Prêts à tout. Les Chinois seraient prêts à tout pour que TikTok soit conservé outre Atlantique, même à vendre le super réseau aux 170 millions d’utilisateurs au puissant Elon Musk. C’est ce que révèle, dans un nouveau rebondissement, un rapport de Bloomberg publié ce mardi.
Nous sommes en effet à quelques jours de la date butoir du 20 janvier, date à laquelle selon la loi, le réseau devra se couper totalement de sa société mère, le géant chinois de la tech ByteDance. Disparaître peu à peu (l’application ne pourra plus être installée et mise à jour) ou vendre ses actifs à une entreprise américaine, tel est le choix imposé à la Chine, pour qui cette opération aura des incidences politiques, économiques, mais surtout sociétales, le réseau préposé aux jeunes étant un vecteur d’influence hors norme.
Quant aux Américains, l’affaire les divise, et pas seulement entre générations, mais aussi à l’intérieur des partis. Républicains et Démocrates se sont peut-être retrouvés, un temps, sur cette nécessité de sécurité politique à écarter l’influence de la Chine communiste, mais Biden s’est quelque peu rallié au réseau et Trump demande aujourd’hui que l’application de la loi soit suspendue jusqu’à son arrivée – pour gagner du temps en vue d’un éventuel rachat ?
Tiktok est accusé depuis longtemps par Washington d’être sous la tutelle de Pékin
Lundi, Bloomberg a rapporté que les autorités chinoises évaluent une option impliquant l’acquisition par Elon Musk des activités américaines de TikTok et sa possible fusion avec X, si l’entreprise ne parvient pas à repousser l’interdiction controversée de la célèbre application. Cela a peut-être été qualifié de « pure fiction » par la société mère ByteDance, mais on peut se demander avec Bloomberg si la société est vraiment au courant de toutes les discussions avec le gouvernement chinois… Et puis le silence déterminé du très disert Musk pose question.
Ce rachat résoudrait l’impasse dans laquelle le réseau chinois se trouve. En effet, Biden a signé en avril dernier une loi soutenue par de nombreux membres des deux partis, le Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act (Pafaca), qui interdit de « distribuer, maintenir ou mettre à jour » toute application contrôlée par des « pays adversaires étrangers », tels la Corée du Nord, la Russie, l’Iran ou la Chine : elle exige donc que TikTok soit vendue à une entreprise américaine avant le 19 janvier ou fermée.
Il est certain que Pékin a tout fait pour que TikTok reste la propriété de ByteDance Ltd, jusqu’à faire remonter sa contestation à la Cour Suprême. Mais les neuf juges, bien qu’aucune décision n’ait été encore rendue, n’ont pas semblé trouver que cette loi constituait une violation du Premier amendement de la Constitution américaine, garantissant la liberté d’expression.
Il faut donc que Pékin se plie. Mais de la meilleure façon qui soit. Et le fait est que le 20 janvier, une autre administration entre en lice, dont Musk est un soutien et, dorénavant, un conseil officiel.
Le nom de Musk aurait figuré dans différents scénarios imaginés par les autorités chinoises
Pour le riche propriétaire de X qui a toujours pensé que TikTok devait rester disponible aux Etats-Unis, ce serait un nouveau vecteur d’influence et une nouvelle manne de données dont pourrait bénéficier sa société d’intelligence artificielle, xAI, malgré un coût faramineux estimé entre 40 et 50 milliards de dollars. D’autant qu’il entretient déjà des rapports avec la Chine, la plus grosse base de production de son entreprise Tesla se situant à Shanghai.
Pour le gouvernement chinois, un accord potentiel très médiatisé avec l’un des alliés les plus proches du président Donald Trump présenterait un certain intérêt, selon le rapport de Bloomberg. Le régime, qui aura son mot à dire lors de cette vente, pourrait y voir un « domaine potentiel de réconciliation » avant les négociations avec l’administration Trump sur des questions telles que le commerce et les droits de douane.
Mais, surtout, cela en dit long sur le rôle de ce dernier. Le seul fait qu’il existe des pourparlers à Pékin, au nez de ByteDance, suggère que le pouvoir n’est pas toujours là où on le croit. Il est de notoriété publique que l’Etat communiste détient une « golden share » (une action de société à pouvoir spécifique) dans une des filiales de ByteDance, mais sa mainmise est très visiblement plus importante. Et s’il dévoile ainsi son influence, c’est que l’enjeu est considérable.
« Manipuler les valeurs d’un pays et atteindre des objectifs stratégiques sans bataille militaire ouverte »
Nous l’avons vu à plusieurs reprises sur RiTV, le pouvoir d’un tel réseau est, de fait, potentiellement immense. C’est un professeur à la principale académie militaire chinoise qui l’a écrit : la véritable bataille entre les Etats-Unis et la Chine est une « guerre mentale fondée sur l’information ». Et TikTok fait partie de cette stratégie de propagande et d’influence, auprès de la plus précieuse des générations : la jeunesse. C’est elle qu’il faut convaincre, voire pervertir, en tout cas remodeler.
Les réactions médiatiques à l’éventualité du rachat par Musk sont d’ailleurs amusantes : beaucoup s’effraient de ce qu’un tel média représenterait dans les mains d’un seul homme, avec les idées qui sont les siennes. Mais qu’imaginent-ils des objectifs d’un contrôle communiste ?
Sur le site en ligne Breitbart, Peter Schweizer parle de « cheval de Troie » et rappelle les propres mots des stratèges chinois : en « coupant la mémoire historique », en « déconstruisant les symboles [culturels] » et en « manipulant les perceptions » par le biais de la propagande diffusée sur des plateformes numériques telles que TikTok, Pékin cherche à obtenir une « supériorité mentale ». Et le divertissement, principale motivation de la consommation de contenu de la génération Z, est le meilleur vecteur qui soit : d’émotion en émotion, le jeune cerveau se fait esclave inconscient.
La jeunesse américaine est une cible déclarée du pouvoir communiste dans la guerre culturelle moderne.
La Chine voudra tirer le meilleur parti du futur destin de son réseau
C’est la raison pour laquelle le tour qui sera donné à cette affaire est crucial.
A la fin de son premier mandat, Trump avait imposé des sanctions à TikTok et soutenu son interdiction, mais en 2024 il est revenu sur sa position après avoir rencontré un actionnaire de TikTok et très gros donateur du Parti républicain… jusqu’à demander à la Cour suprême, le 28 décembre, de suspendre l’application de la loi jusqu’à son investiture : il a déclaré vouloir « négocier une solution pour sauver la plateforme tout en répondant aux préoccupations de sécurité nationale exprimées par le gouvernement ».
Mais, remarque Peter Schweitzer, le mauvais traitement qu’il a subi de la part des plateformes sociales américaines telles que Facebook et le Twitter ancienne manière fait aussi de lui une cible pour TikTok qui cherche une oreille compatissante. L’application a d’ailleurs permis à sa campagne un accès illimité aux jeunes électeurs.
Si négociation avec la Chine il y avait, le pouvoir communiste qui n’apprécie guère le programme de Trump et lutte idéologiquement contre l’Occident, se chargerait de le contrer d’une manière ou d’une autre. Nombre de conservateurs, et l’ancien vice-président de Trump, Mike Pence, en premier, clament que TikTok doit être rachetée par une entreprise américaine. A condition, là aussi, qu’il n’y ait aucune contre-partie avec Pékin.