hui possibles. Y compris les plus complotistes. On peut y voir la main de Washington, de Kiev, ou celle de Moscou. Ou simplement celle de personne. Frankenstein a échappé à son inventeur, et les mouvements terroristes échappent souvent à ceux qui les ont manipulés et financés : c’est arrivé naguère aux créations de l’URSS et des Etats-Unis, c’est sans doute le cas de l’Etat islamique du Khorassan.
Guerre en Ukraine, paix dans le monde, gouvernance mondiale
Quant à la proposition d’Emmanuel Macron lancée de Cayenne en Guyane, il ne faut pas y voir que le souci d’un président hyperactif de faire parler de lui. Il rappelle que dans le système international actuel, la paix continue pendant la guerre. La Russie et l’Occident coopèrent en matière de nucléaire, d’espace, et dans bien d’autres domaines, afin que le monde ne s’écroule pas – et la lutte contre le terrorisme en est un. Lutter contre le terrorisme, ou les pandémies, ou la corruption, ou le réchauffement du climat, sont de grandes tâches systémiques, menées en commun par toute l’humanité pour faire avancer la gouvernance mondiale. Dans les démocraties dites « libérales » comme dans celles qu’on dit « illibérales ». Et si Macron peut proposer son savoir-faire en la matière, c’est que les mêmes causes produisent les mêmes effets : empire multiculturel, multiracial et multireligieux, la Russie est aujourd’hui la proie d’un vivre-ensemble comparable à celui de la France, qui explique sans doute que le commando terroriste ait pu s’y constituer sans être repéré.