Une étude réalisée par l’agence tunisienne Sigma Conseil apporte, selon ce qu’en rapporte ces derniers jours Jeune Afrique, un éclairage fort intéressant sur la relation que les habitants des pays d’Afrique du Nord entretiennent avec la religion. Pour beaucoup d’entre eux en effet, dans ces pays où l’islam est majoritaire, les habitants sont d’abord musulmans, et ensuite seulement citoyens.
 
Cette étude, publiée sous l’intitulé Les affaires religieuses et la politique dans le monde arabe, et réalisée par l’agence tunisienne Sigma Conseil, en partenariat avec l’Observatoire arabe des religions et des libertés et la fondation allemande Konrad Adenauer, donne un certain nombre de considérations sur un sujet délicat, à propos duquel on véhicule habituellement bien des idées reçues, notamment en Occident.
 

Musulmans d’abord, clament les habitants d’Afrique du Nord

 
Si Jeune Afrique l’évoque ces jours-ci, l’étude est pourtant le résultat d’un sondage téléphonique réalisé en décembre 2015, il y a près de six mois, dans chacun des cinq pays d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte) auprès d’un panel déclaré représentatif d’un millier d’individus en âge de voter (plus de 18 ans). L’enquête a décidé de porter sur trois questions fortes : la nature de la relation des sondés avec l’islam et l’islam politique ; comment ceux-ci perçoivent la notion d’extrémisme religieux ; et enfin leur jugement sur l’Etat islamique et son action.
 
Le président de Sigma Conseil, Hassen Zargouni, a souligné les principaux enseignements de cette étude. Et en premier lieu, un constat très simple : les habitants de l’Afrique du Nord se sentent musulmans d’abord, citoyens ensuite !
 
En effet, à l’exception notable de la Tunisie, où le sentiment de citoyenneté prévaut à 53,2 %, les citoyens des autres pays se sentent majoritairement musulmans avant tout. Encore faut-il relativiser le cas de la Tunisie. Car, comme dans les quatre aux pays voisins, si les Tunisiens étaient amenés à devoir choisir entre les identités religieuse et citoyenne, c’est la première qui l’emporterait sans conteste.
 
On note ensuite que tous ces gens sont très attachés aux pratiques religieuses, surtout à la prière et au Ramadan qui remporte l’adhésion de la population nord-africaine à plus de 95 %. L’aspect cultuel est donc considérable.
 

Citoyens ensuite – et de quels pays ?

 
L’immense majorité des sondés estime néanmoins que, quelle que soit leur religion, les citoyens d’un même pays doivent avoir les mêmes droits. Les Tunisiens sont 85,3 %, avec le score le plus faible de l’ensemble, à l’affirmer. Il conviendrait toutefois de savoir de quels droits il est question, quand l’identité religieuse est première. Il est, de ce fait, impensable, et l’actualité le confirme, qu’un chrétien puisse prétendre aux mêmes droits absolus qu’un musulman. La preuve en est encore donnée par une majorité exprimée en faveur de l’application de la charia – même si le niqab, lui, n’a pas la cote – ohé, la France ! – et l’Etat islamique moins encore.
 
On est cependant encore très loin de ce que nos édiles veulent nous faire croire avec le partage de la laïcité par un islam de France qui semble n’avoir jamais eu de réelle emprise sur la réalité.
 
Il n’est bien sûr pas question de dénoncer la préférence religieuse de ces gens. La question est appréciée de façon similaire par les chrétiens d’Orient qui, de la même façon, se sentent chrétiens avant toute chose.
 

Une laïcité problématique²

 
Le problème n’est pas immédiatement là. Il est dans une gestion mal comprise de la laïcité par nos sociétés occidentales qui, parce qu’elles ont réussi à faire croire à nos compatriotes chrétiens que leur foi ne pouvait être qu’une question privée, s’imaginent qu’il en sera de même pour les hordes que nous amène l’actuelle crise migratoire.
 
A la lumière de cet aveuglement, si l’on peut ainsi dire, l’on comprend pourquoi un tel sondage n’a eu que si peu d’échos en Occident…
 

François le Luc